Hocus Pocus arrivait au terme de sa tournée liée à leur dernier album Place 54. Occasion pour Vacarm.net et la radio rennaise RCF de réaliser en binome l’interview de ce groupe et de faire le point sur un road book qui affichait plus de 150 dates, discuter de cet opus lumineux mêlant hip-hop et des sonorités soul/jazz, marque de fabrique d’Hocus Pocus. Accompagné d’Arno, animateur de l’émission Electrons Libres sur RCF, nous nous rendons au Carré Sévigné de Rennes pour rencontrer 20Syl, l’homme aux multi-facettes et à l’origine de la formation du groupe pour discuter de Place 54, le successeur de 73 Touches. Let’s Go…
Hervé : 20Syl j’ai pris le train de cette tournée Place 54 en étant présent à la première gare qui était l’Olympic de Nantes où l’accueil était vraiment chaleureux pour ce retour d’HP sur scène. Ce soir vous jouez à Rennes chez vos voisins bretonneux où l’on assiste au terminus de cette tournée. Comment se sont passé toutes ces dates qui vont ont permis de sillonner l’hexagone ?
20Syl : Mortel ! On a fais plus de 150 dates cette année donc comme on dit on a vu du pays ! ca a été mortel quasiment chaque soir. On a vu les salles se remplir de plus en plus au fil de la tournée. C’est vrai que l’on a commencé avec la sortie de l’album donc on était forcément moins connu qu’aujourd’hui. Entre temps, il y a eu les nominations aux victoires de la musique, Taratata… Tout cela, c’est des petites choses qui ont fait que les gens nous ont un peu plus connu au fil du temps. Le bouche a oreille a bien fonctionné autour de l’album. Des concerts réalisés sous le nom d’Hocus Pocus et pas seulement des premières parties, des plateaux communs ou des festivals. C’est vrai que l’on était habitué à cela dans le passé. Aujourd’hui, on peut monter une tournée sous notre nom et c’est vraiment agréable. C’est ce dont on rêvait sans forcément faire les Zéniths car nous aimons rester dans des salles à dimension humaine, un peu comme ce soir à Rennes.
Arno : Justement, tu parles des salles à dimension humaine. On vous a vu dans des festivals cet été. Tu préfères jouer dans de petites salles ou devant une foule de spectateurs ?
20Syl : C’est des énergies complètement différentes. Lorsque l’on va dans des salles de 500 à 1000 personnes les gens viennent pour nous voir donc c’est des personnes qui connaissent très bien Hocus Pocus et qui sont dans le délire d’apprécier les morceaux, de participer aux morceaux. Forcément, on s’en prend plein la tête pendant ces concerts car en général le public est un peu le dixième musicien. Les festivals c’est un tout autre défi. On le prend comme un défi car on se dit que pas mal de gens nous connaissent pas, on doit se donner à fond pour chercher le public. On joue plus sur ce registre là en étant plus dynamique en se disant que rien n’est gagné. Dans des salles de concerts où les gens connaissent nos albums on aurait tendance à penser que c’est gagné d’avance même si on ne s’endort pas sur nos lauriers. On essaie de faire des prestations plus travaillées. Il est vrai que c’est toujours plus facile de jouer devant son public que de jouer devant un public de festival qui finalement est là pour découvrir de nouveaux groupes.{multithumb thumb_width=450 thumb_height=320}
Hervé : Quels sont les souvenirs marquants que tu vas garder enregistré sur tes vieilles VHS en ce qui concerne cette tournée Place 54 ?
20Syl : Il y a eu plusieurs choses. Je dirais le premier concert d’Hocus Pocus pour Place 54 mais qui n’était pas la première date de la tournée Place 54. C’était une date prévue au Point Bar, un bar de Nantes dans lequel on a testé entre guillemets notre set devant nos potes. Cette date a été un des premiers bons souvenirs. Ensuite il y a eu la Cigale qui a été un gros moment pour nous, même plus fort que l’Olympia. Ca a été une grosse claque parce que c’était notre retour sur Paris. On a un public parisien qui nous suit depuis longtemps car on a pas mal de radio qui nous diffusent depuis un bout de temps. On est plus connu en région parisienne que sur Nantes. Disons que c’était une grosse ambiance à la Cigale on a de super souvenirs de ce concert. Au niveau des festivals, il y a les Solidays ou d’autres festivals où l’on s’est retrouvé devant des milliers de personnes. C’est vraiment démesuré mais c’est une sensation différente. Il y a eu le Japon cette année, on y retourne en décembre. La bas, à chaque fois c’est mortel de la première à la dernière note. C’est un autre public, les gens sont vraiment dingues ! Sinon la dernière date qui m’a marqué c’était à Strasbourg où on a joué à la Laiterie. Je ne sais pas les gens avaient du prendre des euphorisants car c’était vraiment impressionnant. Pour dire, j’ai slamé pour la première fois. Les gens étaient très énervés et c’est très agréable de se prendre des coups de boost comme ceux là et surtout en fin de tournée. J’espère que ce sera la même chose à Rennes ce soir. Ce sont de bons souvenirs mais il y en a pleins d’autres car il n’y a quasiment aucunes dates à jeter sur cette tournée. On s’est amusé chaque soir.
Arno : Au crépuscule de cette tournée, quels regards portez vous de tout ce que vous avez pu connaître avec Place 54 ? Vous êtes fatigués, nostalgiques de ces 150 dernières dates, vous vous projetez vers l’avenir ?
20Syl : Forcement il y a un peu de nostalgie car on arrive à la fin. On avait une équipe mortelle, les cuivres nous ont rejoins pour les dernières dates. Lorsque tu as une équipe où l’on s’entend tres bien et où il n’existe pas de tensions. Tu en redemandes ! Il y aura donc un peu de nostalgie ce soir. Mais on se dit que dans six mois on va reparti sur les routes et on va reprendre du plaisir.
Hervé : A la différence de 73 Touches on ressent une certaine sensation d’appel au voyage avec des sonorités, des apports d’autres horizons comme pour le titre « Quitte à t’aimer » avec la voix de Césaria Evora, « Touriste » ou « Place 54 ». Etait ce un choix d’utiliser ces nouvelles sonorités sur le dernier album d’Hocus Pocus ?
20Syl : Lorsque tu réalises un nouveau disque, tu as envie d’explorer de nouvelles choses. Tu n’as pas envie de retomber dans les mêmes schémas avec cette base un peu organique, influencée par la Soul et le Funk. On avait envie d’aller chercher d’autres sonorités chaleureuses, du coté des sonorités africaines avec Cesaria Evora ou avec les gars de Tribeqa qui nous ont prêté un de leur morceau pour cet album qui s’appelle Amali dans leur disque et « Touriste » dans le notre. Rythmiquement je ne voulais pas tomber dans les mêmes schémas hip hop avec des beats un peu fat, des samples découpés que j’avais beaucoup fait jusqu’ici. J’ai voulu aller explorer d’autres schémas rythmiques, d’autres sonorités. Je voulais poser mon texte d’une manière différente, rentrer plus dans la forme du texte pour en dégager peut être plus de sens que de flow. C’était tout un travail là dessus, travail qui a permis des ouvertures.
Arno : Tu as modifié ton écriture pour pouvoir toucher un peu plus ta mère ? J’ai remarqué ce changement dans une interview que j’ai pu lire…
20Syl : Ce n’est pas forcément pour ma mère mais dans l’idée, je ne voulais pas faire un album qui soit confidentiel dans le sens où il allait seulement toucher des amateurs de hip-hop. Je voulais qu’il y ait différentes lectures. Lorsque je dis ma mère, je pense plutôt aux personnes qui n’écoutent pas obligatoirement du hip-hop. Elles vont avoir une certaine lecture de cet album, elles vont entendre certains thèmes, certains messages… Les amateurs de rap vont entendre des références à Jay D, un choix de son, des scratchs… Cela ne va pas forcément parler aux gens qui n’écoutent pas de hip hop mais c’est présent. Je voulais avoir tous ces degrés de lecture hip-hop, chanson française et à la limite ce coté musique du monde. Ce n’est pas une façon de travailler qui se veut commerciale parce qu’un moment je voulais dialoguer musicalement avec d’autres personnes que des amateurs de hip-hop en emmenant ces personnes dans mon univers.
Hervé : Il y a un autre titre de Place 54 qui est un appel au voyage, c’est « Voyage immobile » qui résume ce que peut procurer la musique à son écoute. Ce morceau peut être un titre référence à Hocus Pocus étant donné que tu expliques toutes les influences du groupe. Penses tu que « Voyage Immobile » pourrait être un titre référence pour Hocus Pocus ?
20Syl : Disons que ce morceau est un appel à la curiosité musicale. Voyage immobile est une métaphore filée entre la description d’un paysage et d’un morceau. Je parle de blocs, longs de trois minutes… J’essaie de décrire un paysage formaté et c’est dont ce que je veux m’échapper au début du morceau. C’est un paysage qui me semble gris et peu varié donc je m’en échappe au fil du morceau pour aller chercher des horizons musicaux différents, des choses un peu plus colorées, organiques. C’est un appel à la curiosité et de dire à l’auditeur de ne pas s’arrêter à ce qu’on lui donne, d’aller chercher lui même des nouveautés.
Hervé: Est ce que les clés de la réussite pour un groupe en dehors du niveau musical est de s’entourer de personnes de confiance ? Par exemple, si l’on fait le rapprochement avec HP, au départ avec 73 Touches vous étiez chez Warner, ensuite vous avez décidé de suivre les personnes qui s’occupaient de vous chez Warner qui allaient chez ULM…
20Syl : Ce n’est pas tout à fait cela l’histoire (Rires !) C’est possible qu’il y a eu un peu de cela car il y a eu Warner à une époque… 73 Touches on l’a produit en indépendant avec le label que l’on a créé Yann et moi mêmes, le label On and On. Au début, on fonctionnait en vase clos car on avait du mal à déléguer le travail. On fait souvent les choses nous mêmes. Warner nous a proposé une licence mais cette proposition ne s’est jamais concrétisée. On a donc été chez Universal pour une licence, ils ont réédités 73 Touches et aujourd’hui ils sortent Place 54. Lorsque l’on rentre dans un label comme celui là, c’est difficile de dire que l’on s’entoure de personnes de confiance parce que ce sont des personnes qui travaillent dans une industrie musicale. Ils font du business et nous ne sommes pas aveugles. On sait pourquoi nous allons les voir et pourquoi nous avons besoin d’eux. A un moment donné, en tant qu’indépendant nous n’avions pas accès à certains médias. On se sentait limité dans l’expansion du groupe en étant indépendant. On a eu besoin d’aller voir un interlocuteur qui puisse nous permettre d’ouvrir des potes qui étaient restées closes.
Hervé: Au niveau des featurings, on retrouve une multitude d’invités sur Place 54. Comment s’est fait le choix de ces diverses collaborations ?
20Syl : Pour nous, c’est le morceau qui décide du featuring et non pas le featuring qui décide du morceau. Par exemple sur Touriste, je voulais une chanteuse qui avait un léger accent, qui puisse chanter en français car j’avais déjà le texte en main et qui amène un coté exotique au morceau. On a démarché Rokia Traoré…des chanteuses qui ont ce léger accent. On n’a pas peu les avoir donc au final nous avons pris Elodie qui est une amie à nous, chanteuse de jazz. A chaque fois, on avait des morceaux avec une idée qui allait dans le même sens. Sur « Smile » on avait envie d’avoir une voix chaude. Je suis tombé sur la chanson d’Omar sur Nova. Du coup, on a essayé de se contacter et ça s’est fait de cette façon. Fred Wesley c’était car je voulais une couleur tres funk, seventies. Sur « Vocab »,T Love je trouvais cela mortel d’avoir une rappeuse qui te dise des mots aussi négatifs entre guillemets, un peu comme D’Angelo sur « Shit, Damn motherfucker ». C’est un texte horrible car il raconte que sa femme est en train de le tromper et qu’il la tue avec son amant mais tout cela avec une soul hyper langoureuse. Si tu ne comprends pas les paroles tu te dis qu’il est amoureux de sa copine, que c’est une chanson de love alors que c’est le contraire. Je trouvais intéressant d’amener une fille qui a une voix jazz et douce pour dire des mots aussi durs. A chaque fois on part d’un concept et c’est cela qui a guidé le choix des invités.
Hervé: Plusieurs de ces collaborations n’ont pas été réelles sur le plan physique. Certains artistes ont été enregistré à distance comme l’harmoniciste américain Tollak ou Omar, invité pour poser sa voix sur « Smile ». Travailler à distance n’a pas été une contrainte pour la réalisation de cet album ?
20Syl : Pour Omar ce qui a été cool c’est que l’on a réussi à concrétiser l’histoire en live c’est à dire qu’on l’a invité plusieurs fois sur scène avec nous. C’est vrai que c’est dommage lorsque ça ne reste que virtuel surtout avec un artiste comme lui. Fred Wesley on espère pour voir le faire venir car nous n’avons pas pu le faire pendant cette tournée. On a essayé plusieurs fois de se rencontrer mais chaque fois il était à l’autre bout de la France. On ne perd pas espoir de concrétiser tout cela. Pour Tollak, j’avais envie d’avoir un harmoniciste chromatique, qui joue un peu façon Stevie et il n’y en a pas tellement en France. J’ai tapé Harmonica Chromatique sur Youtube et je suis tombé sur une vidéo d’un mec en train d’en jouer dans un salon de musique en Allemagne et je me suis dis qu’il avait le jeu qu’il me faut. J’ai écrit sur son myspace et cette collaboration s’est faite comme cela. Internet nous ouvre des portes plutôt que ca nous les ferme. Mêmes des nantais qui sont sur cet album ont travaillé avec le net. De cette façon, ils travaillaient chez eux les tracks. C’est un confort incroyable.
Hervé : Il y a une collaboration qui était presque évidente sur cet album. The Procussions qui sont venus sur « Vocab » présents aussi sur Hip Hop de 73 Touches. The Procussions peuvent être considéré comme vos alter egos américains sur le plan musical en possédant pas mal de points communs. C’est bien plus que de la collaboration, c’est de l’amitié ?
20Syl : C’est vraiment cela et je sais que l’on a encore des projets. Je vais essayer de faire venir Jay, un des deux rappeurs chez moi pendant l’année 2009 pour essayer de faire quelque chose ensemble. C’est des personnes que l’on adore et qui nous étonnent artistiquement en live ou en studio. C’est un plaisir de travailler avec eux. Cette rencontre a été une des plus belles rencontre musicale que j’ai faite. Malheureusement, The Procussions c’est terminé en tant que groupe. Peut être qu’ils se remettront un jour ensemble mais pour le moment ce n’est pas au gout du jour.
Hervé : En décembre 2007, j’ai réalisé l’interview d’un groupe nantais que je suis depuis ses débuts. Je leur ai proposé un featuring avec toi 20Syl car ils sont en pleine préparation de leur troisième opus. Est ce que David, Nicolas et Christophe qui forment le trio Smooth t’ont appelé pour faire un featuring sur leur nouvel album ?
20Syl : (Rires !) Non, ils ne m’ont pas appelé mais ce serait avec plaisir que de participer à leurs projets. C’est des potes de longue date maintenant, on partage les mêmes techniciens… C’est des personnes que je côtoie assez régulièrement.
Hervé : Ce soir c’est la fin du voyage d’Hocus Pocus pour la tournée Place 54. Désormais vous allez poser vos micros ou continuer d’autres projets comme ta carrière solo ou le collectif C2C ?
20Syl : En 2009 on ne s’arrête pas. On se dit que Hocus c’est une belle équipe donc nous allons préparer un nouvel opus. En parallèle, il y aura un nouvel album de C2C. C’est notre défi de sortir deux albums durant l’année 2009.
Merci à 20Syl pour avoir répondu à nos questions.
Merci à Yann (manager HP) pour nous avoir permis cette rencontre.
Merci à toi Arno pour cette première collaboration entre Vacarm.net et RCF.
Photos: Hervé