Depuis plusieurs mois, Zenzile sillonne les routes françaises afin de présenter la version live de son nouvel opus, Living in Monochrome. Résolument rock, ce 5ème album enterre les aspirations dub de la formation angevine et marque un nouveau départ. A l’occasion du Furia Sound Festival 2008, nous avons eu la chance de nous entretenir avec Matthieu (basse) et Vince (claviers-machines) sur les changements entrepris par le groupe au niveau de son identité musicale.{multithumbs}
Dans la discographie de Zenzile, Metà Metà marquait un tournant plus électro au niveau du son. Sur Living in Monochrome, vous orientez désormais votre musique vers le rock. Pourquoi avez-vous choisi de prendre cette direction ?
Vince : pour Metà Metà, on avait décidé de faire un disque de musique électronique. C’est pour cette raison qu’on la fait sous le nom de Zenzile Sound System. C’était une manière de le démarquer de notre discographie globale. Pour Living in Monochrome, on n’a pas choisi de faire un album rock. C’est après coup qu’on s’est rendu compte que les idées qui nous rassemblaient étaient plus rock et c’est donc celles qu’on a gardées. Finalement, je dirai que ça a donné un disque de chansons : il y a 7 chansons sur 13 plages avec 2 intermèdes.
Comment votre public réagit-il face à ce changement ? Des titres comme « All Day Breakfast » et « Demon Inside » sonnent très post-punk et n’ont pas grand-chose à voir avec vos morceaux précédents.
Vince : je pense que l’histoire du disque est faite pour que les gens rentrent dedans. Ils doivent retrouver Zenzile à l’intérieur du projet. Certaines personnes qui étaient vraiment fans du côté plus pneumatique et plus dub de notre musique ont peut être étés déroutées. Après, au niveau du live, on n’a pas changé radicalement notre prestation scénique. Il y a toujours eu dans nos concerts des moments plus disco, plus rock.
L’album dévoile tout de même des atmosphères proches du dub : à l’écoute, il peut rappeler les Pink Floyd ou encore le post-rock, notamment sur « Offshore » et « Giant Undertow »… Dans quelle mesure le dub continue-t-il de vous inspirer ?
Matthieu : dans un sens, tout cela possède un côté évanescent et planant. C’est dans cette idée là que l’album peut encore faire des passerelles avec la scène dub ou ce qu’on faisait avant. Nous, on préfère dire dub au sens large : c’est un état d’esprit, c’est comment tu vois la musique. Autrement, selon une catégorie simple, c’est de l’instrumental, c’est du reggae. Le moyen le plus simple qu’on ait trouvé d’en faire, c’est de composer de la musique. Néanmoins, je ne classerai pas le dernier album dans un style dub.
Vince : c’est plutôt un disque de Zenzile qui tire vers le rock dans le sens large puisque dedans il y a un morceau reggae, un vrai dub (ndrl : « Rising First » featuring Sir Jean). Le reste se partage entre des instrumentaux planants et des chansons rock.
Matthieu : le dub, on en écoute toujours autant. Après, ce n’est pas qu’on en a fait le tour mais au bout d’un moment, tu mets au point une recette, une mécanique bien huilée qui installe une routine. On n’avait pas envie de continuer à faire ça. On s’est mis à composer à trois et tous les morceaux qui sont sortis se sont révélés êtres des formats courts, plutôt rock. C’est venu naturellement. Au lieu de nous censurer, on s’est dit qu’il fallait continuer dans cette voie. Au niveau du public, certains ont étés assez critiques, d’autres ont suivi. Ca dépend des oreilles des gens. Nous on fait de la musique parce que l’on est fans de musique. Forcément, on a des références qui sont larges.
Vince : le principe de Zenzile depuis le début, c’est de ménager des moments pêchus, toniques, à travers des plages plus cool, évanescentes. Quand on ne le fait pas dans un morceau, on le fait sur scène.
Pensez-vous avoir trouvé de nouvelles marques au niveau de votre identité musicale ?
Matthieu : vu qu’on a touché à des choses plus larges, ça peut nous permettre de prendre une direction intéressante pour le futur. Notre projet en commun, c’est de trouver une marque Zenzile plutôt qu’une marque dub ou rock.
Vince : de la même manière que les gens reconnaissent du High Tone ou du Brain Damage, notre son est identifiable. Après, c’est comme quand tu te retrouves face à des groupes « punk à roulettes » ou « emo-core » : si t’es pas vraiment pointu, tu vas avoir l’impression que tout se ressemble. Pareil pour le dub. Dès que tu t’y intéresses un peu plus, tu te rends compte que chaque groupe a son identité. De notre côté, il a fallu garder une unité au niveau du son. On a du virer quelques morceaux. Avec du recul, le titre reggae avec Jean, on l’aurait peut être pas mis sur le disque ou on l’aurait placé à un autre endroit.
Vous avez désormais un nouveau guitariste. Cela a-t-il changé votre manière de composer ?
Vince : Alex est le 3ème guitariste du projet. Forcément, le processus de composition change, l’équilibre aussi. Il faut que tu recommences tout un boulot pour que le mec apprenne le répertoire. Tu as l’impression de retourner en arrière. Après, c’est plutôt bien : il a amené des idées, de nouvelles couleurs. Il nous a aussi conforté dans notre son.
Living in Monochrome révèle un grand nombre de participations côté chants. D’un côté, on retrouve Sir Jean, Jamika et K-Rol avec qui vous avez déjà travaillé. De l’autre, il y a Tricky, Paul St-Hilaire a.k.a Tikiman et David Alterman. Comment se sont déroulées ces collaborations ?
Vince : Jamika est membre à part entière du projet. Jean, on est un peu moins proche de lui qu’elle. K-Rol est sur Angers. On la connaît bien. Elle a posé une idée sur un instrumental qui nous a bien plus, donc on a décidé de le garder. Tikiman, on l’a déjà croisé. Il y avait déjà eu une idée de projet entre nous. C’est plaisant de savoir qu’il a accepté de poser sa voix sur un morceau. D’ailleurs, on a toujours apprécié sa musique. Quand à Tricky, on avait fait une liste de gens avec qui on rêvait de travailler et lui était dedans. Il a tout de suite répondu qu’il était intéressé. On a fait ça avec lui par le biais d’Internet.
Matthieu : on lui a envoyé notre morceau pour qu’il fasse une boucle chant. Internet, c’est pratique mais ça ne remplacera jamais le processus de composition en direct. Notre postulat, c’est quand même de retoucher le moins possible nos titres.
Vince : concernant David, Matthieu le connaît depuis longtemps. C’est un gallois qui vit en France depuis maintenant 12 ans et qui a monté plusieurs groupes. Aujourd’hui, il est déménageur à Paris mais continue à faire du rock. Comme on avait pondu des instrumentaux rock et qu’on cherchait des idées de featurings, on a pensé à lui.
Comment est-ce que vous retranscrivez ces featurings sur scène ?
Matthieu : Jamika, elle chante ses morceaux et celui de Tricky. Ca le fait.
Vince : sinon, ça serait lourd économiquement de faire venir tout le monde !
Matthieu : ça met le doigt sur la problématique de faire un disque avec beaucoup de featurings. C’est dur de le défendre sur scène. Après, on ne veut pas faire d’émulation de voix par MPC, ça fait bizarre. On essaie de rester le plus live possible. Dave, quant à lui, chante aussi ses titres et fait des chœurs sur le morceau de Tricky. De les avoir tous les deux, ça nous permet d’adapter l’album en live.
Vince : puis sur scène, on a assez de morceaux dans notre discographie pour faire un set complet.
Est-ce que vous avez déjà commencé à plancher sur une nouvelle production ?
Matthieu : on pense qu’on va en grande partie travailler avec Jamika sur le long terme. Pour l’instant, Jamika a un style très particulier et on a du mal à en sortir. Son flow est très cool. On aimerait bien travailler ensemble pour l’emmener ailleurs, vers des choses plus scandées, plus rappées. On va tenter de bosser à fond avec elle.
Vince : on sait très bien que si on veut faire un format long avec Jamika, il faut qu’il soit différent de ce qu’on a pu faire par le passé.
Un grand merci aux équipes de Nin Nin Rose et du Furia pour l’organisation de l’interview.
Entretien réalisé par JiHeF & Cap'tain Planet.
Photos : Cap’tain Planet.