Venus tout droit de Tananarive à Madagascar, The Dizzy Brains fait son petit bout de chemin en France. Sacrés « révélation » des Trans Musicales de Rennes en 2015, les quatre jeunes musiciens étonnent par leur maturité et leur rage sur scène. A l’occasion de la vingt-sixième édition du Pont du Rock, nous avons rencontré Eddy et Mahefa Andrianarisoa, les deux frères à l’origine du groupe, pour qu’ils nous parlent de leur belle aventure et de leur premier album Out Of The Cage.
Vous racontez que la chanson qui vous a donné envie de monter un groupe est « 7h du matin » de Jacqueline Taieb. Pourtant, entre Jacqueline Taieb et votre musique, il y a un grand écart, non ?
Eddy : L’influence de Jacqueline Taieb, c’est juste le fait que ça soit simple. Elle jouait avec une seule guitare, une basse et une batterie. Elle n’utilisait pas trop de trucs compliqués. Ça a été le déclic. On était habitué à écouter des groupes qui étaient dans la recherche de la complexité. Quand j’ai entendu ce morceau, je me suis dit pourquoi ne pas faire un truc simple pour faire de la bonne musique efficace.
Pourquoi avoir choisi de vous appeler les Dizzy Brains ?
Eddy : En fait, au moment où j’ai entendu Jacqueline Taieb, j’étais dans les toilettes. Mon père, qui est un grand mélomane, était en train d’écouter le morceau. En sortant des toilettes, j’ai dit à mon frère « Allez, viens, on va créer un groupe ! ». On avait juste l’idée de faire de la musique. Quelques temps après, mon père regardait des vidéos de Jacques Dutronc. C’était la première fois qu’on voyait une vidéo de lui et on s’est dit que c’était un fou ! Que ce soit au niveau des paroles ou de sa gestuelle sur scène. Ça nous a donné un gros déclic. D’où le mot « dizzy ». Et on a juste ajouté « brains » après.
Pouvez-vous nous raconter votre parcours entre vos débuts à Madagascar et les Trans Musicales de Rennes en 2015 où vous avez été sacrés comme étant la révélation de ce festival ?
Eddy : On existe depuis 2011. Au début, on n’était que deux avec Mahefa. Au moment où je lui ai dit qu’on allait faire de la musique, il a répondu « ok, je m’occupe de la basse ». Pourtant, il n’en avait aucune notion ! Il aimait juste ça, il voyait jouer Dee Dee Ramone et ça le faisait kiffer ! Et après, on a commencé à chercher d’autres musiciens et puis on a fait beaucoup de petits concerts à l’arrache à Madagascar où on jouait devant 10 ou 20 personnes. Un jour, j’ai vu le nom d’un producteur, Gilles Lejamble, et je me suis dit que j’allais tenter le coup et l’inviter à un concert. Il est venu et, après, il nous a dit de venir à son bureau et on a signé. Ensuite, au fil du temps, on a rencontré plein de monde comme Christophe David qui nous a beaucoup aidé, X-Ray, Julie, Alex… C’est eux qui nous ont programmés aux Trans Musicales. Et c’est là qu’on a quitté pour la première fois notre île et qu’on a découvert de grands concerts. On a été très étonnés d’être considérés comme la révélation du festival car on n’avait aucune expérience et on n’avait pas été dans les conservatoires.
Vous attendiez-vous à autant de succès en France ?
Mahefa : Non !
Eddy : Pas du tout ! On pensait juste qu’après les Trans Musicales, on rentrerait chez nous et que la vie reprendrait son cours. Mais, après, plusieurs personnes ont voulu nous programmer dans leurs concerts et plusieurs dates se sont calées. Ça nous a beaucoup étonnés. On a tenté le coup et, aujourd’hui, c’est notre vie.
C’est un beau parcours !
Eddy : Oui ! On vient de loin !
Rires
Quelles sont vos principales influences ?
Eddy : Chacun des membres du groupe a ses propres influences. Par exemple, pour moi, il y a Mick Jagger, les Stones, Iggy Pop, le Velvet Underground, les Sonics, Serge Gainsbourg, Nino Ferrer… Quand on en parle, les gens sourient souvent en se disant que c’est étonnant que des gamins comme nous écoutons ça ! On est aussi influencé par d’autres styles comme le reggae et le jazz. On mélange un peu tout et c’est ça qui donne le son des Dizzy.
Votre musique est apparemment boycottée par les médias malgaches. Pouvez-vous nous expliquer pourquoi ?
Eddy : Plus maintenant. Ils ont carrément changé de vision ! On avait essayé, à l’époque, d’avoir des contacts auprès de journalistes ou de médias mais ils ne voulaient pas. Le rock n’était pas une musique pour eux, c’était juste une passion de jeunes. C’est le fait de passer aux Trans Musicales en France qui les a amenés à s’intéresser à nous. Ça nous énerve. On n’est pas fiers de ça. On a envie de leur demander pourquoi ils ne sont pas là quand on les appelle…
Mayotte étant, par exemple, à côté de Madagascar, vous auriez pu tenter de jouer là-bas pour vous faire connaître ?
Eddy : On aurait voulu faire ça, aller à Mayotte ou à La Réunion mais ça n’a pas été possible. Pourtant, on a cherché. On a été dans chaque coin où il y a des journalistes, même dans les télés, surtout qu’on avait des messages à faire passer aux Malgaches.
Le message est finalement passé au Petit Journal de Canal + ?
Rires
Eddy : Oui, c’est carrément là que les Malgaches ont commencé à nous connaître et à découvrir qu’il y a un groupe qui parle de la vie à Madagascar… Il a fallu passer en France pour être connus dans notre propre pays !
Cela fait quelques mois que vous sillonnez la France pour donner des concerts. Que pensez-vous du public français ?
Eddy : C’est très différent du public malgache ! A Madagascar, tu ne vois pas si les gens kiffent ou pas ta musique… Ils sont là, avec une bière. Toi, tu es là à forcer, à leur demander de taper dans les mains ou de se lever mais ils ne font rien… Mais ici c’est génial ! Il y a un partage entre le public et les musiciens qui est très important. On aime vraiment être en France.
Pensez-vous déjà à votre prochain album ?
Eddy : Oui. On pense rester dans le même style mais en devenant plus pro, en améliorant les choses. On veut rester dans la même simplicité et avec les mêmes idées. On y pense beaucoup et ça nous fait même flipper ! On se demande ce dont on va parler, on est toujours en recherche que ce soit dans le bus ou à la maison.
Quels messages essayez-vous de faire passer dans vos chansons ?
Eddy : On parle beaucoup de notre pays mais via notre vision à nous. On parle de la politique, de la société, de la misère et de la pauvreté qu’il y a là-bas. Ce sont des sujets qui nous oppriment nous mais aussi beaucoup de Malgaches. Personne ne veut le dire, personne ne veut en parler. Même les Malgaches ne veulent pas montrer leurs faiblesses. Ils veulent que les gens pensent que c’est un beau pays, qu’il y a de belles plages… Mais, là-bas, c’est la merde.
Comment votre entourage a-t-il réagi face à votre musique et à votre succès ?
Eddy : Pour notre famille, la musique n’est pas un métier. Donc, depuis tous petits, ils n’ont pas voulu qu’on en fasse. Avec le temps, ils ont vu notre parcours et notamment notre succès aux Trans Musicales. C’est là qu’ils ont compris qu’on pouvait gagner notre vie avec ça. Après, au niveau des amis, ils sont étonnés. Certains qui ont commencé avec nous, nous demandent de l’aide pour savoir comment on a fait. Mais on ne sait pas !