Face B : le secret est ton deuxième album après Confiture & Vitriol. Comment l’as-tu conçu par rapport au précédent ? Avais-tu déjà une image particulière en tête avant de commencer la composition et l’enregistrement ?
Entre Confiture & Vitriol et Le Secret, je n’ai pas arrêté de composer en fait. C’est pour cette raison que le nom du disque est Face B : Le Secret. Plusieurs trax devaient figurer sur le premier disque, mais pour plusieurs raisons, j’avais décidé de ne pas les mettre. Le Secret est vraiment la suite logique de Confiture & Vitriol, donc l’image, la trame étaient plus ou moins faites. Confiture & Vitriol a été un vrai casse-tête à composer et à mettre en œuvre, j’ai mis trois ans à trouver la verve de Polichinel. Pour Le Secret, d’autres teintes ont été exploitées et travaillées, ça a été un peu plus vite pour composer, et il y a des trax, fruits de rencontres, qui ne devaient pas être à l’origine sur le disque, comme « Ghost Trax » ou encore « Hades ». Rien qu’à eux deux, ils représentent plus de dix minutes et ont été composés dans un laps de temps assez court. Les rencontres me donnent parfois des ailes, un comble pour un misanthrope… Et je n’ai pas beaucoup dormi en deux ans….
Bien que trouvant sa voie dans une electronica baroque aux teintes trip-hop assez sombres, la musique de Polichinel est plutôt difficile à décrire, particulièrement pour son atmosphère peu commune et hors mode…
Merci pour ces mots. Pour ne rien cacher, j’écoute principalement de la trip-hop et de l’electronica down-tempo. Quand j’écris ou compose pour Polichinel, c’est souvent ma base de travail, mais ça part assez vite en vrille… (silence) Je m’efforce d’écrire une musique intemporelle et inclassable, je ne sais pas si j’y arrive toujours. Et pour l’atmosphère, une marionnette qui parle je trouve ça normal moi, pas toi ?
Je ne sais plus vraiment si c’est accessible ou inaccessible, facile ou difficile, commun ou non : je parcours mon chemin comme bon me semble, et on verra bien où il m’emmenera. Je ne me fie ni aux modes, ni aux courants musicaux, ni aux marques de claviers ou de sampleurs qu’il faut utiliser, et encore moins à un style musical précis, ou à une scène en particulier… Et j’aime assez aller dans le sens inverse…
Le spoken word – à califourchon entre violence et minauderie – et l’ajout des orgues confèrent quelque chose de propre à la vie nocturne…
Oui, j’aime bien la nuit ; la nuit tout est permis et tous les chats sont gris… J’y suis plus à l’aise. Pour le spoken word, c’est de cette façon que je m’exprime le mieux avec ma voix, et c’est la seule façon que j’ai trouvée pour mettre en valeur mes textes…
On retrouve une ambiance foraine à la fois moderne et rétro sur « La Note Noire » également, laquelle dégage une magie aussi irréelle que glauque, voire malsaine. On ressent presque un paysage fait de manèges désarticulés, d’immense barbe à papa trempée dans l’acide. S’agit-il d’un art qui te passionne, tous ces métiers tournés vers la fête foraine et le cirque ?
« La Note Noire »… (rire) Là c’est un peu long à expliquer, c’est une énorme part de Polichinel. « La Note Noire » fait partie d’une trilogie avec « Tourniquet » et « Embrasse-Moi ». Ce sont trois valses qui parlent d’évenements on ne peut plus personnels, et la mise en musique est non sans loin celle qui peut évoquer le cirque des années 20, les vieux manèges, les vieux souvenirs…
Autant que musicien, je suis marionnettiste depuis une dizaine d’années : je pratique un peu le mime et jongle, mais très mal. Le cirque, la fête foraine, ça me rappelle mon enfance, et quand j’étais petit, j’ai vraiment scotché sur ça, les jongleurs, les clowns, les lanceurs de couteaux, les manèges, tous ces bonbons, des spirales partout et quand tu reviens le lendemain et que tout est vide… Tellement scotché que je ne suis pas redescendu. Ca faisait vraiment des années que je voulais faire ce mélange de musiques, d’univers, et de souvenirs. Quand t’es enfant il ne peut rien t’arriver ; ton innocence, ça vaut tout l’or du monde. Pourquoi la perd-on avec le temps ? Comment fait-on pour y retourner ? Moi je n’ai trouvé que Polichinel, et si je peux en embarquer deux ou trois au passage, la porte est ouverte…
« Poupée De Cire » renvoie directement à ta marionnette fétiche. Comment vois-tu ce dialogue ambigu ? Tires-tu les ficelles de la poupée ou est-ce l’inverse ?
Sans moi, Polichinel ne peut pas vivre : un pantin n’a qu’un seul marionnettiste. Un ou une pour la vie. Aujourd’hui je ne peux plus passer une heure loin d’elle. Les rôles de manipulateur se sont peut-être inversés… L’un ne va plus sans l’autre.
Le Secret compte en ses rangs quelques participations extérieures, dont Lilou, avec qui tu partageais le groupe Une Feuille Noire il y a quelques années…
Oui, Lilou est la chanteuse guest de Polichinel. Elle avait déjà prêté sa voix sur le premier album sur « Les Deux Orchidées » et contribue à deux trax du nouvel album : « Les Petites Poussières » et « Intermezzo n°1 ». Ca fait plus de dix ans qu’on fait du son ensemble, deux albums avec Une Feuille Noire, des tonnes de live, du studio… J’aime beaucoup sa façon d’interpréter, assez détachée des notes, du rythme ; j’aime aussi sa façon d’écrire, et les mots qu’elle choisit. Et elle connait Polichinel depuis le premier jour. Je la mets vraiment au même rang que certaines chanteuses de grands groupes de trip-hop.
« Ghost Trax », plus en retrait, est quant à lui interprété sur les mots d’Horror 4o4, combinant assez étonnamment vos deux univers, complémentaires. Comment s’est passée cette rencontre ?
J’attends toujours de rencontrer Horror 4o4 pour ne rien cacher. Ce morceau, c’est vraiment le fruit de plein d’éléments qui, mis bout à bout, ont créé cette combinaison. Durant une session d’enregistrement pour d’autres trax du second album faite avec Ben (organiste live de Polichinel), une improvisation au piano, des vieux micros qui trainent, un jeune ingé son motivé (Gauthier), un Theremin prêté, et une page MySpace ouverte sur le profil d’Horror 4o4, je lui ai emprunté ses mots/maux pendant une heure, en pleine nuit. Le résultat, c’est ce morceau.
J’ai découvert Horror 4o4 il y a quelques années sur MySpace. J’aime vraiment beaucoup ce qu’elle fait. Sa plume est dévastatrice et salvatrice en même temps, son écriture est unique, c’est la grande classe. Merci à elle !
« Martyre », le premier extrait de l’album, bénéficie d’une vidéo diffusée depuis plusieurs mois. As-tu des anecdotes de tournage à ce sujet, et de quelle façon associes-tu image, vidéo et musique au sein de Polichinel ?
Pour « Martyre », j’aurais du mal à oublier Titouan, le petit garçon qui joue dans ce clip… C’est un superbe souvenir, impérissable, vraiment un pur plaisir d’avoir fait participer ce petit bonhomme. Sinon on avait remplacé l’eau à boire par du rhum, sauf pour Titouan, et tout monde a trouvé un malin plaisir à m’insulter et me torturer durant le tournage… super souvenir aussi !
Les images, la vidéo, la com sont gérées par Camera Noire Prod. J’ai des idées, ils les appliquent, le plus souvent avec brio. C’est comme un triangle musique / mots / images, dans un souci d’homogénéité et de cohésion artistique. Comme un dogme, une charte, où tout s’emboîte parfaitement, tout se marie, s’épouse ; une image au service d’un mot, ou d’un titre au service d’un trax, d’une mélodie, ou d’une note. Un instrument de musique bizarre où les touches pour jouer les notes sont des images, des photos, des dessins, des séquences animées ou vidéo… Mais j’ai une éternelle attirance pour l‘image fixe, plus que pour celles en mouvement.
Tu débuteras d’ailleurs prochainement le tournage du clip illustrant « Numéro 5 ». Pour quand est-il prévu et que peux-tu déjà dévoiler sur celui-ci ?
Le tournage du clip « Numéro 5 » se passera fin juin pour une sortie prévue cet été ou à la rentrée. La seule chose que je peux vraiment dévoiler, c’est qu’il y aura vraiment de jolies filles dans ce clip… Pour le reste, faut attendre !
Sur Itunes, Virgin, et Fnac.com. Dans certaines Fnac de France (Ouest). Via le « Polichinel shop » qui sera bientôt en ligne.
Pour le moment par la Poste, à cette adresse :
Association Camera Noire
6, place Saint Martin
44140 Le Bignon
Finalement, quel est le secret de Polichinel ?
Hé bien :
« Le Secret de Polichinel est inavouable, noir et trop amer… Pardonnez-moi, mais mon amoureuse en bois me souffle que je dois me taire. »
Désolé, je ne peux rien dévoiler à ce sujet…
Interview réalisée en mai 2010.
Crédits photos : Caméra Noire Prod