Dernière interview de la journée. Très en retard, initialement prévue à 18h30, elle se fera à 21h. L'ambiance est relax et ce ne sont pas les différentes interruptions qui nous gêneront pour discuter de l'actualité du groupe. {multithumb thumb_width=500 thumb_height=350}
Cap'tain Planet : Vous avez tourné au Brésil avec Manu Chao. Comment ça c'est passé ?
La Phaze : C'était fin janvier / début février. C'était une chance énorme de tourner dans ces conditions là-bas. Manu est une icône là-bas, on jouait après lui, il nous présentait au public donc on profitait de ça. On a toujours joué devant beaucoup de monde. On a pu marquer des points là-bas et surtout on a eu de très bons échos de nos performances. Du coup, on y retourne l'année prochaine tous seuls. En plus, il y aura une distribution de nos disques au Brésil. C'était un beau cadeau de la part de Manu de nous emmener là-bas.
C : Vous entamez aussi une longue tournée jusqu'en novembre / décembre. Pas d'appréhension ?
Non, on est dedans. On a déjà fait 20 dates. On a passé la période de rodage, on voit du pays. La seule appréhension c'est celle qui concerne le repos. On se demande quand on va pouvoir se reposer un petit peu. On tourne en France jusqu'à Noël et en 2006 ça sera surtout à l'étranger. On est parti pour un an et demi de tournée.
C : Le titre de votre album porte un peu à confusion. Vous vous appelez La Phaze et le titre de votre album est « Fin de cycle ». Qu'est ce que cela annonce pour la suite ?
Nous on voit ça vraiment comme la fin d'un cycle. Par rapport à la Phaze , il y a eu pleins de changements : on a changé de DJ, de manager, de maison de disque, de distributeur, de tourneur, etc… En plus, on estime qu'au bout de 5-6 ans de création musicale on a vraiment trouvé le crossover qu'on cherchait. On a trouvé enfin la bonne osmose qu'on cherchait depuis le début. Cet album clôture le cycle d'un jeune groupe et ouvre sur un nouveau cycle où on assume entièrement ce que l'on fait. Il y a aussi une autre lecture possible de ce titre, c'est celle politique et sociale puisqu'il y a pleins de choses qui nous dérangent en France, on ne sait pas où on va. C'est d'ailleurs pour ça qu'il y a le morceau « Nouveau Défi » sur l'album pour faire contrepoids.
C : Vous avez inventé un nouveau style de musique que vous appelez le « pungle style ». Comment pouvez-vous le décrire à nos lecteurs qui ne vous connaissent pas ?
C'est la contraction de deux mots, le punk et la jungle pour donner la « pungle ». Il y a une base vraiment électro, drum'n'bass, jungle et dessus on joue du rock, du punk avec des guitares, des claviers qui arrachent. C'est le crossover de ces deux mondes.
C : Pouvez-vous aussi nous dire comment se passe un live de La Phaze ?
C'est une grosse décharge d'adrénaline, il y a beaucoup de sueur et beaucoup d'énergie. Qu'il y ait 50 ou 50.000 personnes, on donne tout. Quand on a le retour du public, parfois on nous dit qu'on fait n'importe quoi mais ce n'est pas grave. L'avantage qu'on a c'est de pouvoir jouer devant un public autant rock qu'electro. Tout le monde se retrouve dans cette marmite.
C : Vous êtes-vous réapproprié les titres de votre nouvel album pour la scène ? N'êtes-vous pas tributaire des machines ?
Certains morceaux sont retravaillés pour la scène. Ils sont mieux adaptés au live. Les machines ne nous posent pas de problème particulier puisque maintenant on peut faire tout ce qu'on veut avec. On peut toujours bricoler sur scène. Si on veut boucler, couper, etc… c'est toujours possible. C'est vraiment pas un problème.
C : Avez-vous développé une identité visuelle sur scène ?
Non, rien du tout. On y va nature comme à nos débuts. On a rencontré un collectif de gars qui bossent sur Tours, ça s'appelle Imagina son. Ils font de l'image en direct avec des objets et c'est retransmis avec des écrans. On a fait quelques dates avec eux mais malheureusement pour des raisons de budget, on n'a pas pu continuer. C'est dommage car ça avait apporté une nouvelle dimension dans le concert : l'image ce n'était plus nous, c'était aussi ce qui se passait à côté. C'était une complémentarité vraiment intéressante. En tous cas si de nouvelles propositions tombent, on sera capables de bloquer un agenda pour se consacrer à la projection de films sur scène.
C : Vous avez invité de nombreuses personnes pour ce nouvel album. Pouvez-vous nous les présenter ?
Il y a Mouss et Hakim, les deux frères de Zebda, qui viennent chanter sur « Dangerous Dub », un vieux morceau Kabyle. Il y a Nili, une chanteuse israélienne qui chante sur « Coulours ». Il y a aussi l'ancien batteur d'Asian Dub Foundation, Rocky Sight, qui joue de la batterie sur deux morceaux et qui chante sur « Scott ». Il y a aussi DJ Atome qui fait partie du collectif Coup de Crosse qui est champion du monde de DMC. C'est un super scratcheur. On a aussi fait appelle à un ami pour la programmation d'un titre, il s'appelle Hirsute.
C : Quelle(s) réaction(s) cherchez-vous à provoquer chez l'auditeur ?
On a une musique très dosée en énergie, comme dans un shaker. Je pars du principe que lorsqu'on donne un concert, La Phaze est la pour te prendre et te secouer. On secoue le public et il en tombe forcément quelque chose. Tu peux être fatigué, épuisé, soulagé, etc… mais il se passe forcément quelque chose. C'est une émotion morale et physique qui doit ressortir.
C : Je suppose que vous êtes devenus difficilement impressionnables musicalement. Est-ce que le paysage musical français arrive encore à vous séduire ?
On est toujours impressionnables et tant qu'on le sera on fera de la musique avec passion. On est super impressionnables, on garde une certaine candeur dans la musique pour rester passionnés. En France, voir un concert de High Tone en 2005, ça m'impressionne. Ils envoient un tel truc que tu ne peux pas rester de marbre. Et il n'y a pas qu'eux ! Alif Sound System qui jouent ce soir, c'est la même chose … c'est toute une scène qui est en devenir. Pareil pour Sexypop. En France il y a un très bon niveau pour cette nouvelle scène.
C : Que représente, selon vous, l'artiste en 2005 ?
Il représente une soupape de sécurité, quelque chose qui va exploser. D'autant plus par rapport à une scène majoritairement molle médiatiquement. C'est une scène de chanson qui n'hérite pas des grands chansonniers comme Léo Ferré ou Louis Aragon qui avaient un discours politique conscient et profond. Là, on a une espèce de scène lymphatique. Les gens s'accrochent à ça trouvant un certain réconfort. Pourtant, je pense que tôt ou tard, ça va vraiment finir par péter à la gueule parce qu'il y a de plus en plus de monde dans la merde. On est en pleine récession dans ce pays et je pense qu'aujourd'hui l'artiste a ce rôle de soupape de sécurité.
C : Jusqu'où peut aller l'engagement politique de l'artiste ?
J'ai qu'une phrase à te dire : « Mourir pour des idées mais de mort lente » de Georges Brassens.
C : Je cite votre biographie : « Pour que cathodique, médiatique et économique ne riment plus avec méthodique ». Ce n'est pas un peu compliqué comme pari ?
C'est une phrase de bio ! Elle sonne bien, elle reflète bien nos textes. C'est une figure de style. Après tu prends ce que tu veux, ce n'est qu'une bio ! C'est un peu tiré par les cheveux, je te l'accorde. C'est pas La Phaze avec ses petits poignets qui va réussir à dire « Balancez tous vos télés par la fenêtre ! ». On changera rien mais cette phrase montre qu'un groupe comme La Phaze peut représenter un contre-pouvoir aux médias. On représente cette alternative avec un discours différent de celui qui est balisé aujourd'hui et je pense que des gens se retrouvent là-dedans. Je ne pense pas à une révolution populaire mais plus à une révolution personnelle. Chacun doit se poser des questions.
C : Préféreriez-vous que les jeunes filles du premier rang pleurent ou s'évanouissent en vous voyant ?
J'ai une anecdote, c'est arrivé qu'elles s'évanouissent ! Dans des accès de vénération, Damny a donné un coup de boule sans faire exprès à une demoiselle toute mignonne qui ne demandait rien du tout ! Elle est tombée dans les pommes, assommée par le coup de boule de Damny. Peut-être qu'elle a pleurée après … En fait ce qui serait bien, c'est que les filles fassent les deux !
Merci à La Phaze , Francky leur manager et aux attachés de presse d'Ephelide.