Cap'tain Planet : Qui a pris l'initiative de « Colère Noire » ?
Damny : C'est une initiative commune entre le groupe LA PHAZE et Jo le Guen le marin breton suite à notre rencontre et à nos échanges il y a 6 mois environ {multithumb thumb_width=500 thumb_height=350}
C : Pouvez-vous nous faire un petit rappel des faits ? Pourquoi ce concert ?
Le 12 décembre 1999, l'Erika se brise en deux au large des côtes bretonnes déversant plus de 30000 tonnes de pétrole appartenant au groupe pétrolier TOTAL.. Les dégâts causés par cette catastrophe sont estimés à 920 millions d'euros. A ce jour à peu près 50 % des dégâts ont été “réglé” aux victimes par l'intermédiaire du FIPOL (l'organisme d'indemnisation des victimes en cas de marées noires). TOTAL annonce en 2005 un bénéfice exorbitant de 13 milliards d'euros et continue à transporter son pétrole sur des bateaux poubelles non sécurisés. Ce concert sert à dénoncer cette injustice profonde et à rappeler au groupe TOTAL son entière responsabilité dans ce naufrage.
C : Qu'espérez-vous suite à ce concert ? Est-ce juste une marque de mécontentement ou espérez-vous que Total adopte une autre politique ?
Ce concert intervient en écho au procès pénal de l'Erika qui doit démarrer dans les prochains mois. Une nouvelle expertise va être engagée, ce procès va être long. Or, nous ne voulons pas être juste spectateur du déroulement du procès, c'est donc en créant ce type d'événement que nous souhaitons montrer le rôle et l'influence de l'opinion publique dans ce procès. Je pense que si la majorité d'en bas gronde fort, la minorité d'en haut qui s'en fout plein les poches en toute impunité devient beaucoup plus à l'écoute et se doit du coup de rendre des comptes (sans mauvais jeu de mots !)
C : Espérez-vous une forte mobilisation citoyenne face à cet événement ?
Bien sûr…et c'est déjà le cas aux vues des locations, des différents post sur le net et des messages que nous recevons de la part des gens, des assos concernées.
C : Depuis que vous tournez pour diffuser votre message, avez-vous vu une évolution dans la mobilisation pour ce genre de sujet ?
Tout passe par le dialogue, et c'est clair qu'on sent que les choses changent. Le climat actuel en France est tendu avec un chômage fort, des mesures d'emploi ridicules, un état castrateur et ultra-sécuritaire. Tout cela provoque des clans et des divisions, des cassures profondes conditionnées par le pouvoir d'achat dans cette société française. Des gens cherchent une alternative à ça, à tout ce formatage merdique, mais ça ne se fera que si l'on s'intéresse ensemble à ce qui ne va pas rond ici, à ce qui nous touche et nous blesse.
C : Quel est le lien entre tous les artistes qui vont s'exprimer ?
L'amitié d'abord !… et un discours politique dans les textes et la façon de vivre. Ce sont tous des groupes de scène qui se sont fait par la scène et revendique une indépendance. Ce ne sont pas des phénomènes de mode de magazine, et en plus la plupart des groupes vivent plus ou moins en Bretagne, sauf Mouss et Hakim qui viennent de Toulouse mais sont tout aussi concernés avec l'explosion de l'AZF.
C : Est-ce que l'on peut savoir qui seront les invités surprises du concert de Rennes ?
Eh non, désolé sinon ça gâche la surprise !…
C : Savez-vous comment le choix des artistes pour cette soirée s'est effectué ? Doivent-ils nécessairement s'impliquer dans l'action menée par Jo Le Guen ?
Non pas nécessairement, néanmoins tout le monde à répondu présent illico et se sent vraiment impliqué dans cette soirée. Les artistes présents sont des amis et tout c'est fait naturellement par un coup de fil.
C : Lorsque l'on s'était rencontré pour une précédente interview, j'avais demandé à Damny jusqu'où peut aller l'engagement politique de l'artiste et il m'a répondu par une seule phrase « Mourir pour des idées mais de mort lente ». Peux-tu nous expliciter cela dans le contexte de Colère Noire ?
L'engagement peut être absolu comme le paysan Lee qui s'est immolé lors du sommet de l'OMC à Cancun. Tout dépend de son contexte de vie, de sa souffrance aussi. Nous sommes des privilégiés en Europe car nous avons la possibilité de prendre des positions sans risquer de se faire enlever ou exécuter le lendemain. C'est justement pour cela que nous devons aussi être vigilant et ne pas s'endormir. L'état totalitaire n'est jamais très loin dans la tête des gouvernants ambitieux (dédicace à Sarkozy).
C : A Rennes il y aura un débat de lancé auquel de nombreuses personnes répondront. Je vous rappelle le sujet : « Comment organiser la résistance des citoyens face au pillage programmé de la planète ? » Comment répondriez-vous à cette question ?
Il n'y a pas de réponses type mais justement une réponse collective et c'est ce dont il est question pour ce débat. C'est le fruit des idées mises en commun qui va nous donner des réponses concrètes au quotidien. On peut par ex. intervenir sur la législation du transport du pétrole, ça passe par l'information, par le fait de rejoindre des assos ou des collectifs sur l'environnement. Une démarche individuelle pour un résultat collectif.
C : Pensez-vous multiplier ce genre d'actions sur le même sujet ?
On ne sait pas encore, on avance au jour le jour. On verra après cette première édition.
C : Quels sont les sujets politiques qui vous touchent en tant qu'artistes ?
Chaque jour amène son lot de sujets, il suffit de regarder autour de soi les injustices sociales, les scandales politico-financier, le formatage culturel, la publicité excessive qui pousse à toujours plus consommer, la malbouffe, les tabous sur la religion, la démission du gouvernement sur l'éducation des jeunes, la politique de nettoyage des quartiers pauvres en France, la répartition des richesses et des ressources sur cette terre, l'immigration, etc, etc….
C : Au sein du groupe vous avez peut-être aussi des opinions divergentes, vous n'avez peut-être pas envie de défendre les mêmes causes. Comment gérez-vous cela ?
Par le dialogue d'abord. Le fait d'avoir des avis et des envies différents est une chose saine et indispensable à notre mode de fonctionnement. Donc ça se passe plutôt assez bien en général.
C : La Phaze est un groupe engagé, il n'y a aucun doute là-dessus. Mais, n'avez-vous pas peur que votre public lève le poing un peu trop facilement et vous écoute sans agir par la suite ?
Chacun est responsable de ses actes comme tu le sais et ce n'est pas La Phaze qui va changer quoi que ce soit là-dessus. Il est clair que certainement bcp de gens du public ne captent pas le propos du groupe, ou que certains même adhèrent mais en reste là. C'est une question de personnalité qui pousse ou pas à aller au-delà de la revendication « gratuite » le soir d'un concert même si je pense que ça a un effet bénéfique sur le moral des gens, le fait de pouvoir se lâcher.
C : Pour finir, quels sont selon vous les combats à mener en ce début de XXIe siècle ?
Peut-être ne croyons-nous pas assez en l'avenir de l'humanité finalement ? Les scientifiques de tout poil tire la sonnette d'alarme depuis longtemps maintenant : si nous ne prenons pas soin de cette planète, nous allons tout droit dans le mur ! ça me semble être la grosse priorité pour ce siècle: rééquilibrer l'écosystème, arrêter la surpollution générée par les quelques gros industriels comme TOTAL qui tirent d'énormes profits de cette situation.