Guitariste hors pair, son premier album Sunrise over sea fut un véritable succès international. Grand National, son deuxième album, poursuit dans la même voix en alliant des sonorités traditionnelles et folkloriques au reggae ou au R'n'B. Loin d'être un simple artiste, John Butler se distingue aussi par son engagement en faveur d'un développement durable. Nous avons pu lui poser quelques questions lors de son passage au Furia Sound Festival pour en savoir un peu plus sur cet étonnant personnage.
John, hier tu as joué à Evreux, au Rock dans tous ses Etats. Comment s’est passé le concert ? Peux-tu nous donner des détails ou des anecdotes ?
C'était vraiment bien. Nous avons donné un premier concert il y a sept semaines puis nous avons pris un mois de vacances. C'était une bonne façon de revenir sur scène et de sentir à nouveaux ces sensations uniques. Il y avait une ferme pour enfants et ma femme y allée avec ma fille. Il y avait un cheval, je me suis mis à courir autour. Après je suis monté sur scène, c'était vraiment énergisant, j’étais plein d’énergie et je me suis amusé.
Votre dernier album a été un succès en Australie. Les ventes ont dépassé celles de l’album de Radiohead. A quoi attribuez-vous ce succès ?
Le travail, un grand nombre de fans et de la bonne musique.
Radiohead a fait un véritable carton avec son dernier album In Rainbows, grâce à la manière dont le groupe a décidé de le mettre en vente. Que penses-tu de la vente en relation directe avec les que Radiohead a initié ? Penses-tu que cette façon de vendre la musique est juste, ferais-tu la même chose ?
Tu sais, les choses sont en perpétuel changement et je pense que c'est une bonne chose. Apparemment, Radiohead s’en sort plutôt bien, donc c'est cool. Je crois que le plus important ce n’est pas la manière dont est mise en vente la musique mais plutôt le fait que cela incite les gens à encourager leurs artistes afin que ceux-ci puissent se permettre de se produire sur scène et de produire des albums. Je ne sais pas si suivrais la voie initiée par Radiohead, je n’ai sorti qu’un véritable album, je vais peut-être y réfléchir pour le prochain, cela pourrait être intéressant. {multithumb thumb_width=450 thumb_height=320}
Tu expérimentes différentes sonorités traditionnelles dans ton dernier album. Tu essayes toujours de réinventer ton style musical. Dans quel état d’esprit te trouvais-tu lors de l’enregistrement de l’album ?
Constructif, j’essayais de construire quelque chose. J’étais dans un endroit propice à la création, un endroit qui m’a permis de réfléchir à la construction de mon album. Bref, comme quelqu’un qui est en train de travailler à un album, avec un groupe, un producteur, etc. Je voulais vraiment donner une âme à ce que je produisais. C'est une forme d’art en soi, des fois tu y arrives, des fois non. Oui, je crois que c'était cela mon état d’esprit, faire quelque chose de très bon.
D’après tes textes et tes déclarations sur scène, il me semble que tu es un écologiste engagé. L’industrie de la musique est à l’origine de plusieurs projets relatifs à l’environnement, le développement durable, l’équité et la solidarité, tels que l’éco-festival, les CD « sans CD », la musique « équitable ». A ton avis, c'est un effet de mode ou une véritable prise de conscience qui s’opère au sein de l’industrie du disque à propos des questions environnementales ? Quel est le lien entre Musique et Ecologie ?
C’est probablement les deux. Il y a forcément une tendance qui sous-tend ses actions multiples et récentes mais c'est aussi une question de temps. Je veux dire que tu ne peux pas ignorer continuellement les conséquences de tes activités sur la planète. Avant que ta planète ne commence à se détériorer et à se dérober sous tes pieds, avant qu’elle ne commence à fondre et à craquer, je pense que tout le monde est en train de prendre conscience de l’état de santé de notre planète. Nous devons respecter la Terre pour survivre. Je ne pense pas que l’environnement s’autorégule. Le réchauffement climatique est de plus en plus prégnant et les océans se meurent. Si ça continue, on ne pourra plus respirer et cela ne changera pas si nous ne faisons rien, au contraire cela ne fera qu’empirer.
Tu essayes d’informer ton public sur les manières d’agir pour un développement durable. En tant qu’artiste, ta musique est commercialisée dans le monde entier, donc consomme beaucoup d’énergie. Que fais-tu pour produire une musique équitable, avec une distribution équitable et pour limiter ta consommation d’énergie ?
C'est difficile. Avec le protocole de Kyoto, les pays peuvent acheter ou vendre des crédits de CO2, s’ils consomment plus que la moyenne et inversement. Certains pays abusent de cela et ne se soucient pas de l’environnement, ils préfèrent payer pour consommer plus. Je veux que ma musique fasse partie d’un mouvement positif. J’espère qu’au final que j’aurai créé beaucoup plus d’énergie positive que négative. Autrement, j’arrêterai de respirer et je crèverai, car je créé du CO2 au moment où je vous parle.
Es-tu fidèle à ton engagement en tant qu’écologiste ?
Chaque fois que je monte sur scène, pour moi c'est une action. C'est une déclaration de solidarité envers la race humaine, un désir de rendre le monde meilleur, c'est ce que je fais la plupart du temps. Ensuite, il y a ce que je fais avec l’argent que je gagne. J’en investis une grande partie dans les campagnes de certains organismes que je veux voir progresser dans ce sens. Je travaille aussi avec d’autres activistes pour entreprendre d’autres choses qui pourront bénéficier à la Birmanie par exemple, nous essayons d’embrasser des mouvements contre la progression de l’industrie nucléaire dans notre pays, car c'est vraiment une très mauvaise chose. J’ai aussi une maison autosuffisante. Avec des panneaux solaires, je créé environ 5 kilowatts, plus que je n’utilise quotidiennement.
Penses-tu que ton approche en tant qu’artiste engagée pourrait être généralisée?
Non, pas du tout, je pense que chacun doit aborder le problème à sa façon, c'est la mienne c'est tout. Elle n’est ni meilleure ni pire qu’une autre, c'est juste une façon de faire. De toutes façons, on ne pas tous faire la même chose, sinon nous serions des robots.
L’art est un moyen d’expression. Comment traduis-tu tes expériences personnelles à travers la musique ? Peux-tu nous donner quelques exemples ? La naissance de ta fille a dû être un grand changement dans ta vie…
Je ne sais pas du tout. Je suis passionné par ce que je fais, j’écris sur des choses qui me tiennent à cœur, qui me transportent. Mais des fois je ne sais même pas sur quoi j’écris, cela vient tout seul et ce n’est pas nécessairement toujours à propos de ma vie.
Peux-tu décrire le monde idéal qui correspondrait à ton style de musique ?
Un monde très funky, de la bonne bouffe, de la bonne musique et beaucoup de respect, c'est le monde idéal pour moi.
Tu es un guitariste exceptionnel. Crois-tu avoir atteint tes limites techniques, cherches-tu toujours à t’améliorer ?
Je n’essaye pas vraiment d’atteindre une limite technique, j’essaie plutôt d’atteindre une limite spirituelle, c'est ce qui parle au-delà de tout. Si on prend Jimi Hendrix, par exemple, il est très doué techniquement, mais il a aussi beaucoup plus d’âme je trouve. C'est ce qui tire vers le haut les performances techniques. Tu peux être très doué, mais tu n’es rien si tu n’es pas spirituellement connecté à ce que tu fais, alors que si tu l’es, tu peux jouer une note sur une seule corde, ce sera toujours bon.
Qu’attends-tu du concert de ce soir ?
Rien. Tu sais, chaque fois que je monte sur scène et que j’attends quelque chose, je suis déçu, alors je préfère être surpris. J’espère seulement que tout le monde appréciera. C'est ce que je veux, je veux m’éclater et je veux voir le public s’éclater.
Un dernier mot peut-être, sur l’écologie par exemple ?
Oui, mais pas sur l’écologie, ni sur la politique, ni sur l’économie, ni sur la religion, mais sur le fait que travailler ensemble est très important. Nous devons danser pour honorer la vie.
Merci à John Butler pour son immense sympathie.
Merci à l’équipe Nin-Nin Rose.
Traduction : Mounia Bensouda