Du 9 au 12 juin, a eu lieu la 28ème édition du festival Art Rock basé à Saint-Brieuc dans les Côtes d’Armor. Fort de ses 64382 spectateurs, le festival pluridisciplinaire (musique, danse, photographie, peinture, théâtre, vidéo, arts numériques) a fait la part belle au rock avec la venue de The Hives, Klaxons, Bryan Ferry, The Raveonettes ou encore The Jon Spencer Blues Explosion. L’occasion pour Vacarm de rencontrer Jean-Michel Boinet, directeur et responsable de la programmation du festival.
Le festival a commencé jeudi dernier. A quoi ressemblent vos journées ?
Ce sont des journées traditionnelles que connaît tout organisateur de festival. On essaie de répondre aux sollicitations techniques quand il faut répondre aux besoins d’un artiste ou du public et il faut à la fois être très disponible pour les journalistes.
Quel est votre parcours ? Comment avez-vous été amené à être le responsable de la programmation d’Art Rock ?
Oh ça fait très longtemps que j’ai commencé ma carrière ! J’ai été étudiant à la fin des années 1970 où j’étais plutôt orienté vers la comptabilité et la gestion. Ensuite, l’organisation des concerts est devenue petit à petit une passion pour moi. Puis, j’ai commencé à organiser des festivals, notamment l’un des premiers de musique folk en Bretagne avec des grands groupes de l’époque comme Dan Ar Braz. De fil en aiguille, j’en suis arrivé à organiser des concerts de rock, à participer à la création des Transmusicales de Rennes et à organiser des concerts de Téléphone. Puis le festival Art Rock a été créé en 1983. J’ai trouvé ça important de créer une manifestation qui porte ce nom car le rock renvoie à un courant musical mais aussi à une énergie. Art Rock s’est donc ouvert aux musiques mais aussi au théâtre, à la danse, à l’art contemporain, la vidéo ou à la photographie.
Cette année vous recevez entre autres The Hives, les Klaxons et Bryan Ferry. Comment s’opère le choix des artistes?
Avant tout, j’essaye de définir une architecture au festival. Par exemple, la carte blanche de cette année a été confiée à Miss.Tic. Donc ça veut dire que le festival a une exposition d’envergure. Ensuite, on sait que l’on a une grande scène sur laquelle on doit faire venir des artistes qui ont une certaine réputation. La réputation peut être nouvelle comme celle d’Aloe Blacc dont le titre « I need a dollar » a été entendu sur toutes les radios au cours des derniers mois ou encore celle de Lilly Wood & The Prick qui a gagné une Victoire de la Musique cette année. Mais on peut aussi inviter des gens comme Bryan Ferry qui sont des représentants de l’histoire de la pop music.
Les arts numériques ont également bien marqué leur place au fil des éditions. Comment faîtes-vous pour trouver autant d’innovations chaque année ?
Ça c’est une histoire de flair en fait. On a beaucoup de contacts maintenant, notamment avec les festivals internationaux comme Ars Electronica en Autriche auquel je vais chaque année depuis vingt ans. Là-bas on y découvre ce qui fait la création technologique au niveau mondial donc forcément c’est un must.
Entre tous les concerts, les spectacles de rue, les conférences et les diverses expositions qui ont lieu dans toute la ville et qui sont soit gratuits, soit à un tarif très attractif, comment arrivez-vous à dégager des bénéfices ?
L’offre du festival fait que, sur une centaine de spectacles que nous proposons, 40% sont en accès gratuit. Nous essayons donc d’avoir une foule maximale sur les spectacles payants pour avoir de bonnes recettes de billetterie et de bonnes recettes annexes avec le merchandising, les bars, la restauration. Et il y aussi les aides publiques qui nous aident à financer les expositions, le théâtre de rue et les spectacles gratuits.
Quand un festival connaît des difficultés, on accuse souvent la programmation, comme ce fut le cas pour les Terre Neuvas à Bobital il y a quelques années. Qu’en pensez-vous ?
Je pense que l’organisation d’un festival a toujours une part de risque très importante parce qu’elle doit répondre à l’attente du public. On conçoit la programmation et, après, on l’expose au public qui va trancher et décider s’il vient ou pas. L’équilibre financier repose donc sur cette notion de séduction.
Est-ce qu’il y a des clés de réussite comme faire venir quelqu’un d’emblématique, notamment Bryan Ferry pour Art Rock cette année ?
Non pas du tout. Ce n’est pas non plus un calcul mathématique ou scientifique. Bryan Ferry représente tout un pan de l’histoire de la musique mais ce n’est pas à ce titre qu’il va interpeller le grand public. De même, The Jon Spencer Blues Explosion a une grande carrière derrière lui mais ce n’est pas pour autant qu’il va attirer du monde. C’est donc important d’inviter aussi des gens comme Cali dont on sait qu’il va réunir un public très large.
La programmation représente tellement une part de risque importante qu’elle peut remettre en cause à chaque fois la survie même du festival. Je le conçois comme ça en tout cas.
Photo par Mégane Chêne