C’est toujours un moment particulier de retrouver le frontman du plus grand groupe de Métal français, singulier par un succès international sans égal pour des frenchies, mais aussi par une abnégation et un partage d’une passion sans équivoque pour le Métal et la musique. Joseph Duplantier s’est adressé en exclusivité à Vacarm.net, un an après notre précédente rencontre, et nous parle des différents projets de Gojira, du nouvel album tant attendu, du DVD live, de la scène, encore et encore, et de la vie, surtout.
Lors de votre passage à la première édition du Sonisphère français d’Amnéville en juillet, on vous a vu très heureux de retrouver la scène française après un an d’absence, et on vous a même entendu dire que vu de la scène, c’était «très beau»…
C’était magnifique! C’était fou, vraiment. Ça fait du bien de retrouver la scène. En ce moment on est en studio, plongés dans une autre énergie, un truc introspectif… Mine de rien dans la vie, il y à un moment où l’on est sur les rails de la vie quotidienne: remplir des papiers, s’occuper des soucis de la vie de tous les jours… donc quand on compose un album et qu’on est dans ces rails là, de quoi on va parler? De ce qu’on a bouffé hier? Du coup on est obligé de se mettre dans un truc en contact avec des choses profondes, honnêtes, pour délivrer un message qui soit vrai, pas un truc de la vie quotidienne que tout le monde connaît… Et pour ces dates qui tombaient cet été, comme le Sonisphère qu’on ne pouvait pas refuser, on s’était dit qu’on n’allait pas être dans cet état «live», et que ça nous faisait chier de monter sur scène… et puis en fait ça nous fait du bien, c’est fou, ça nous met dans un truc en contact avec des gens, l’énergie nous fait cracher les morceaux au lieu de les méditer, et on va se servir de cette énergie en studio. Et puis cette belle foule…
Justement sur scène, vous avez été très acclamé, avant, pendant et même après, puisque vous êtes revenus sur scène pour un rappel, ce qui est plutôt rare en festival… avez-vous l’impression d’avoir franchi un cap auprès du public?
Oui, on a franchi pas mal de paliers, chaque concert est un pallier, presque. Mais c’est vrai qu’il y a un truc qui s’est passé depuis 2-3 ans, quand on monte sur scène, on se dit «Merde, il y à du monde!»… Et nous on a mis des trucs de côté, des appréhensions, le trac, on s’accepte mieux, on est plus tranquilles, on a mûri un petit peu. On le ressent, et puis on n’est qu’un tas d’os et de chair, comme tout le monde… on a bossé pendant quinze ans pour en arriver là, on a ressenti chaque effort aux tréfonds de notre chair, donc quand on monte sur scène, on est chez nous, on en a rien à foutre du reste! Le repère principal dans notre vie, c’est ça, on se dit «Je sais ce que je fais là»! Quand on change d’appart, qu’on bouge tout le temps, on sait plus trop où on habite, alors que quand on est sur scène, c’est bon, on est chez nous!
Vous êtes actuellement en phase de composition du prochain album, vous allez bientôt entrer en studio pour l’enregistrement de celui-ci?
Oui, on va aller à Los Angeles, parce que il y a un pôle là-bas au niveau des studios, et qu’on avait déjà eu une belle opportunité avec Logan Mader, que j’avais rencontré quand j’ai été bassiste de Cavalera Conspiracy. On a bossé avec lui pour The Way Of All Flesh comme jamais on a bossé avec quelqu’un, et pourtant j’ai pas mal d’expérience du studio, et à chaque fois c’est très compliqué, je ne sais pas trop où me mettre dans un studio, je ne sais pas comment amener mes idées… et ce mec là, il sait apporter vachement d’expérience, de talent et de technique, et en même temps je pouvais trouver ma place complètement… donc c’était un truc évident. En plus il voulait absolument faire notre album… Et là c’est le même genre de chose avec Greg Fidleman, un gros producteur qui a bossé avec Marylin Manson, Metallica, Red Hot Chili Peppers, Slipknot…
Quelle approche a-t-il en terme de production?
Ça nous convient très bien. C’est un mec très droit, très simple, old school, on va se mettre dans une pièce, jouer tous ensemble, il va mettre des micros et on va enregistrer comme ça. C’est surtout pour capter une énergie live, notamment au niveau de la batterie, au lieu de faire des pistes séparées. Et c’est ce qu’on va commencer à la fin de l’été. Ce qu’on a envie de faire avec lui, et c’est aussi ce qu’il nous a proposé, c’est de revenir à l’essentiel: on est un groupe de musique, on joue et il enregistre, au lieu que tout se joue sur un ordinateur, comme ça se fait beaucoup maintenant…
Quelle direction musicale allez-vous prendre pour cet album? Quelque chose de profondément différent ou une simple évolution de ce que vous avez fait avant?
C’est une évolution clairement. Il n’y a pas de gros changement à l’horizon, on ne va pas traumatiser les fans… Il y a des choses qui évoluent… les gens s’attendaient à ce qu’on parte dans un truc plus psyché, plus barré, avant The Way Of All Flesh, et finalement on est revenu à un truc plus binaire. Sur cet album, on revient à un truc plus atmosphérique, plus mid-tempo, un peu plus tiré, avec une dimension progressive, mais en même temps beaucoup plus simple et plus basique. Ce n’est pas un désir de vulgariser notre musique, mais plutôt, en mûrissant, en vieillissant, on a envie de couplets-refrains!
Il y a un autre projet qui vous tient à cœur, c’est l’EP pour Sea Shepherd. Où en est la sortie?
Nous on a fini notre part du boulot, car ça fait six mois qu’on a enregistré nos parties, et maintenant ce sont les chanteurs qui posent leurs voix. C’est encore un petit peu en chantier car on fait les prises à Los Angeles, et on a refait d’autres prises en France… ça nous a coûté cher ce truc en fait, mais on s’en fout car on veut le faire bien jusqu’au bout. Il y a eu des prises additionnelles, et là on est en contact avec des chanteurs car il y à des plans qui ont changé entre-temps… je ne veux pas dévoiler trop de noms car il y à des changements de programmes pour des raisons de calendrier, de tournées, etc. Ce que je comprend très bien, car moi-même j’ai dû dire non à certaines propositions, car je ne peux pas être partout. Ça va être chouette, on est super-contents de ces quatre morceaux, il y en à un qui est un peu surprenant, avec des éléments Electro…
Il y à aussi le projet de sortie du DVD Live…
Ça c’est fini aussi. Le seul truc c’est que maintenant il faut fabriquer l’objet, mais avant ça, il faut lui trouver une maison de disques, en gros. Un DVD ça vend encore moins qu’un disque, donc nous on a mis tellement dans ce truc qu’il nous faut un double DVD, donc ça coûte cher à fabriquer, et on ne veut pas un truc en bonus du prochain disque, ou qu’on va couper en deux et filer gratos à la fin d’un concert! (rires) Non, c’est un truc important pour nous ça! On a investi énormément d’énergie là-dedans, quand on part sur un projet, on ne pense jamais à l’aspect financier, ça nous porte tort au final, mais bon. On essaie donc de trouver une façon honorable de sortir ce DVD par rapport à l’effort qu’on a fait.
C’est plutôt la captation intégrale d’un concert, ou des bouts de concerts assemblés?
C’est ça le truc, c’est qu’on a quatre lives complets, donc on ne pouvait pas sortir ça, c’est invendable, trop gros… donc il y a deux live que les fans connaissent déjà et qui ont tourné sur le net, un concert qui n’a pas filtré du tout, un truc un peu intimiste pris dans la région de Bordeaux… Il y aura des extraits des Vieilles Charrues, du Garorock, et notre live à Bordeaux, au Théâtre de Barbey, là où on avait tourné notre premier DVD, dans la même salle mais dix ans après. C’est celui-là qui sera mis en avant et il y à un film-documentaire sur le groupe, filmé et produit par nous, on a passé un an dessus, surtout Mario, et une proche qui est à fond dans la vidéo. Ça ne peut pas être plus proche de nous que ça! Ce ne sont pas des extraits d’interviews ou des anecdotes, mais plutôt artistique et intimiste.
Vous allez jouer en Australie très bientôt, en septembre. Qu’attendez-vous de cette tournée un peu exotique pour un groupe français?
Un premier contact avec les australiens déjà, car on n’y est jamais allé. Et puis c’est un festival important, l’affiche est démentielle, on va jouer dans les principales villes australiennes… on n’attend rien de particulier, on va juste tout donner!
Si on extrapole un peu, après la sortie du nouvel album, prévoyez-vous une tournée fondée sur des dates comme tête d’affiche, ou plus sur des premières parties d’autres groupes internationaux?
On n’en a pas encore parlé, mais on a quand même en tête de mettre l’accent sur la tête d’affiche, car on a beaucoup de propositions en tous genres, mais au bout d’un moment, on peut se transformer en groupe de première partie professionnel! Il y à un moment où il faut passer le cap, quitte à jouer devant moins de gens, à faire des salles un peu moins bien, prendre des risques…
Scéniquement, peut-on aussi s’attendre à une évolution, avec la vidéo par exemple?
Oui, on a envie, on oscille entre le show de plus en plus Rock’n Roll et humain, et le truc à la Tool, très visuel… c’est difficile d’être entre les deux, mais c’est faisable et c’est vers cela que l’on va. Ou une tournée avec Tool, pourquoi pas! (rires)
Quand vous avez tourné avec Metallica, vous aviez dit avoir réalisé un rêve de gamin… y en a-t-il d’autres que vous aimeriez réaliser?
(il réfléchit longuement) Bah non… Je dirais que là on vit un rêve avec tout ce que l’on vit en ce moment… Enfin si en fait, c’est fonder une famille! On est encore dans une précarité là-dessus, même si on connaît le succès. On voudrait se développer, se solidifier, assurer un minimum financier sans faire aucun compromis musical, pour pouvoir s’acheter une baraque un jour! (rires) C’est très difficile de concilier les deux… mais c’est possible!
Si l’on considère l’essor international de groupes français comme le vôtre, l’importance du Hellfest, l’apparition d’une version française du Sonisphère… penses-tu qu’il existe une chance pour que le Métal prenne plus d’importance dans le paysage musical français?
Oui, je pense et tu viens de le démontrer. Des festivals comme Art Sonic, qui sont très éclectiques, mettent un groupe de métal en tête d’affiche! On dirait que le Métal aujourd’hui est presque une sécurité pour les promoteurs, les tourneurs, le merchandising, car le public Métal suit très fort et que si tu mets du Métal, les jeunes vont rabouler à toute vitesse! Même dans le domaine du disque, les grosses maisons de disque comme Universal chez qui nous avons un contrat d’édition, gardent un œil très attentif sur ce que nous faisons, même si nous ne représentons pas grand chose en volume par rapport à d’autres, ils ne veulent pas nous lâcher car ça représente des ventes. Les fans de Métal achètent les disques, plus que les autres. Dans le Métal, il y à une fidélité, un côté fétichiste, une notion de respect et les médias laisseront de plus en plus de place au Métal pour ça, justement.
Pour terminer, que peut-on vous souhaiter de bien pour la fin de cette année?
De sortir un putain de bon album! On est assez confiants, mais on a quand même ce souci de faire de mieux en mieux…
Merci à Joseph Duplantier pour sa disponibilité, son accueil et sa gentillesse.
Merci à Xavier Carjuzaa, Leïla et toute l’équipe d’Art Sonic qui nous ont permis de réaliser cette interview dans d’excellentes conditions.
Photos et Interview: Julien Peschaux pour Vacarm.net