L’écoute de Vision Of Splendor, premier opus des métalleux de Clampdown, nous avait amené à nous demander pourquoi le combo avait mis autant de temps à sortir un premier album, tant celui-ci nous avait conquis par sa puissance et sa richesse musicale. C’est donc l’une des questions que nous avons décidé de poser directement à Franck (chant, guitare) et Ludovic (basse) dans leur fief lillois, pour connaître un peu mieux ce groupe au potentiel explosif.
Pouvez-vous nous parler un peu de la genèse de Clampdown et des étapes importantes qui ont jalonné votre parcours?
Franck: Le groupe est né en 1998. Nous étions trois à la base, pour pratiquer une sorte de métal power-trash. Nous avons connu une succession de batteurs différents, quatre en tout, on a eu du mal à se fixer là-dessus. Tu pourras lire dans certaines chroniques qu’on a un peu perdu notre temps car ce n’est que notre premier album, mais avant ça on a quand même fait pas mal de choses… entre 200 et 250 concerts, des démos, des lives… mais c’est vrai que les changements de line-up nous ont fait perdre beaucoup de temps, il a fallu presque tout recommencer à chaque fois. On a rencontré le guitariste actuel, Jocelyn à l’issue d’une date et il a rejoint le projet vers 2000…
Ludovic: Ouais il venait de St Quentin, il est venu s’installer dans le Pas-De-Calais et il est avec nous dans l’aventure depuis. Ça a été une rencontre humaine d’abord, puis après musicalement, ça a été extraordinaire. Il a amené beaucoup dans la composition.
Franck: Il a un style très personnel, mais à chaque fois qu’il sort un riff ou un arpège, on reste scotché. Il a une source inépuisable de riffs, c’est impressionnant. Donc on est très contents de jouer avec lui depuis ce temps là.
Entre les nombreuses dates que vous avez assuré, est-ce qu’il y en a que vous retenez plus que d’autres?
F.: Ça c’est sûr, il y a eu des dates mémorables comme des cafés pourris au fin fond de la Belgique (rires)… mais mémorables aussi! Plus sérieusement, il y a eu une date avec Gojira en 2006 dans la région, une autre ici à Lille à l’Aeronef en 2002 où on s’est retrouvé devant 2000 personnes lors de l’entre deux tours de la présidentielle qui opposait Chirac à Le Pen avec plein d’autres groupes de styles différents. Elle nous a marqué cette date là, elle était importante à plein d’égards pour nous.
Pour ce premier album, vous avez fonctionné en auto-production, et c’est Season Of Mist qui s’est occupé de la promotion et de la distribution?
F.: Pas vraiment. En fait on bosse depuis 6 mois avec Guillaume de Klone, qui gère aussi la Klonosphère, et la rencontre avec Season Of Mist s’est faite par cet intermédiaire là. Guillaume aime bien ce qu’on fait, Klone était venu jouer dans la région il y a 2 ou 3 ans et c’est comme ça qu’on s’est rencontré. En ce moment, il est en train de monter une boîte pour s’occuper du volet promo du collectif Klonosphère, qui s’appelle Klonosphère Propagande et c’est à ce niveau là qu’on bosse ensemble, et on est super contents de cette collaboration. C’est par là qu’on a rencontré les gens de Season Of Mist qui eux s’occupent de la distribution des groupes du collectif Klonosphère. Pour l’instant, Season Of Mist ne s’occupe que de la distribution de Clampdown.
Et pour le deuxième album à venir?
F.: Là on espère sortir un peu de l’auto-prod, avec les retombées financières du premier on essaiera de financer le second autrement, car avec le premier ça a été un peu l’anarchie quand même! (rires) Si au final on est contents de la prod, on sait comment ça s’est passé derrière et on aimerait que ça se passe différemment pour le second. Les problèmes que l’on rencontre surtout, c’est au niveau du booking…
L.: On rencontre les mêmes problèmes que rencontrent de nombreux groupes qui ont du potentiel mais pas forcément un réseau de relations, les compétences ou le temps, tout simplement, pour faire un booking efficace. Si tu n’as pas de dates, tu n’as pas d’actualité pour mettre le groupe en avant, donc c’est un peu l’histoire du chien qui se mord la queue. On en est là actuellement.
F.: On prépare la mise en avant de l’album à travers les concerts pour septembre, avec des dates sur Paris d’abord et puis de bouger un peu partout en France après. On a gros plateau sur Béthune pour la fête de la musique avec des moyens pour s’exprimer, et donc c’est une date qui va être intéressante pour nous.
Il semblerait qu’il y ait une vraie dynamique actuelle dans le métal français, avec des groupes comme Hacride, Klone qui marchent plutôt bien ou encore l’essor international de Gojira…
L.: Justement là-dessus, je voudrais préciser quelque chose. On est souvent très largement comparé à Gojira, on dit même qu’on est souvent très inspirés par Gojira. Bon, Gojira on les a rencontré en 2004 lors d’un master-class où ils étaient venu rencontrer les musiciens de la région. Déjà, musicalement, à cette époque là, on était dans le même truc, même s’ils n’avaient pas encore leur notoriété actuelle, on avait déjà les mêmes envies musicales, et philosophiquement, si je puis dire, on était aussi un peu dans le même trip qu’eux. On a rencontré les personnes en tant que telles avant de rencontrer leur musique, et notre seule différence, entre guillemets, avec eux, c’est que nous avons mis beaucoup plus de temps qu’eux à faire ce que nous voulions vraiment faire. Mais en aucun cas on ne les plagie, ou quoi que ce soit…
F.: Forcément, leur réussite ouvre une brèche, un regard international sur la scène française et ça c’est bon pour tout le monde. Les groupes français, même comme Hacride, qui commencent à réussir à l’étranger, c’est sûr que ça nous donne des idées. Donc oui, dans ce sens, ça crée une vraie dynamique. On a du mal à avoir une vision globale de la scène métal française, mais j’espère qu’en tout cas, on pourra contribuer à son succès.
Pour en revenir un peu à l’aspect production de Vision Of Splendor, même si c’est en auto-production, on est frappé par la qualité de celle-ci…
F.: C’est Rémy au Ahddennteam Studio qui s’est occupé de ça. C’est un pote à la base, et on a commencé en 2007 à bosser avec lui. Ça a été fastidieux car on a dû bosser les uns chez les autres, en s’envoyant les pistes, c’était assez anarchique, Rémy s’en est pris plein la gueule (rires) mais au final nous sommes contents du résultat. Je pense qu’on rebossera avec lui pour le second album mais en passant deux ou trois semaines en studio pour faire les prises, car là c’était vraiment artisanal…
L.: Pour la qualité et l’identité du son, c’est un boulot qu’on doit attribuer à Rémy. Il a cette faculté d’écouter plus loin que la musique et ce côté artistique qui lui permet lui aussi d’exprimer quelques chose à travers ses réglages et son travail… son instrument, c’est sa table de mixage et il a fait un travail exceptionnel sur notre musique car c’est vraiment le reflet de ce que l’on peut ressentir. Il est capable d’exprimer son émotion à lui et de capter la notre en même temps… il y a plein de gars qui savent tourner les manettes, mais très peu qui savent retranscrire émotionellement tout ça!
Sur le plan scénique, il semble que vous attachiez de l’importance à l’ambiance et la lumière…
L.: C’est pour cela qu’il faut que l’on trouve des dates où on peut s’exprimer. Thomas, qui s’occupe des lights fait, c’est vrai un travail important, c’est un peu le cinquième musicien, il connaît tous nos morceaux sur le bout des doigts, son travail est calé sur ce que l’on fait donc il lui faut des salles qui lui permettent de s’exprimer.
F.: On va sûrement faire une résidence dans une structure en fin d’année pour aller travailler un peu tout ça, c’est quelque chose d’important pour qu’on puisse améliorer notre son live et le côté visuel. On avait tendance à être un peu statiques sur scène mais plus maintenant car on l’a travaillé. Ludo a une présence importante sur scène…
L.: Ouais je me suis calmé! (rires) Sincèrement, je préfère privilégier l’aspect scénique à l’aspect technique pur. Sur scène, il faut que ça pète et que ça bouge. Avant on avait un déséquilibre scénique où moi je bougeait beaucoup et les autres étaient plutôt statiques. Maintenant on a rééquilibré le truc, Jocelyn (guitariste) bouge un peu plus et moi un peu moins, ça équilibre un peu les choses!
Pour parler plus précisément des thèmes que vous abordez dans vos chansons, il y a comme beaucoup d’autre groupes de musique extrême, celui de la mort. Est-ce que vous abordez cela plus comme une vision esthétique ou comme une vraie réflexion sur le sujet?
F.: Non, c’est plus sur le côté esthétique de la chose. En général je prépare un texte en fonction d’une photo ou d’un visuel qui me reste en tête. Ça part souvent d’une image, et on peut interpréter le texte à sa façon, ce n’est pas très précis, il y a un côté poétique dans l’écriture. Ça traite globalement de la mort sous différents aspects… par exemple, pour le titre « Threnody For Inexistence », c’est une photo de Joël Peter Witkin, un photographe renommé qui prend en photo des cadavres et qui m’a inspiré pour ce texte. Il y a aussi un côté introspectif dans ce que j’écris qui me permet aussi de cracher ce que j’ai dans la tête, ce qui m’évite d’aller voir un psy…
L.: Ceci dit, chanter la mort, c’est aussi célébrer la vie,d’une certaine manière. Moi je trouve que tu es optimiste dans ta démarche! Regarde par exemple, quand tu vomis, c’est pour expulser quelque chose de mauvais en toi, là c’est la même chose! Tu craches ta haine envers la mort pour célébrer la vie!
F.: Ah ouais! Je l’avais pas vu comme ça! (rires) Mais j’ai envie de passer à autre chose aussi sur le second album…
Le titre de ce premier opus, d’ailleurs, Vision Of Splendor, correspond à quoi exactement?
F.: C’est un hommage à Yukio Mishima, qui est un écrivain japonais militaire et poète des années 60 qui s’est fait Hara-Kiri en suivant ses propres convictions. J’ai découvert un album photo monstrueux qu’il avait sorti avec un autre photographe renommé au Japon et la rose sur l’album découle directement de ça.
Le Hellfest commence bientôt, ça vous donne des idées?
F.: (rires) Ouais, on aimerait bien y jouer. On y sera présent sur le stand de Season Of Mist mais il y a des scènes là-bas où on aurait tout à fait notre place. Ça fait partie d’une progression, si on enchaîne bien les dates, pourquoi pas y être l’année prochaine!
Enfin pour terminer, un petit exercice de question/réponse pour nous donner une petite idée sur vos goûts divers… un groupe préféré?
F.: une référence commune pourrait être Messhuggah.
L.: Moi ça serait plutôt Pink Floyd et The Exploited!
Un album?
F.: Grace de Jeff Buckley.
Un film?
F.: Lost Highway de David Lynch.
Un concert?
F.: Messhuggah aussi, à Paris.
L.: Plus classique, L’Orchestre National de Lille avec un violoncelliste japonais monstrueux…
Un modèle ou courant de pensée?
L.: le courant des Lumières.
F.: le Bouddhisme.
Un credo, une phrase qui synthétiserait le mieux Clampdown?
F.: Ce n’est pas évident… Peut-être une conjugaison d’individualités qui fait notre richesse!
Merci à Franck et Ludovic pour leur temps et leur accueil.