Avec son premier album Fur and Gold, la belle Natasha Khan (a.k.a Bat for Lashes) dépeint un univers musical à la fois personnel et captivant, où le rock et la folk se teintent de sonorités plus traditionnelles. C’est au festival Rock en Seine, en collaboration avec Stéphie du webzine Adrenalyn, que nous avons eu l’occasion de rencontrer cette artiste incroyable, au talent et au charme ensorcelants.
Est-ce qu’un grand festival d’été ensoleillé comme Rock En Seine représente une difficulté pour toi ? Ta musique se veut plus sombre et intime ?
Natasha Khan : Ce n’est pas difficile mais différent. D’habitude, je préfère quand il fait sombre et que l’atmosphère est un peu inquiétante. Mais aujourd’hui, c’était amusant. Il faisait chaud et ensoleillé, tu as donc besoin de donner plus d’énergie. Le spectacle est finalement beaucoup plus théâtral et marrant.
Tu semblais vraiment joyeuse sur scène en compagnie des autres musiciens.
Oui ! (Rires) J’étais vraiment heureuse aujourd’hui. Il y a des jours où tu es assez rigide et tu as envie de transmettre quelque chose de sérieux et d’autres où tu as envie de mettre tout le monde dehors. Aujourd’hui, j’ai plus senti que le public était vraiment dans l’ambiance du concert.
C’est plus naturel pour toi d’être sur scène ou dans un studio ?
Je préfère être en studio. C’est vraiment des choses différentes. J’aime les deux. La semaine dernière, j’étais chez moi en train de faire des arrangements pour un concert que nous allons faire avec un orchestre en Angleterre. J’étais tellement contente quand j’ai entendu dans mon casque ce que je venais de faire. J’aime être sur scène mais ce qui m’excite le plus c’est de créer quelque chose de nouveau.
Tu as une voix très puissante lorsque tu es sur scène. Quand as-tu découvert ce don ?
Je m’en suis rendu compte vraiment tard. J’ai commencé à faire de la musique vers 11 ans. Quand j’avais 16 ans, c’était plutôt un style grunge. (Elle crie) C’était insupportable ! (Rires) J’essayais de crier alors que cela ne correspond pas du tout à ma voix. J’étais vraiment déçue. Après, j’ai essayé de chanter avec une voix très calme. (Elle murmure) Mais c’était très ennuyeux. Quand je chantais, ma famille hurlait : « Tais-toi, ça sonne faux ! ». Quand j’ai eu 18 ans, j’ai enfin compris que je voulais vraiment chanter. Les gens se sont enfin mis à dire : « Mon dieu, mais ta voix est magnifique. Pourquoi ne chantais-tu pas avant ? ». (Rires) Et je leur répondais : « Mais si je chantais ! Mais vous n’arrêtiez pas de me dire que c’était horrible ! ». Et c’est finalement à l’âge de 20 ans, que j’ai su que je voulais en faire mon métier.{multithumb thumb_width=358 thumb_height=450}
Le nom de ton premier album est Fur And Gold (fourrure et or). Pourquoi avoir lié ces deux éléments ?
Le sens de l’album est de mettre ensemble des choses opposées : des vieux et des nouveaux instruments, de la noirceur et de la lumière etc…La fourrure représente le côté animal, l’aspect sauvage de l’être humain. L’or représente plus le côté royal ou encore glamour. Ce sont deux parties de ma personnalité. Des fois je suis très naturelle, forte et animale et à d’autres moments, je suis très féminine.
Tu portes deux lapins en pendentif autour de ton cou. Les animaux sont-ils si importants pour toi ?
(Rires) Quelqu’un me l’a donné aujourd’hui. C’est tellement mignon. Un lapin ! (En français)
Et le deuxième ?
Ah oui, je l’avais oublié ! (Rires) J’aime les lapins ! C’est un cadeau d’un ami pour me porter chance. J’aime vraiment les animaux mais dans un sens plus mystique.
Il y a également un cheval sur la pochette de ton album ?
Oui, c’est vrai. L’univers de mon album est peuplé de symboles d’animaux parce qu’à cette époque, je faisais beaucoup de rêves à ce sujet et je lisais beaucoup de livres avec des contes de fée. Dans ces livres, il y a beaucoup d’histoires de déguisements comme par exemple une grenouille qui se change en prince. Il y a beaucoup de transformations.
Cela ressemble au clip de « What's A Girl To Do » où l’on voit des animaux sur des vélos?
Oui, complètement. On y voit des gens qui sont à moitié des humains et à moitié des animaux. Je pense qu’aujourd’hui la plupart des gens, et tout spécialement les femmes, ont rejeté leurs instincts sauvages. Autrefois, notre relation avec les animaux nous permettait d’avoir un sens de la communauté, un respect envers la nature et un sens de l’intuition plus aiguisé grâce à nos sens. (Elle pousse un cri de loup) C’est tellement important. Les femmes ont oublié qu’elles avaient une telle relation avec la nature, la lune et toutes ces choses. C’est là d’où provient notre pouvoir et notre force. Les gens pensent désormais que cela vient de l’image que l’on donne. Mais pour moi, les animaux me donnent vraiment la force dont j’ai besoin. C’est une force de l’âme.
Tu t’es occupée de la pochette de ton album. Penses-tu que la musique et le visuel sont deux choses différentes ou qu’ils font partie d’un tout ?
Oui. Quand j’ai étudié à l’université, j’ai réalisé des films, j’ai dessiné, j’ai fais des photos etc…Pour moi, c’est très naturel de créer une représentation visuelle de la musique. J’aime vraiment dessiner. Des fois, il m’arrive d’arrêter de jouer juste pour dessiner et faire une représentation sur papier de la musique. Quand je compose de la musique, je vois aussi beaucoup d’images de personnages, de films dans mon esprit.
Cela rejoint ce que ton jeu de scène où l’aspect visuel est aussi très important.
Si tu veux faire en sorte que les choses soient belles, il faut le faire dans chaque aspect de ta vie. Sur scène, c’est une véritable expérience communautaire. Tu partages cet espace avec le public. Je dois m’habiller en conséquence. C’est une sorte de respect envers les spectateurs.
Qu’as-tu partagé cet après-midi avec le public français ?
J’étais vraiment surprise de voir qu’ils étaient aussi calmes. Quand on a joué des morceaux plus tranquilles, ils étaient vraiment très très silencieux ! Si je fermais mes yeux, j’avais l’impression qu’il n’y avait personne. (Rires) Mais c’était très sympa. Ils sont très respectueux. Ils écoutent et ils réfléchissent à la musique. Il y avait beaucoup d’amour et d’encouragement. On a beaucoup partagé.{multithumb thumb_width=300 thumb_height=285}
Tu as déjà des idées pour ton prochain opus ?
Oui, mais c’est un secret. (Rires) Je préfère le laisser grandir tranquillement.
Est-ce que tu as pour habitude de créer des morceaux ou de faire des jams en compagnie d’autres musiciens ?
J’aime bien le faire mais en ce qui concerne le dernier album, il s’agit uniquement de moi, seule dans une pièce. C’est une expérience très personnelle. J’aime cette forme de solitude pendant la création. Je m’échappe vraiment à travers mes écouteurs. Mais pour le prochain album, je suis vraiment excitée à l’idée d’avoir beaucoup de musiciens. Quand les filles, avec qui je joue sur scène, viennent chez moi, je leur fais écouter des choses et elles me donnent des avis et des conseils. Il s’agit de trouver des personnes en qui tu peux avoir confiance et qui comprennent le sens de ta musique tout en apportant aussi leur touche personnelle.
Comment as-tu rencontré les trois filles qui t’accompagnent sur scène ?
Ce sont des amies de Brighton. Elles jouent également leur propre musique avec d’autres groupes. Elles sont vraiment talentueuses. Je savais que je voulais jouer avec elles car ce sont des amies et que c’est donc plus facile mais aussi parce que ce sont des multi-instrumentistes. Elles peuvent jouer de nombreux instruments. C’est intéressant et cela permet de faire plein de changements.
Il y a une réelle complicité entre vous sur scène.
Oui, complètement. (Rires) On se connait depuis longtemps. Quand on est en tournée pendant des mois, on partage nos chambres, on parle pendant des heures et on s’échange le maquillage et les fringues ! (Rires) C’est comme une famille, on est des sœurs.
Est-ce que tu vas essayer de voir quelques concerts avant de repartir de Rock En Seine ? Björk, peut-être ?
J’ai pas mal de choses à faire mais je crois que je suis libre juste avant qu’elle ne rentre sur scène. C’est sûr que je vais aller la voir.
Aimes-tu qu’on te compare à Björk ?
Je n’aime pas être comparé mais en même temps c’est vrai que c’est une artiste et une musicienne géniale. Elle représente une vraie identité féminine. C’est sympa que les gens pensent que je peux l’être aussi. On me comparait beaucoup à elle au début. Mais de plus en plus, en écoutant ma musique, les gens s’aperçoivent que mon travail est différent du sien. Les nouveaux morceaux que je prépare vont aller encore plus dans une direction différente. Je l’adore, elle est surprenante, mais je veux juste être moi.
Un grand merci à Aziliz Benech et LC Les Filles, mais aussi à Stéphie pour la traduction de l’entretien.