Amélie nous a une nouvelle fois surpris avec son dernier EP en date, Love Full of Hands. La chanteuse folk qui déteste les clichés du genre revient sur la maturation de ses compositions, sa passion pour les sixties et les diverses rencontres qui l’ont poussé à évoluer vers de nouveaux horizons musicaux.
Tu viens tout juste de mettre en bacs ton nouvel EP « Love full of hands ». Quels sont les premiers retours ?
Les premiers retours sont plutôt bons! Et ce, même si défendre un EP n’est pas facile… Le format album reste le seul digne d’attention pour bon nombre de media. Pourtant enregistrer un EP est d’un confort incroyable, surtout quand la direction artistique prend un petit virage. Ca permet de tester, ca permet de sortir plus de choses plus vite, ca permet d’enregistrer des choses plus spontanées. C’est vraiment le format que j’affectionne le plus. Mais pour revenir à ta question, l’idée principale des retours promo salue les arrangements plus rock 60’, et la tonalité plus pop des morceaux par rapport aux albums précédents.
Après ton premier album The Real Nature of The Fantastic Ice Cream Car, qui était très inspiré de la culture folk traditionnelle, tu as décidé de redéfinir ton style musical pour te diriger vers des influences plus pop. Quelles ont été les motivations qui t’ont poussé à ce changement ?
Beaucoup d’éléments se sont combinés pour arriver à ces sonorités là! Pour commencer, ça faisait longtemps que l’envie d’un disque plus rock’n’roll me travaillait. Ma rencontre avec les French Cowboy n’y est pas étrangère. Leur batteur, Eric Pifeteau, m’accompagnait sur les lives de mon deuxième album, ainsi que Philippe Eveno (guitariste de Philippe Katerine). Alors j’avais envie de retrouver sur le disque l’énergie qu’ils apportaient lors des concerts. Dans le même temps, mes relations avec mon label se sont tendues, jusqu’à finir aux Prudhommes. Les relations avec les gens avec qui j’avais enregistré mes premiers disques en ont vraiment pâti. Enfin, je crois que j’ai eu un vrai ras-le-bol des clichés folk qu’on a vu partout… Tu mettais un barbu dans la neige, une plume sur la tête, un maquillage à la Devendra Banhart autour des yeux, et tu en faisais un folkeux. J’ai eu le sentiment qu’on avait pompé toute l’authenticité du revival folk, tout ce qui finalement avait fait sa fraîcheur au début des années 2000. Ca ne voulait plus rien dire. Alors j’ai eu envie de me séparer de tout ca, j’ai eu envie de tourner cette page devenue trop compliquée et chargée de ressentiments. J’ai voulu revenir à un son plus chaud, à des thèmes plus joyeux, j’ai eu envie qu’on danse sur mes chansons! Un retour à des choses plus simples, plus lumineuses, plus excitantes. Je me suis mise à écouter beaucoup de compiles des années 60, Les Ronettes, Diana Ross & The Supremes, les disques de Marilyn Monroe… Et là ca a réveillé mon envie de jouer.
« Good Bye Quiet River » est en quelque sorte ta lettre de démission de la scène folk à laquelle tu trouves quelques clichés. Peux-tu nous en dire plus ?
Comme je disais précédemment, le revival folk est arrivé à saturation. Tout se revendiquait folk. Dans les programmes de salles de concert, quand tu avais un chanteur avec une guitare acoustique, c’était catalogué folk. Dans la mode, quand tu portais un pull avec une tête de cerf dessus, c’était folk. Quand dans un clip, tu avais une forêt avec des poneys et une guitare déglinguée, c’était folk. Il y a eu la barbe du folk, la chemise à carreaux du folk, le ukulélé folk, la plume dans les cheveux folk ou le serre-tête en moumoute folk. Tout ca prônait un retour aux sources, revendiquait une certaine authenticité, une volonté de sonorités organiques. Et en fin de compte, tu réalises que tout était calculé, mesuré, dosé. Que la création “folk” se cachait derrière ses beaux atours champêtres, alors que sa production, elle, était de moins en moins intéressante. Je me souviens d’une interview de Dominique A, qu’il donnait pour son dernier album. Il parlait de ce regain d’intérêt pour le folk, de ce besoin des nouveaux groupes d’enregistrer dans des cadres naturels, à la recherche du beau son… et qui fait qu’au final, on s’emmerde. J’ai tellement aimé son propos, je l’ai trouvé tellement juste, que l’article est collé sur mon frigo!
En comparaison de tes précédents efforts studios, « Love Full of Hands » semble beaucoup plus instrumenté, avec batterie, basse et cuivres. Je crois que tu as collaboré avec plusieurs autres artistes, peux-tu nous les présenter ?
Avec grand plaisir! Cet EP est le résultat de rencontres rares, une combinaison d’envies et d’idées… j’ai enregistré avec une amie, Raphaëlle Duquesnoy, qui a monté son studio chez elle près de Lens. On a beaucoup échangé, beaucoup partagé, beaucoup tenté: le fait d’être amies avant de collaborer sur ce disque a sans doute beaucoup aidé. Et le fait d’être entre filles, aussi sans doute. Eric Pifeteau s’est occupé des batteries. Il enregistrait à Nantes, chez lui, puis il m’envoyait ses pistes. On s’appelait, on s’ajustait au besoin sur ce qu’on voulait entendre, et il faisait les corrections… Eric est quelqu’un de très généreux, très à l’écoute. Il joue également avec moi sur scène, il était donc assez simple de se caler. A la basse, c’est une vieille idée qui s’est enfin réalisée! Voilà longtemps que je croisais Pierre Jacqmin, l’ancien bassiste du groupe belge Vénus. C’était l’occasion idéale pour lui proposer de collaborer. Quand il est arrivé en studio, il avait plein d’idées. Je me souviens qu’il m’a dit “tu préfères une basse plus funk”? (et il me joue la basse) “ou un basse plus disco?” (et il me joue sa ligne de basse plus disco). Au final, on a gardé les deux, sur le morceau Hands Full Of Love! Enfin, JB Petit a joué les trompettes. Il joue dans une fanfare de la région lilloise, c’était donc le meilleur pour nous composer les instrumentations de Lost Seasons.
Au niveau des textes, tu quittes plus ou moins l’univers enfantin et naïf de tes précédents albums. Est-ce que « Love Full of Hands » est l’album de l’âge adulte pour ton personnage ?
Je ne sais pas vraiment… j’ai le sentiment que je suis revenue à l’essence du jeu avec ce disque. je suis revenue à quelque chose d’instinctif, de spontané, d’enthousiasmant. Mes deux derniers disques me paraissent très intellectualisés, avec le recul. On a tout voulu maîtriser, on y a réfléchi longuement, on a cherché des heures et des heures des sonorités, on a étudié les atmosphères… Love Full Of Hands me parait beaucoup plus comme une cours de récréation, où on crie, où on tape des mains, où on vit, où on en appelle à la liberté. Tout cela fait partie de l’enfance. Alors si l’univers parait moins enfantin, en tout cas l’énergie qui habite ce disque est plus que jamais l’énergie enfantine liée à la découverte, à l’envie, au jeu.
L’univers visuel de « Love Full of Hands » est très connoté 60’s. Qu’est-ce qui t’inspire d’un point de vue musical dans cette période ?
A mes oreilles, c’est tout le corps qui chante dans ces enregistrements: les choeurs soul, les mains qui tapent, les doigts qui claquent, les pieds qui suivent instinctivement le groove de la basse. Ces morceaux te provoquent une chaleur dans le ventre ! Quand tu entends Aretha Franklin qui chante “I say a little prayer for you”, tu as l’impression que c’est son âme qui te parle. Les choeurs sont si simples mais leurs échanges sont tellement bien sentis… Le son est chaud, le morceau est simple mais il fait tellement de bien. Je suis très admirative quand on arrive à sublimer les choses au point qu’elles paraissent évidente.
Quelles sont tes bonnes résolutions et tes objectifs pour 2011 ?
Mon objectif, c’est de tourner avec mon groupe en 2011 ! Je fais de mon objectif ma bonne résolution, pour que vraiment, je n’ai pas d’autre choix que d’y parvenir.
S’il fallait se quitter sur l’un de tes morceaux, ce serait lequel ?
“Good Bye Quiter River”. Pour que tous ensemble, on tourne le dos à la mélancolie et qu’on célèbre la joie. Et ainsi, en se quittant sur le premier morceau de ce nouveau disque, on l’écoute en entier sur la route en rentrant chez soi. OK ?