C’est la 4ème fois que j’assiste à un concert donné par Hypno5e. Après avoir défrayé la chronique avec leur nouvel album fraichement arrivé dans les bacs, Hypno5e officie en tête d’affiche de la soirée. La bagarre est sold out ce soir au Ferrailleur, pas étonnant vu les excellentes critiques qui entourent l’album depuis sa sortie, et c’est bien mérité.
En plus ça tombe un samedi, et il fait super beau ici à Nantes. Bref, je me pointe en ville bien longtemps à l’avance, je déguste un peu de bière dans le parc du château et en j’entame le chemin vers le Hangar à Banane sur l’Île de Nantes, pour aller rencontrer Jonathan et Emmanuel, respectivement guitariste et chanteur/guitariste du groupe. Avant cela, j’aimerai dire deux choses. La première, merci à Sick Sad World pour l’ouverture! Super découverte, un show bien à eux et une musique de grosse qualité, très cohérent vis-à-vis de la tête d’affiche. Et évidemment, merci à Hypno5e pour ce concert sold-out MONSTRUEUX. Je ne sais pas si la moiteur de la salle était due à la transpiration du public affolé par les riffs tueurs ou à cause de l’émotion pure et dure. Disons sans aucun risque que c’était les deux.
Jonathan et Emmanuel, bonjour, et tout d’abord merci de me recevoir ! La tournée a commencé, comment ça se passe avec votre nouvel album, Shores of the Abstract Line ?
Bah écoute carrément bien, on a commencé il y a trois semaines déjà, ce soir c’est la 11ème date. On a commencé en Allemagne en support de Textures, avec un nouveau public c’était vraiment pas mal. Là on est sur la tournée française en tête d’affiche. On joue enfin le nouvel album sur scène du coup, ça fait du bien. Le public s’est très bien approprié l’album, ils connaissent déjà les morceaux, les paroles, et nous sur scène ça prend vraiment forme au fur et à mesure qu’on le joue, ajouté à ça toute l’expérience live passée… On regrette beaucoup de pas avoir pu poser notre scène comme on le voulait ce soir, il y avait trop de contraintes techniques. Une fois sur deux, on peut pas installer les projections, c’est dommage ça fait partie intégrante du show pour nous. Il va falloir qu’à l’avenir on prévoit une installation plus adaptable, certains lieux n’ont pas une hauteur de plafond qui nous permet de faire ce qu’on veut. Mais c’est pas grave, y’aura un bon show ce soir quand même !
J’en doute vraiment pas ! Et alors ce nouvel album, à jouer sur scène c’est comment ?
Il est plus technique et différent des autres, mais on commence à être bien rôdé, on l’a dans la peau et ça a un bon effet sur la relation avec le public, surtout qu’il nous le rend bien parce qu’il le connait, et ça ça joue aussi sur nous, sur notre assurance, parce qu’on veut leur donner ce qu’ils attendent.
Il a été financé par crowdfunding. Comment ça s’est passé ? C’était la première fois ?
Alors moi (Manu), j’avais déjà fait ça sur un projet de film, donc le procédé ne m’était pas inconnu. Mais là, je pensais pas que ça se passerait comme ça, l’objectif a été atteint à plus de 200% en quelques jours ! On était étonné, et très content bien sûr, on savait pas à quoi s’attendre. Du coup ça nous a permis de jauger aussi l’attente qu’il y avait sur cet album, c’est super encourageant, mais quelque part ça fout aussi une pression supplémentaire. On a redoublé d’imagination pour que le travail fait soit conforme aux attentes du public, du moins de ce qu’on s’en faisait, mais je crois pas qu’on l’a minimisé ça c’est sûr ! Avec le financement on a pu faire des choses qu’on avait pas prévu de faire et qu’on avait jamais fait pour cet album. Déjà on a pu aller en studio, au lieu de tout faire nous-mêmes. Ca a apporté plein de bonnes choses, mais on a aussi eu quelques soucis (rires) !
Comment ça ?
La batterie a été enregistrée ailleurs aux États-Unis, et le mixage a été fait là-bas aussi. On s’est dit que déléguer cette partie-là à un pro serait une bonne expérience, pour donner une couleur différente à notre son, c’est pas notre métier après tout. Sauf que ça a pris plus de temps que prévu, on a même plus eu de nouvelles pendant 3 mois, alors que l’enregistrement de l’album entier avait pris à peine autant de temps ! Bref l’album a refait surface et a été récupéré par un autre studio. En tout on a dû décaler la date de sortie de l’album à deux reprises !
L’album a été perdu pendant 3 mois ! Mais vous vous sentiez comment à ce moment-là ?!
C’était plus que chiant t’imagines bien ! En plus on avait calé une tournée sur cet album, du coup on a du la modifier. On a quand même tenu un max de dates et tant mieux mais c’était vraiment frustrant. Y’avait des dates importantes dans le lot, notamment le Hellfest de 2015.
Racontez, c’était la première fois que vous jouiez là-bas ?
Ouais, sous la Altar, et c’était vraiment surprenant. Déjà, on jouait le dimanche à 10h30 du mat, un créneau qu’on appréhendait un peu: c’est le dernier jour, les gens sont surement un peu crevés et encore en train de décuver. Mais en fait, c’était génial. C’était plein à craquer, le public était bien avec nous, même si on s’est un peu retrouvé béat devant tout ce monde ! En plus, c’était vraiment pas dans nos habitudes de scène: c’était en plein jour, sur un temps hyper court. Notre musique est pas forcément faite pour ça, surtout qu’on a pas mal de formats longs dans nos compos. Et on n’avait quasi jamais joué l’été auparavant. Nous on joue plutôt dans des salles petites et sombres. Et franchement c’était un des meilleurs concerts qu’on ait faits, ça a super bien clôturer cette tournée ! Ça nous donne une meilleure façon d’appréhender les festivals futurs en plein air, je pense entre autres au Brutal Assault et au Motocultor pour cet été.
Votre partenariat avec Pelagic Records a évolué, comment ça se passe maintenant ?
Oui avant on avait déjà affaire avec eux pour la distribution. Là ils ont voulu travailler avec nous pour cet album. On s’entend vraiment bien, surtout que c’est un label de musiciens, c’est vraiment différent et bon pour la créativité. C’est un sacré label, ça nous a encore plus motivé pour l’album. Y’a une attention particulière pour chaque groupe, c’est vraiment super agréable de bosser avec eux.
Y’a eu pas mal de collaborations entre groupes chez Pelagic récemment, je pense notamment à des sorties très récentes comme Cult Of Luna avec The Old Wind, et Mono avec The Ocean (dont vous allez ouvrir les concerts sur 6 dates en mai !). Ce sont beaucoup de groupes qui jouent aussi une musique assez impressionniste. Vous avez déjà songé à faire un split avec un autre groupe ?
Pourquoi pas, on n’y a pas du tout pensé en fait !
En parlant de projets, que devient Backward Glance On A Travel Road, votre autre groupe ?
Ça existe toujours et ça va continuer, on a des compos prête depuis quelques temps déjà. C’est juste que là, c’est la priorité à Hypno5e, et qu’avec le retard qu’on a eu comme on l’a dit précédemment, on n’a pas pu se concentrer sur Backward. C’est un projet qui nous tient tous à cœur, il est pas du tout question qu’on l’abandonne. On ne t’en dit pas plus, on est en réflexion dessus ! On espère remettre Backward en surface après cet album d’Hypno5e. Backward touche un public plus large, mais on trouve énormément de fans qui s’intéressent aux deux, même s’il s’adresse aussi à un public qui n’est pas metal. Beaucoup de gens ont découvert Hypno5e via Backward, moins dans l’autre sens. Faut dire que c’est plus récent, enfin c’est arrivé après Hypno5e. C’est vrai qu’il n’y a qu’un ou deux pas de distos entre les deux, mais les couleurs se ressemblent.
Pour revenir à Hypno5e, vous avez tenté une petite expérience. Pour vous, il y a une chanson qui fait un peu office d’essai dans votre nouvel album. Est-ce que c’est « Tio » ?
Oui ! Cette chanson a été composée en dehors de l’album, en dehors d’Hypno5e. Quand on compose un album, on n’a pas forcément d’idées précises de la direction qu’on prend. Tout nous vient spontanément, et ensuite on se rend compte de ce qu’on a produit, des couleurs et des ambiances qu’on a travaillées, et on affine en fonction de notre vision de l’album une fois que l’album est terminé. Avant ça, on n’arrive pas à se projeter et à savoir ce qu’on peut penser de l’album.
On a découvert l’album seulement une fois qu’il était pressé ! A force de retravailler chaque petit bout à droite à gauche, tu changes de regard sur ton travail pendant cette phase-là.
Pour en revenir à « Tio », on s’est rendu compte qu’elle avait en fait un grand rôle à jouer dans cet album, un rôle central. C’est un noyau dans la trame qui s’est dessinée au fil de la composition de l’album. C’est pas volontaire du tout, et elle est différente : elle n’est pas metal, elle est acoustique, il n’y a pas de samples et chantée en espagnol. Bref, elle n’est pas Hypno5e, en quelques sortes. Donc il y a eu un débat entre nous pour savoir si on allait l’incorporer dans l’album ou non. En tout cas, son existence et sa place ne sont pas le fruit du hasard en quelques sortes.
Et vous avez tenté l’expérience live avec ce titre ?
Non pas encore. Ça mérite encore du débat, si elle a trouvé sa place dans l’album, c’est pas automatique qu’elle en ait une aussi dans un live, on ne la prend pas pour acquise. Mais en fait, ça va arriver quand même ! On doit juste retravailler sur son intégration aussi en live. Ça doit être fait intelligemment.
Comment vous le voyez alors cet album, par rapport aux autres ?
Différent, c’est sûr, même s’il y a des choses qui rappellent un peu les deux premiers, certains samples notamment. Pour celui-là, on a revu les couleurs, c’est plus sombre. On a étiré les phases atmosphériques, et les phases dures sont beaucoup plus brutales, plus rapides et plus incisives. Il est aussi un peu forgé sur notre expérience de la scène. La setlist d’un live doit être cohérente et avoir une trame, tout autant qu’un de nos albums. Quand on commençait une phase atmosphérique en live, on la faisait durer plus longtemps, quand on jouait brutal, on avait tendance à choisir des titres en conséquence aussi.
C’est un peu le chemin inverse de ce que l’on peut observer de la plupart des groupes qui montent vite finalement. Vous tranchez encore plus entre les différentes phases mais vous les conservez toutes, certains artistes qui taillent leurs albums pour le live ont plutôt tendance à privilégier les riffs que les autres phases qui ne servent que de transition !
Disons qu’on ne prévoit rien en fait, comme on le disait un album ne nait pas par un objectif en avance. Un live pour nous c’est pas vouloir balancer juste des riffs comme ça, « histoire de ». On n’a pas de phases de transition, les passages atmosphériques qu’on crée sont toutes aussi importantes que le reste. On n’est pas un groupe de metal. On fait pas forcément exprès de faire du metal en fait, c’est comme ça que ça nous vient, Backward nous est venu comme ça aussi. C’est notre parcours musical qui nous conduit forcément un peu à ça, mais surtout notre imaginaire.
Comment vous voyez le futur pour Hypno5e ?
Déjà là on va finir la tournée. Faire vivre un maximum cet album en live, et ensuite se préparer à tenir des délais moins longs pour le prochain album. D’ailleurs, on a déjà des choses pour un prochain album, mais on a aussi d’autres projets différents qu’on voudrait mettre en place avant de s’y atteler. Pour cet album, c’était trop long, surtout à cause des soucis de derniers moments. Parfois on avait l’impression de perdre la spontanéité de la sortie de l’album, alors que nous on l’avait fini depuis longtemps déjà. C’était parfois perturbant, on n’a pas envie que ça recommence. Aussi, on aimerait tourner plus à l’étranger. On a joué pas mal en Europe, et on voudrait le faire encore plus. On a joué aussi en Australie et aux États-Unis. On y retournera aussi, dans de meilleures conditions que la dernière fois j’espère (rires).
Concernant le projet « El Alba, les ombres errantes », où en es-tu Manu ?
Le tournage est fini, et le montage aussi. Ça a pris un peu de retard parce qu’on a eu des soucis avec des acteurs qui étaient malades, du coup le scénario a été un tout petit peu modifié, et pour ça il a fallu que je rentre en France quelques temps. Là on commence à envoyer le film à quelques festivals. Le processus de distribution d’un long-métrage autoproduit est plus complexe et plus pénible que pour un album. J’espère qu’on pourra le projeter et le programmer à quelques festivals d’ici la fin de l’année. En tout cas le film est fini ! C’était long, parce que je fais tout dessus : le montage, la musique et le démarchage. Y’a une petite subtilité aussi. Il a été tourné en Bolivie avec des acteurs boliviens, mais l’équipe est française et surtout il n’y a pas de production, du coup il n’a pas de nationalité en quelque sorte. Faut lui trouver un circuit qui lui corresponde.
On a hâte de jeter un œil dessus ! En tout cas merci beaucoup, pour votre gentillesse et votre temps, on se dit à tout à l’heure dans la salle ! Un dernier mot avant de se quitter ?
Oui… Venez nous voir, c’est super bien Hypno5e en concert (rires) !
Extrait vidéo de la soirée avec le titre « East Shore – In Our Deaf Lands »
[#HD ] Extrait du concert de Hypno5e hier soir !Plus de photos et de vidéos sur twitter et instagram=> http://twitter.com/LeFerrailleur=> http://www.instagram.com/leferrailleur
Posté par Le Ferrailleur – Café Concert sur dimanche 13 mars 2016
Écouter la setlist du concert sur Spotify :
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Le projet du long métrage d’Emmanuel Jessua : El Alba, les ombres errantes
A Backward Glance on a Travel Road : Bandcamp
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