Entretien téléphonique le 20 mai avec Lone-Wolf Low (guitare rythmique) de Hell of a Ride, venu défendre le nouvel album du groupe « Nine of Cups ».
Quatre années séparent « Nine of Cups » de « Bête Noire », peux-tu me dire ce qui s’est passé pendant cette période ?
Lorsqu’on a sorti « Bête Noire », on a défendu cet album et fait beaucoup de concerts pendant deux ans, on n’avait donc pas trop le temps de partir sur des nouveautés. Ensuite on a voulu faire un peu le point sur toutes les rencontres qu’on avait faites et l’expérience avec le public, les réactions qu’on avait eu. On voulait diriger la suite par rapport à ça, à la scène, on a donc pris le temps de recentrer les choses, de composer, d’écouter, de rencontrer de nouvelles personnes en terme artistique et surtout de retravailler notre son. En 2017, on a commencé le processus de se redécouvrir et de redévelopper quelque chose qui a amené à l’album en 2019.
C’est ce qui explique le virage que vous avez pris musicalement ? Avec plus de samples notamment ?
Les concerts ont amené à comment exprimer notre énergie, la canaliser et la ressortir sur les compositions. Les rencontres et tout ce qu’on a découvert musicalement, d’autres artistes, d’autres genres qu’on écoutait déjà un peu plus ou moins chacun dans le groupe depuis début 2000, on voulait vraiment les intégrer à ce qu’est Hell of a Ride, chose qu’on n’avait pas pu faire avec « Bête Noire » qui a été composé pendant plusieurs changements de line-up sur l’échelle d’un an. « Nine of Cups » c’était vraiment neuf et c’était l’occasion aussi de se retrouver tous autour de ça à échanger des idées un maximum avant de rentrer en studio.
Ce virage est donc collectif. Ce n’est pas une nouvelle arrivée dans le groupe qui en est à l’origine ?
Non c’était vraiment une volonté collective de ne pas faire une redite de « Bête Noire » qui était vraiment introspectif au niveau des émotions qu’on dégageait et faisait partie de quelque chose de révolu par rapport à nous. On avait besoin d’avancer, de tourner cette page là et la volonté de « Nine of Cups » d’aller de l’avant, plus dans le positif que dans ce côté sombre qui est retranscrit dans l’histoire et en général dans Hell of a Ride et de l’amener vers une nouvelle voie. C’est comme un road-trip. Il y a des moments où c’est difficile, où on a une espèce de second souffle différent qui donne envie de partager une énergie, une émotion différente.
Aujourd’hui votre musique tu la définirais comment ? Pour l’album précédent tu parlais de heavy stunt rock.
C’est peut-être plus large, plus du modern rock mais avec toujours cette essence de stunt rock, c’est à dire une espèce de climat dans lequel il peut y avoir des passages rapides et des passages lents, des trucs assez sautillants. Il y a plus de breaks dans cet album là au niveau global instrumental donc ça reste cet espèce d’état d’esprit de stunt rock mais plus ouvert, avec des influences peut-être plus électroniques même plus classiques aussi par moments et c’est aussi le besoin d’ouvrir la collaboration justement par rapport aux influences qu’on a eues et les rencontres qu’on a faites durant les deux années passées à défendre « Bête Noire » sur la route.
Certains chroniqueurs disent que votre musique est plus “mainstream » dans ce nouvel album, ça vous agace ?
Pas spécialement. Ce n’est pas une volonté d’être mainstream, c’est par rapport à ce qu’on écoute, on n’a pas fait ça sous la contrainte (rires). C’était surtout de s’amuser avec des choses qu’on écoutait et peut-être aussi justement de surprendre. Limite certains sont choqués mais c’est pas grave justement. Si on fait du rock’n’roll et que derrière ça ne choque pas, ça ne surprend plus, ça perd un peu l’essence même du rock’n’roll, c’est à dire faut pas que ça plaise à papa quoi (rires). Il y a plein de choses à prendre partout tant que l’énergie et l’émotion sont là. Tant que l’intention de base est sincère, de s’amuser et de partager, je pense qu’après si c’est plus pop ou plus metal, on pourrait même s’amuser à faire quelque chose de plus sombre, plus black metal, on s’éclaterait encore. On ne sait pas de quoi l’avenir sera fait et je pense qu’on pourrait s’amuser dessus pour les prochains titres.
Il y a d’ailleurs d’importantes différences de style au sein même de l’album.
Il y a des titres très en contraste, très en douceur ou tempérés, c’est une volonté par rapport au thème des chansons, à ce qu’on veut exprimer.
On va revenir au thème justement, sur l’album et l’Ep précédents vous aviez un personnage John Mad Dog Ringsdale, fait-il toujours partie de votre univers ?
Oui, cet album est la suite du précédent. On fonctionne comme une série. Le pilote c’est « Fast as Lightning », l’Ep, qui parle un peu du personnage, le décrit de manière grossière, une espèce de tête brûlée un peu misogyne qui se fait voler sa caisse par des nanas, décide de les poursuivre et finit par en avoir une pour l’interroger. « Bête Noire » c’est vraiment le moment où il retrouve la piste de sa voiture et du gang, où il va traverser des paysages arides et des métropoles sombres pour pouvoir récupérer sa caisse mais il va faire aussi une sorte d’introspection, revenir sur son passé et on comprend qu’en fait il est ce qu’il est parce qu’il a été manipulé et n’a jamais eu de libre arbitre. Même ce qu’il pensait être une décision sur son avenir était totalement maquillé. Il décide de prendre sa revanche, sa vie et son destin en mains et de se battre contre ces choses qui l’ont manipulé pour pouvoir renaître et ne pas être condamné à être ce qu’on attend de lui. C’est ce qui se passe dans « Nine of Cups ».
Il était manipulé par qui ?
Dans « Bête Noire », il y a un journal de bord de Mad Dog, c’est une tête brûlée, une sorte de ghostrider avec les pouvoirs en moins, son délire c’était de faire une dernière cascade, un grand show et de voler en éclat avec sa bagnole de manière totalement rock’n’roll sauf qu’il se la fait piquer. La raison de sa volonté d’en finir c’est la perte de sa nana des années auparavant. Il s’en veut parce que c’est un accident dans lequel il est responsable. Sauf qu’il se rend compte que sa nana n’est pas morte, qu’il se fait manipuler depuis le début au profit d’ un personnage qui l’utilise à des fins criminelles. C’est ce qui a fait que sa vie s’est écroulée et qu’il est devenu ce qu’il est. Il retrouve la trace de tout ça, le découvre au fur et à mesure en remontant justement cette route dans « Bête Noire » quand il fait sa course poursuite avec le gang de voleuses et il finit par appliquer sa vengeance. Il termine dans un accident dans lequel il va éliminer toutes les personnes qui lui ont fait du mal sauf que l’histoire ne s’arrête pas là puisque derrière il y a des forces obscures, le destin. Toute une phase mystique entre en jeu, ça va au-delà de l’humain, il va devoir se battre contre des forces. Là on rentre plus dans le comics et ce genre de référence.
C’est carrément un scénario !
Oui, ça permet de ramener des codes et des influences de cinéma, de séries, de comics et un côté Sin City avec ce personnage qui pourrait être méchant mais on va comprendre que tout n’est pas noir ou blanc. Il y a des zones de gris qui peuvent vraiment varier d’un extrême à l’autre selon les décisions de la personne et selon ses actes. Tout ça c’est une sorte de rédemption, de trouver la force de pouvoir changer et c’est vraiment le message de Mad Dog depuis le début et surtout de pas mal de titres dans « Nine of Cups », être prêt à changer pour renaître et déterminé à le faire.
Ça veut dire qu’on retrouvera Mad Dog dans les prochains albums ?
Le fil conducteur c’est à dire l’essence même du personnage qui l’anime sera toujours présent, c’est indissociable mais son évolution peut changer, l’intérêt c’est de ramener d’autres personnages, d’autres sensibilités. Il pourrait disparaitre ou complètement changer. Plutôt que de devenir un héros, il pourrait devenir bêtement justement ce qui le menace, renverser un équilibre, c’est vraiment ouvert comme scénario.
Que signifie « Nine of Cups » ?
C’est une des cartes les plus fortes du tarot qui a un sens positif et un négatif en fonction de comment tu la tiens. En positif c’est l’épanouissement personnel sous toutes ses formes que ça soit l’amour, la richesse, le travail, le sociable et le côté négatif c’est justement les désillusions, l’échec, la frustration de ne pas obtenir ce qu’on veut et c’est vraiment ce qui représente Mad Dog. En général, le message et les thématiques en rapport avec l’album sont vraiment un mix de toutes les thématiques qui se retrouvent sous la signification de cette carte là.
Tu as contribué à l’écriture des textes ?
J’avais écrit quelques titres sur « Bête Noire », là on a ouvert la collaboration à d’autres auteurs, on avait envie de travailler avec des personnes qu’on avait rencontrées donc je me suis plutôt effacé mais j’ai participé à la confection de tout ce qui était thématique des chansons, par rapport à ce qu’on voulait exprimer ça a permis de prendre plus de recul sur ce qu’on n’avait pas eu le temps de faire à l’époque de « Bête Noire », pouvoir mieux diriger ce qu’on voulait dire d’une manière globale et pouvoir justement travailler avec les auteurs.
Les clips sont très soignés avec des personnages, un scénario, comment s’est fait le travail sur les clips, de l’écriture du scénario à la réalisation ?
Il y a des choses qu’on n’avait pas pu faire sur « Bête Noire », avec des clips comme “Aphrodisiac Cadillac” qui est un clin d’oeil à ce qui se passe dans l’histoire de Mad Dog mais qui ne reflète pas le personnage. Là on voulait vraiment mettre en avant le personnage et ce qu’il traverse et c’était une réflexion en amont avant de faire les trois clips, se dire où est le personnage, qu’est ce qui va lui arriver, comment on le représente, comment on va lui faire traverser ces espèces d’étapes. C’est un rapport avec la Divine Comédie de Dante, il va traverser les neuf salles de l’enfer et rencontrer des gens qui sont dans chaque cercle. L’idée c’était vraiment de représenter les personnages, de scanner les rencontres parce que c’est vachement axé sur les rencontres et les interactions, ce qu’elles nous apportent et ce qu’elles nous prennent. Et on laissait le suspens, était-il mort ou pas à la fin de « Bête Noire » ? Et avoir des personnages différents sortant un peu des carcans du road trip movie. Là on est dans une espèce de mythologie qui s’insère à ça et qui créé une sorte de clan où on ne sait pas si on est dans le monde réel ou pas. C’est ce qu’on voulait faire traverser en rapport avec justement l’enfer de Dante et ça c’est prévu depuis la conception de l’album dans les grandes lignes.
Le dernier clip a été réalisé avec Tim Wilde, un réalisateur de courts métrages sur l’airsoft et les combats airsoft, il est plutôt dans un format de 30 minutes. C’est un ami et depuis un moment il disait ça serait cool que je vous clippe un truc parce qu’il ne fait jamais de clip. On s’est penchés sur le sujet, on avait le thème du clip, l’histoire, on savait avec qui on voulait travailler au niveau des acteurs et on a mixé tout ça ensemble. On s’est dit c’est le moment de le faire et autant s’éclater. Ça a été un vrai travail collaboratif de la part de toutes les personnes qui sont dans le générique, que ce soit sur la logistique, les maquillages, les costumes, les figurants, les acteurs, les performeuses, vraiment un gros boulot et on s’est vraiment éclatés à le faire.
Parle moi un peu de ton rôle de guitariste rythmique dans le groupe.
Nous sommes deux guitaristes dans le groupe, au niveau complémentarité, on joue beaucoup sur différentes sonorités, les deux guitares ne font pas les mêmes choses juste pour avoir un gros son, on a vraiment deux façons de composer Noré et moi et ça se complète vachement et on essaie vraiment de garder cette distinction entre les deux pour que l’un sans l’autre ça ne sonne pas pareil.
Cet album est sorti depuis plusieurs mois, vous avez eu le temps de le défendre sur scène ?
On a fait quelques dates, la dernière c’était en février aux 18 marches à Moissy, la salle était blindée, c’était vraiment génial, pas mal de gens connaissaient les titres et chantaient, ça fait vraiment du bien et on a hâte que les salles rouvrent pour pouvoir jouer à nouveau.
Vous avez fait quoi pendant le confinement ?
On a fait de la musique ! Comme on a travaillé « Nine of Cups » en échangeant à distance, avec les connexions, on travaille tous sur le même logiciel, on s’enregistre tous, on échange sur des serveurs cloud, on a pu continuer et composer de nouvelles choses, travailler des reprises pour pouvoir les sortir. C’est ce qu’on voulait faire à la base, sortir au mois de mai mais avec le confinement on a dû décaler. On est en train de travailler sur des nouveaux matériels donc ça ne nous a pas tant impactés que ça en terme de productivité, de créativité. Le temps qu’on prend en général pour travailler sur un album, on compile sur deux mois entre le début des maquettes, le début de la phase de composition et la fin de l’enregistrement, là ça nous a permis de lisser sans contrainte ou de pression de temps. Ça permet justement d’essayer de nouvelles choses ou de composer plus facilement des idées spontanées.
Tu as parlé de reprises, de quels groupes ?
On ne fait pas des reprises de groupes de rock, on fait des reprises qui n’ont rien à voir, je crois qu’une des premières reprises qu’on a fait en live c’est Lana Del Rey “Video Games” qu’on a repris vraiment à la sauce metal rock, on fait une reprise de Bruno Mars “Locked out of Heaven” un truc assez funk, soul rock mais qu’on fait à notre façon en mode bien lourd et là on est en train de travailler à notre sauce une reprise de The Weeknd “Blinding Lights”. L’idée c’est de prendre certains trucs à contre pied et de s’amuser là-dessus. Surtout qu’on aime plein de styles musicaux et reprendre les choses de manière différente. Plutôt que de reprendre un titre rock à la façon rock, ce qui est plus un hommage, on préfère s’amuser vraiment à l’exercice comme on peut faire quand on fait de la session acoustique par exemple. Même nos morceaux on les retravaille pour le live. Plutôt que de les reprendre tels quels, on les réarrange quitte à changer l’essence même de comment ça sonne, un morceau très metal, très lourd ça nous est arrivé de le reprendre de manière très americana, très folk, d’apporter une touche plus blues, très différent de ce qu’on avait enregistré. Tant qu’à s’amuser, autant apporter des choses un peu différentes de ce qu’on avait fait à l’origine.
Que penses-tu de la situation actuelle pour la culture ? Es-tu inquiet ?
Je ne suis pas inquiet pour la culture elle-même, je pense que, moi le premier, le public retournera dans une salle de concert dès que ça sera possible. J’irai voir le premier truc qui sera accessible. Après je pense que c’est plus difficile pour les structures, les associations. Je penses à toutes ces boîtes qui gèrent l’événementiel ou du matos pour l’événementiel, les sociétés de roadies, tous ceux qui font les événements, qui permettent les concerts, ça ne va pas reprendre aussi fort que ça s’est arrêté mais progressivement et ça va être compliqué à moins qu’il n’y ait un vrai élan de solidarité, quelque chose qui se crée et fait que derrière ça puisse être défragilisé. Mais je pense que l’important c’est que le public soit vraiment demandeur et aille voir des concerts et au niveau des acteurs d’être solidaires, pouvoir se dire ok il faut qu’on soit tous forts, qu’on arrive à retrouver une solidité à la fin de cette crise sanitaire.
Le mot de la fin ?
L’important c’est de communiquer et de partager les choses, les énergies, je pense qu’il y a plein de bonnes choses à prendre partout. Le principal c’est de s’amuser, c’est ce qui nous fait avancer.