Dans la cadre de la Semaine du Son, de nombreuses conférences ont eu lieu dans toute la France. Vacarm s’est intéressé à l’une d’elle qui a eu lieu au Mans le 22 janvier dernier. Animée par Pascal Geeraert, consultant pour le centre Tomatis du Mans, elle avait pout thème « les sons et l’oreille » et pour but de répondre à des questions telles que : Comment sont perçus les sons par notre corps et notre cerveau ? Comment se protéger des sons toxiques ? Comment garder et développer une bonne oreille ? L’occasion pour Vacarm d’aborder un sujet qui vous touche tous en tant que mélomanes : vos oreilles. Souvent malmenées par les concerts ou les lecteurs mp3, voici quelques petites informations qui vous seront sans doute bien utiles.
Tout d’abord, il faut savoir que non seulement votre oreille a une fonction d’audition et vous permet donc d’apprécier un bon disque ou un concert mais elle vous permet également d’appendre ou de comprendre une langue. En effet, par exemple, la langue anglaise utilise des fréquences allant jusqu’à 12 000 Hertz alors que la langue française s’arrête à 3000 Hertz. Voilà donc l’origine de notre renommée de mauvais élèves en anglais. Effectivement, si nous n’entraînons pas notre oreille à entendre des fréquences étendues, celle-ci devient fainéante et n’entend plus les sons qui dépassent ces 3000 Hertz. Par conséquent, « aujourd’hui, quand on nous demande d’apprendre l’anglais, c’est comme si on faisait de la peinture avec des lunettes de soleil : on ne voit pas les nuances. » De même, le climat joue un rôle important dans le fonctionnement de notre oreille. En effet, comme l’a expliqué Pascal Geeraert lors de cette conférence, « ce n’est pas un hasard si les anglais sont allés chercher des sons très hauts. C’est parce qu’ils ont un temps chargé d’humidité. D’ailleurs, on retrouve dans certains coins de la Bretagne ou de la Normandie les mêmes intonations ; pour des raisons de propagation du son. » De la même façon, plus vous habitez dans un endroit ayant du relief, comme une forêt par exemple, plus votre ouïe restera bonne quand vous serez âgé.
Au niveau de l’équilibre, l’oreille a aussi un rôle prépondérant. « C’est grâce à notre oreille qu’on tient debout. Et c’est grâce aux informations fournies par l’oreille que nos yeux vont se diriger. » Il existe de plus ce que l’on appelle une fonction de charge, qui est d’ailleurs la fonction principale de l’oreille. Cela signifie que « 80% des stimuli sensoriels que reçoit le cerveau viennent de l’oreille et, ce, à partir de la dix-neuvième semaine de grossesse. » Ainsi, quelqu’un qui serait privé de sons (un prisonnier en isolement par exemple) aurait inévitablement de gros problèmes de santé liés à une perte de ses repères. De même, « une personne qui est dans une chambre anéchoïque [chambre sourde] peut avoir des vertiges. »
Toutes ces raisons reflètent la nécessité de préserver notre oreille, mise à mal au quotidien par les lecteurs mp3 ou les concerts. En effet, saviez-vous que 30 minutes d’un concert à 105 décibels constituent « la dose maximum admissible que peut supporter l’oreille en… 1 semaine ! » De même, le volume d’un lecteur mp3 varie entre 85dB et 100dB (1h d’écoute maximum par semaine). Pour vous donner un ordre d’idée, un chuchotement correspond déjà à 20dB, la pluie qui tombe, 50dB, une rue à grand trafic, 80dB, et le volume au niveau du bec d’une flûte, 140dB. Au-delà de 85dB, un son est considéré comme toxique et donc pouvant entraîner « un risque de perte de l’oreille » et, à 170dB, « l’oreille est tuée instantanément. »
Nombre d’entre vous ont également pu expérimenter les acouphènes après un concert, signe d’une exposition à un volume beaucoup trop élevé. Pour faire simple, si vous entendez des acouphènes (sifflements permanents), c’est que des cellules ciliées sont malmenées, voire détruites, dans votre oreille. Et les cellules ciliées sont celles qui permettent de transformer les vibrations sonores reçues par l’oreille en ondes électriques qui sont ensuite transmises au cerveau (pour interprétation de l’information) via le nerf auditif. En cas d’intensité trop forte, ces cils sont arrachés et, « une fois qu’ils sont arrachés, ils ne repoussent pas. »
Comme l’a expliqué Pascal Geeraert lors de la conférence : « Dans nos centres [Tomatis], on a les acouphènes du lundi matin suite à un concert rock. (…) C’est direct les urgences car cela veut dire qu’on est en train de perdre l’oreille. Cet acouphène, c’est quoi ? C’est un tsunami dans l’oreille, c’est-à-dire que tout s’agite là dedans et qu’elle est en train de vous dire aurevoir. (…) Ce qui est détruit est détruit. C’est irréversible. »
D’où la nécessité d’adopter des moyens de protection systématiques. Tout d’abord, le port de bouchons ou d’un casque. Qu’il s’agisse de bouchons en mousse ou de bouchons moulés sur mesure, leur port permet de réduire le volume sonore, parfois jusqu’à 40dB. De plus, les bouchons moulés sur mesure et spécialement conçus pour les concerts (comptez entre 100 et 150 euros la paire chez un audioprothésiste) ont une capacité de restitution du son quasiment parfaite. Si vous optez pour un casque, privilégiez les « actifs » qui neutraliseront les sons trop violents.
Pour les lecteurs mp3, pensez à réduire le volume des graves. En effet, cela n’est pas synonyme de meilleure qualité du son et leur réduction permet de diminuer le volume de plusieurs décibels. Question réglages, le son d’un lecteur mp3 doit être déterminé dans une pièce calme. Ensuite, quand vous sortez à l’extérieur, vous ne devez l’augmenter sous aucun prétexte. Par ailleurs, lors d’un concert, ne vous collez pas aux enceintes, l’emplacement idéal étant à plusieurs dizaines de mètres de la source sonore.
Quant à la question « Pourquoi la limite est à 105dB en concert, seuil déjà beaucoup trop fort et dangereux pour l’audition, et pas en-dessous ? », le coach de l’oreille n’a pas de réponse à part la même que beaucoup de professionnels de la musique : « il faudrait pourtant ! ». Alors, pour profiter le plus longtemps possible de la musique et apprécier les concerts jusqu’à ce que vous soyez vieux et gâteux, il n’y a qu’une chose à faire : vous protéger !