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Au Québec, la chanson francophone a du style !

Deux ans après le premier volet de notre panorama des groupes québécois, nous revenons sur les dernières sorties des artistes les plus en vogue chez nos cousins d’Outre Atlantique. Alors que nous avons passé 15 jours à Montréal, nous n’avons pas pu nous empêcher de faire le tour des disquaires du Mont-Royal pour compléter notre discothèque déjà bien fournie, et faire sourire les douaniers à notre retour en France avec une trentaine de galettes dans les valises…

Premier constat, le Québec reste un territoire d’originalité et d’inspiration pour la chanson francophone marqué par une petite troupe d’artistes très productifs. A l’instar des membres de Karkwa, qui après avoir sortis quatre albums, dont trois sont disponibles en France (Les tremblements s’immobilisent – 2005, Le Volume du vent – 2008, Les Chemins de Verre – 2010), et surtout ayant parcouru les routes du Canada, des USA et même, à plusieurs reprises, de France, a décidé de mettre en suspens leur activité pour se concentrer sur les projets solo des musiciens. Nous avons déjà eu l’occasion d’évoquer le projet de Julien Sagot, chanteur et percussionniste du groupe. Néanmoins, avant de quitter temporairement la scène, Karkwa a livré un album live à ses fans. Enregistré au Métropolis, salle mythique située sur Sainte Catherine, Karkwa interprète seize de ses meilleurs titres, débutant par son single « Le Pyromane » avant de déclencher un déluge d’émotions avec « Echapper au sort », « L’acouphène » ou encore « La Façade ». Louis-Jean Cormier, chanteur et guitariste de la troupe, s’est depuis lancé dans la production d’albums. En 2012, au Gala de L’ADISQ, il sera nominé pour la catégorie « Réalisateur du disque de l’année » pour l’album de Lisa Leblanc. Néanmoins, c’est son album solo qui aura retenu notre attention. Assez proche de l’univers de Karkwa, Louis-Jean Cormier dévoile une dimension plus intime et introspective à ces nouveaux titres. « La cassette », « L’ascenseur » ou « Le cœur en téflon » sont de belles métaphores du quotidien, le tout interprété avec élégance et poésie.

Dans un style plus rétro et décalé, Damien Robitaille est l’artiste qui monte, qui monte, qui monte… et cela sans jeu de mots graveleux tant ses chansons sont portées sur l’amour des belles femmes. Après deux albums très remarqués, L’homme qui me ressemble (2006) et Homme Autonome (2009), ce chanteur touché du complexe de Narcisse vient de lancer Omniprésent. Il aura fallu attendre l’année 2011 pour que le public français puisse découvrir Damien Robitaille sur scène, et sur album, avec plusieurs passages remarqués, notamment au Théâtre de l’Européen. Avec beaucoup d’humour, les deux premiers albums ont dressé les premières lignes directrices d’un projet artistique nostalgique des années 50-60 mélangeant à la chanson à textes, la country, le rock ou la pop-music. A ces deux opus aussi hétérogènes qu’hétéroclites succède un projet plus cohérent visuellement et musicalement abouti qui n’hésite pas à s’éloigner du second degré des premières compositions (« L’homme qui me ressemble », « Rouge Gorge »), pour se diriger vers des chansons très adultes, moins métaphoriques (« Au pays de la liberté », « Dame Nature »). Damien Robitaille garde cependant cette image de crooner séduisant (« Nos traces sur la plage », « Ta maman m’amadoue », « Mambo métissé ») jouant sur les mots.

Autre figure phare de la chanson québécoise à textes, abordant avec profusion le thème de l’amour et du flirt, Yann Perreau ajoute un nouvel opus à sa large discographie (4 albums très médiatisés sortis en 10 ans). A genoux dans le désir, disponible depuis octobre 2012, est une orchestration des textes de Claude Péloquin, poète qui permit à Robert Charlebois de remporter le prix Félix Leclerc avec le titre « Lindberg ». Cet album imagé proche des questions qui animent la société québécoise étoffe une discographie habituellement joyeuse, d’ambiances plus teintées (« Les temps sont au galop », « Qu’avez-vous fait de mon pays »). Entre rock et pop, Yann Perreau chante aux côtés de nombreux autres artistes québécois, pour composer notamment des duos féminins avec Salomé Leclerc, Lisa Leblanc ou Catherine Major. Yann Perreau reste un artiste à l’aide sur des chansons légères à l’image de « Vertigo de toi », « Le cœur a des dents » ou « Acrobates de l’amour ».

Petit virtuose de la scène québécoise, Pierre Lapointe joue d’une voix châtrée pour séduire son public. Pierre Lapointe est un des artistes qui incarne la nouvelle garde de la chanson québécoise dans son plus fort classicisme. Après avoir remporté 6 prix Félix Leclerc entre 2005 et 2006, avec son album éponyme et La Forêt des Mals-Aimés, il va poursuivre la publication d’album jusqu’en 2011, date à laquelle il sort un audacieux album live, Seul au piano. L’enregistrement de l’album live a été réalisé lors des quatre représentations du spectacle présenté à la Chapelle Historique du Bon-Pasteur de Montréal (novembre 2010). Aussi minimaliste que démonstratif, on y découvre de nouvelles interprétations de ses titres phares, « Le Lion imberbe », « Deux par deux assemblés », « Tous les visages », « De glace »…

Steve Dumas est aussi un artiste qui ne manque pas d’inspiration, avec 10 albums au compteur. Régulièrement nominé et récompensé comme dans la catégorie « Meilleur album rock de l’année » lors des galas de l’ADISQ, il conçoit ses opus comme des bandes sons de films, laissant beaucoup de place à l’interprétation de l’auditeur dans l’appréciation de son œuvre. Proche des concept-albums, le travail de Dumas se décrit par teintes de couleurs, par métaphore ou en épuisant un thème. Ainsi, L’heure et l’endroit, son dernier album en date revient sur 2 années de tournée avec un message clair et passionné « Dis moi l’heure et l’endroit, le reste je m’en fous… », orchestré autour de compositions mélangeant le son des sixties au rock et la new wave. « Souvenirs en mitraille » illustre parfaitement le travail de Dumas dans sa dimension la plus légère.

Une fois n’est pas coutume, certains artistes québécois s’éloignent parfois de leur langue maternelle pour enrichir leur discographie d’un album anglophone. La controverse n’est alors jamais loin, comme si un pré carré devait être trop bien gardé. En 2012, c’est au tour d’Ariane Moffatt d’en faire les frais avec AM/MA, qui se compose de onze titres, dont la moitié dans la langue de Shakespeare. Explorant des sonorités plus électroniques qu’auparavant, cette chanteuse qui aura enflammé de nombreuses salles et scènes de festivals en France, s’avère être l’une des plus originales de ces dernières années, donnant un véritable élan de fraicheur à la scène québécoise et plus largement à la chanson francophone. Simples, tendances et gracieuses, les compositions d’Ariane Moffatt séduisent l’auditeur à la recherche d’un bon bol d’air.

Le rock « dur » n’est pas en reste. Des artistes comme les Breastfeeders influencés par les guitares amplifiées des groupes anglosaxons, savent manier le verbe à la française tout en jouant de la distorsion. Leur dernier album, Dans la gueule des jours, reste l’un des modèles du genre. Il nous a d’ailleurs été donné l’occasion de découvrir l’album solo du guitariste, à moitié flingué, à moitié timbré, Sunny Duval, ce qui en fait l’un des artistes les plus remarquable de la scène alternative montréalaise. Talentueux comme s’il avait 10 doigts (à chaque main), pimenté comme s’il était un fruit diabolique, Sunny Duval livre un court album qui s’intitule Sein Noir, Sein Blanc. Avec des compositions fougueuses comme celles d’Eagles of Death Metal, Sunny Duval nous rappelle en moins d’une heure que la musique moderne que l’on aime est née du croisement du jazz, du blues et de la country. Aux sons des rythmes saccadés, Sunny Duval flambe comme une boule de feu.

Tout aussi distordu, Xavier Caféine est un artiste rock qui revendique pleinement ses origines Innus (peuple autochtone du Québec) et s’est lancé dans un projet teinté parfois d’un certain nihilisme (« Vive la mort ») qu’il a déployé depuis 1997 jusqu’à son cinquième album en date, Bushido (2009). Se moquant de la stupidité et des mots de notre modernité (« Les américains », « Le métro », « Darwin au Vatican » ou « Les imbéciles »), Xavier Caféine joue de son énergie pour nous faire bouger en toute simplicité, bras en l’air, tous ici, tous ailleurs. Plus qu’un simple original, Xavier Caféine nous dévoile une vision tragique de notre société, dont nous pourrions sortir aisément en respectant l’autre, ses traditions et en oubliant l’égocentrisme de nos quotidiens. Des questions qui résonnent au cœur de la société québécoise en ce début de millénaire.

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