Les fêtes étudiantes ont tendance à être sacrément redondantes, à Rennes. On se bourre la gueule, on file rue de la soif, on discute avec des personnes qu'on connait pas, peu ou prou et on rentre chez soi à 3h du mat'. Deux week-end sauvent son homme de l'ordinaire : les TransMusicales et son marathon de concerts dispatchés en trois Hall duquel on ressort comme un homme venant d'une autre dimension et son versant plus estival et étudiant, Rock'n Solex, avec marathon cette fois-ci de courses dans la journée.
Rock'n Solex, ce n'est pas une aussi grosse machine que les TransMusicales, soyons honnête. Mais c'est un événement qui a le mérite d'être de retour tous les ans avec son lot de bonne surprise, constituant ainsi un bon point de repère. Le site ne change pas d'une année à l'autre, sa disposition non plus à quelques menus détails près. On continue de se balader au milieu d'un campus, où les tentes prennent les emplacements les plus aléatoires possibles (vu notamment une fameuse tente deux secondes perdue entre les bâtiment, solitaire, au pied d'un sapin…), où les bouteilles s'amoncellent de jour en jour en contrebas de l'entrée, où les plus courageux jouent au foot dans l'après-midi. Bref, c'est le festival étudiant par excellence, qui permet de procrastiner à loisir.
On se bourre la gueule, on file sous le chapiteau, on discute avec des personnes qu'on connait pas, peu ou prou et on rentre chez soi à 3h du mat' ? A peu de choses près, le programme ressemble à ça pour, disons, les trois-quarts du public. Ce qui fait quand même une somme assez coquette, puisque sur trois soirées, Rock'n Solex peut se targuer cette année d'avoir fait un perfect : tous les pass 3 jours vendus avec deux semaines d'avance et trois soirées qui affichent complet au plus tard le matin même. Les rencontres sont facilitées, qui plus est, par les navettes en bus pour rejoindre le campus et permettent de faire le point sur la saison footballistique à peine terminé (et une équipe de Rennes encore marquée par sa défaite, en direct de Rock'n Solex 2009, contre Guingamp en finale de la coupe de France) ou d'évoquer entre deux sujets les derniers grands moments de la vie locale, comme le concert hallucinant (et qui rend fade toute autre prestation live) offert par Atari Teenage Riot quelques jours auparavant.
Mais Rock'n Solex, ce n'est pas qu'une beuverie étudiante. Sinon, autant refaire un apéro Facebook pour reprendre le dessus sur Brest et Nantes : ça coûte moins cher et ça fait plus de bruit dans les médias traditionnels. Non, Rock'n Solex, c'est aussi une programmation musicale qui correspond à peu de choses près à son public, souvent dans l'ère du temps. Depuis quelques années, l'accent est mis sur l'électro, malgré le nom du festival. La cuvée 2010 n'échappe pas aux nombreux DJ Set. Le samedi soir, il n'y aura eu presque que de cela, avec une forte tendance vers les jeux vidéos. Autrement dit, les jeunes sont déjà des « vieux cons » nostalgiques de leur enfance, bercée autour de Mario et Tetris, donc ils aiment avoir ça dans la musique qu'ils écoutent.
Dans cette tendance du samedi soir, la palme peut être accordé à MisSiL. Sans offrir un truc révolutionnaire, elle s'en sort bien en réduisant au maximum la durée de ses remix. A peine le temps de s'habituer, on est déjà passé à la suite. Il en ressort un set électrique, nerveux, qui perd moins son charme sur la durée que ce qui a été proposé avant elle, par Kavinsky le même soir ou DJ Pone la veille. Maniacx s'en sort avec des encouragements. Le caractère purement loufoque de leur rap est assumé. Loin d'être ridicule en général. Il faut juste qu'ils gomment les périodes où ils tombent dans la caricature, qu'ils musclent un peu leur live pour ne pas être cramés après une demi-heure et ils passeront au level supérieur.
Leurs ainés américains, De La Soul, ont montré comment faire un bon show consistant de rap la veille. Très old school, parfois très groovy ou jazzy, parfois juste là pour balancer leurs flows, leur concert a tout simplement été le moment phare du week-end. De La Soul, c'est pas seulement deux ou trois featuring sur des albums de GorillaZ et ils le montrent bien. On a affaire à deux MC et un DJ qui savent balancer la sauce à la seconde où il le faut, solliciter le public sans en devenir insupportable. Ce fût une leçon de rap américain en une heure. Placer cette acmé en plein milieu du week-end est la meilleure idée des programmateurs. Juste parfait, puisque cela fait oublier les quelques errements d'avant et ça permet d'être moins vindicatifs avec ce qui suit. Vraiment, De La Soul fût monstrueux.
Passons justement très rapidement sur ces errements, de la musique petite bourgeoise et enrobée d'une teinte d'ambiance club de SomethingALaMode aux malheureux Montgomery, dont les mélodies sont grandes et dévoilent un beau set … mais pas à sa place, en début de soirée, devant un public très éparse… d'autant qu'on était le samedi soir, dans la soirée électronique. Sans oublier un son assez capricieux sous le chapiteau de Rock'n Solex. Mieux valait trouver assez rapidement un bon emplacement, sous peine de subir des brumes de basses qui couvrent le reste. General Elektriks est assez décevant à cause de cela, tout comme We Have Band dont le concert n'a jamais vraiment réussi à décoller. Dans un genre de problèmes assez proche, Le Peuple De l'Herbe arrête à deux reprises son concert à cause d'un son déficient dans les retours. Autant dire que la cohérence en a pris un coup. Le troisième retour sur scène, tombant sur un morceau calme, a eu raison de leur concert. Cela fait l'effet d'un soufflé qui s'aplatit totalement… Tant pis.
Venons-en plutôt aux belles surprises de cette édition 2010. Bonobo montre que Ninja Tune a encore de l'avenir. Leur concert fut un petit oasis de beauté électronica dans le désert surabondant du bit, sublimé à certains moments par la chanteuse. Rien à dire, juste à apprécier. Autre surprise ? Ou confirmation pour les plus chanceux qui n'en était pas à leur première rencontre avec eux : FM Belfast est définitivement le groupe le plus excitant du moment. Toujours aussi fous, ils savent procurer à chaque fois ce petit plaisir dont on est presque honteux. C'est tout bête, mais ils sont tellement simple, tellement heureux d'être là sur scène, à raconter leurs histoires de lions, de sous-vêtements et de Caraïbes. C'est un peu comme les tartines de Speculoos. Elles ont le même goût à chaque fois. On a l'impression d'en devenir écœuré à force. Mais à peine on arrête, on y revient avec envie. Enfin Pendulum, dans sa version DJ set et MC, offrira un bon dernier moment sur le site. Ils assurent avec brio le dernier set du festival, pas toujours le plus évident, à défaut d'offrir un concert mémorable.
Rock'n Solex cuvée 2010 a été une sorte de grand (re)mix. On y a vu de tout. Du mec le plus bourré qui soit aux enfants qui s'éclatent à courir dans tous les sens avant Montgomery parce qu'ils sont filmés par les caméras du festival. C'est une fête un peu plus originale que la moyenne, que chacun vit à sa façon. C'est une sorte d'apéro Facebook, sauf que l'organisation est identifiée, qu'on écoute de la bonne musique globalement, qu'on peut même se restaurer. On y a entendu de tout. Sauf du rock, peut-être. Ce qui n'empêchera pas de surveiller avec curiosité la prochaine édition.
Un très grand merci tout particulier à Étienne pour les photos.