Qui aurait pu croire, au jour de la toute première édition de ce festival paumé dans une petite bourgade au milieu de la Bretagne (Rohan, soyons précis), que tout ça tiendrait encore 13 éditions de plus ? Motivation, acharnement et passion, ce sont les maitres mots de l'équipe de Roc'han Feu, qui remet le couvert pour la 14ème fois, avec toujours cet enthousiasme et cette envie de pérenniser un évènement crédible et humain de musique alternative dans cette région. Il y a pourtant eu des raisons de lâcher l'affaire, la plus grosse étant une édition 2007 très compliquée, plombée par une météo désastreuse et ayant mis en doute les jours même de la structure d'organisation. Retour à un évènement d'un unique jour (avec tout de même un vendredi aussi gratuit que sympatoche, avec Micronologie cette année entre autres), mais esprit intact : c'est avec de bonnes raisons d'espérer un bon moment que nous nous sommes rendus sur les lieux du délit. Verdict.
Emily Loizeau
Premier constat : on peut dire que la prog a de la gueule. L'éclectisme est visiblement de maitre mot ici, ce qui peut s'avérer risqué dans un évènement sur un seul soir. Arrivée pendant le set de la petite formation Nola's Noise, qui égrène son rock teinté à la fois de punk et de soul à un public qui aura, hélas, jugé bon de rester boire des bières sur le parking. Tant pis pour eux, la formation rennaise tient plus que bien la route, et confirme ce qu'on pouvait penser d'eux. Ca se remplit avec l'arrivée d'Oxmo Puccino, premier gros nom de la soirée. Le rappeur parigot assure très bien son show, mais le public a un peu de mal à démarrer. Dommage, la prestation vaut le coup, Oxmo confirme sans problème les bonnes pensées que les critiques avaient pu avoir à l'égard de son dernier effort, L'Arme De Paix. On l'attendait, la voici. Emily Loizeau en live, ça vaut son pesant de cacahuètes. Tout d'abord, l'artiste est passionnante et a des choses à raconter, et cela se ressent dans sa musique comme sans ses allocutions entre les morceaux, toujours très plaisantes (le public aura apprécié). Ensuite, n'en déplaise aux détracteurs saoulés d'entendre "Sister" toute la journée à la radio, musicalement, c'est vraiment très bon. Le joli minois de l'ex-théâtreuse reconvertie avec talent à la chanson aura donc conquis sans problème, autant que sa musique et son aura.
Rachid Taha
On ne peut en dire autant du show de Rachid Taha. L'homme n'a jamais eu une réputation très bonne en ce qui concerne la capacité à assurer ses dates d'une façon professionnelle et clean, mais là, on assiste à un set qui, s'il n'est pas mauvais en soi, s'avère globalement inintéressant. Le backing-band, de très bonne qualité, se voit affubler par la force des choses le rôle principal, les musiciens allant jusqu'à chanter tous les refrains, le boss ayant visiblement mieux à faire que d'assurer une prestation correcte. Le public montrera son approbation sans pour autant se montrer complètement dupe, au vu des commentaires éparses entendu après la fin du concert. Beaucoup semblent également s'être déplacés pour Sporto Kantès, surement après avoir été conquis par la puissance tubesque de "Whistle", qui tourne également pas mal sur les ondes. Et, bien que le duo se montre parfaitement ingérable en conférence de presse, ce sont des musiciens plutôt pro et « entertainers » qui assureront un show parfois très fun, mais pas tout le temps passionnant. Fin de soirée, l'heure du set electro pour survivants, classique d'un festival. Invité de marque pour une tâche difficile : Roni Size, accompagné par rien de moins que MC Dynamite, voyez plutôt. Une belle affiche qui assurera très bien, et qui aura le bon gout de ne pas rester calé uniquement dans un set de drum n'bass, en se permettant des divagations dubstep et hip-hop salvatrices, tout en n'omettant pas de balancer du lourd comme il faut, of course.
Roni Size
Verdict de la cuvée 2009 : Roc'han feu aura encore une fois réussi à assurer une édition qui tient bien la route, rien à dire. Tous les concerts n'étaient pas excellents, certes, mais l'atmosphère typique de l'évènement était présente, et les gens sont repartis satisfaits de leur soirée. Public, qui, s'il aura été à la hauteur (bien que un peu long à démarrer), n'a pas rempli la jauge, espérons que la structure aura assuré sa pérennité financière tout de même. Que faut-il de plus à Roc'han Feu pour perdurer et devenir un acteur stable et important dans le paysage festivalier breton ? Arriver à fédérer autour d'une cible plus précise, et moins viser à la fois les familles et les fêtards, ou peut-être assurer une programmation moins « dans tous les sens » pour ne pas trop se perdre, qui sait. Équation difficile à trouver, mais avec une motivation comme celle-là, on ne doute pas que l'équipe d'organisation et les bénévoles du festival y arriveront.