Johanna Newsom est un être à part… alors qu’on la croirait tout droit sortie d’un livre de Tolkien avec sa longue chevelure blonde, sa robe de princesse, et sa harpe enchanteresse, la fée du folk US actuel donne dans l’intemporel, tant au niveau de ses compositions que de son paraître. Une attitude délicate et précieuse, une prodigieuse faculté à prendre tout son temps sur scène, une harpe qu’elle chérit comme l’autre partie d’un duo inséparable… Tout dans son univers évoque l’intemporalité, alors on a décidé d’aller se perdre un peu dans le temps avec elle.
Et c’est très vite que l’on se rend compte de ce rapport au temps différent chez cette américaine de 28 ans, harpiste depuis l’âge de sept: dans un 106 en configuration gradins sans fosse, on a aura droit à une démonstration d’accordage de harpe qui durera… 35 minutes. 35 minutes très longues qui suivirent la première partie gentillette donnée par Neal Morgan, batteur de Johanna Newsom et chanteur… les mains dans le dos sur un air de chorale, un grand livre posé devant lui. A ce moment précis, on se rend compte que l’on n’est pas dans une atmosphère de concert Rock, mais bien dans une ambiance feutrée qui ressemble plus à une représentation classique. Mais peu importe le flacon, tant qu’on a l’ivresse… néanmoins, lorsque l’on n’est pas habitué, ça surprend.
Après cette longue séance d’accordage de harpe, sûrement très enrichissante pour les spécialistes de cet instrument, magnifique par ailleurs, la diva du Folk US arrive sur scène accompagnée d’un batteur, un saxophoniste, un guitariste aux multiples casquettes et deux violonistes qui les rejoindront par la suite. L’ambiance est au recueillement pour ces parties de chant folk lyrique, entre répertoire classique et folk dans la pure tradition américaine… la voix, constamment couplée à l’accompagnement de harpe, est le cœur de l’univers musical de Johanna Newsom, un univers presqu’enfantin, poussant à la rêverie (qui a dit au sommeil?), déclinant des textes infinis sans couplet ni refrain, tout étant fondé sur les variations subtiles de la voix enchanteresse de cette belle au bois dormant version 2011. Et elles sont nombreuses ces variations, perdant l’auditeur au sein même de morceaux durant entre dix et quinze minutes, presque sans interruption de chant, autant dire que la préciosité de la belle dans sa préparation est justifiée par ce travail vocal aux limites de l’entendement.
Autour d’elle, un peu de batterie dans le style free-jazz, quelques incursions de cuivre, de belles mélodies de violons, du piano et de la guitare en alternance sur certains passages, mais le tout n’a qu’un second rôle bien derrière la voix et la harpe. Il y aura une petite séquence émotion au bout de deux titres, avec un public souhaitant en chœur l’anniversaire de Mrs Newsom, prévenu par les musiciens lors de la première partie et un rappel ardemment demandé par l’audience rouennaise, principalement féminine et ravie du spectacle offert par la native du Nevada.
C’est un monde tellement particulier et unique, à la fois enchanteur et envoûtant mais aussi parfois lent et ennuyeux, qu’il est tout de même diablement intéressant d’y fourrer sa curiosité. On regrettera un manque d’animation des titres en live, ceux-ci étant assez conformes au rendu de l’album, qu’on vous conseillera pour vos moments d’apaisement et de détente à la maison. Même si l’ennui ou le sommeil vous gagne, vous voyagerez un peu dans cet univers féérique à l’aide de cette voix enfantine brillant de mille feux.