Après cette première journée alléchante, on se demande comment Ben Barbaud va nous combler. Tout commence, une nouvelle fois, sous la Valley avec la prestation hallucinante et hallucinée de Coilguns, side-project de The Ocean (qui joue plus tard ce samedi). Les Suisses débarquent en balançant tout un tas de croissants dans la fosse. Puis, le chanteur principal Louis Jucker prend possession des lieux, passant la majeure partie de la prestation à errer de manière désordonnée et chaotique de la scène à la fosse. Chaotique, c’est bien tout le sens de leur musique enivrante et sauvage, à l’image de leur excellent Millennials, sorti l’an dernier. Le Hellfest aura rarement connu un concert si déjanté dès 10h30. Belle mise en jambe, poursuivie par la performance toute en puissance de Will Haven, venu défendre leur dernier album en date, Muerte. Leur noise-hardcore trouve un bon écho auprès du public qui besoin de se remettre en jambes, avec les courbatures de la veille. Encore plus virulent, le terrible duo Mantar crache ses brûlots de profil à la foule. Déjà présents en 2016, on savait à quoi s’attendre avec ces allemands au sludge qui lorgne sur le black metal, mais il faut dire que leur set a pris une toute autre envergure avec les titres issus de The Modern Art of Setting Ablaze. La première sensation post-rock / post-hardcore viendra de Sumac – composé de membres de Russian Circles, d’Isis et Baptists, dont les compositions vaporeuses nous plongent dans un état second.
The Ocean placera la barre bien plus haut, avec les compositions issues de leur dyptique “Phanerozoic”. Le son massif, la prestance de Loïc Rosseti et une ambiance extatique révèlent un groupe au sommet de son art, comme en témoigne la clôture du show sur “Permian – The Great Dying”. On retiendra surtout la prestation des japonais d’Envy, que l’on avait pas revu sur le festival depuis 2015, et qui va voler la vedette à Cult of Luna. Leur post-rock hypnotique et élégant fait mouche auprès du public. Le groupe apparaît derrière d’épaisses volutes de fumée, et un jeu de lumière magnifique sublime les ambiances entre post-rock et screamo. Le groupe ne joue à 6 que depuis peu, mais l’alchimie est clairement sans faille sur scène. Le retour de Tetsuya Fukagawa au chant fait mouche, avec une énergie incroyable et une réelle incarnation de la musique dans sa façon de bouger sur scène. Tantôt lumineux, parfois plus mélancolique, le sextet aurait pu jouer la carte de la noirceur et de la violence, tant leur répertoire le leur aurait permis, mais Envy a choisi de se démarquer avec une setlist plus proche du post-rock que du screamo que nous connaissions, n’en déplaisent finalement aux fans des premières heures comment des albums récents.
La Valley terminera avec les légendaires Cult of Luna. Après un set mitigé en 2019, le groupe est revenu avec une telle force que quelques viandes saoules s’y sont mépris et ont osé entamer quelques circle pits, dérangeant allègrement les centaines de fans qui restaient bouche bée devant ce show incroyablement puissant et structuré. Côté War Zone, l’ambiance est au psychobilly avec un enchaînement Banane Metalik, The Creepshow, Batmobile, Living End et Mad Sin ! Ces derniers vont mettre le feu avec leur punk furieux et leur bonne humeur. Le public ne s’y trompe pas et reprend en coeur “Nine Lives” et fait rougir les pavés de la War Zone sur “Cursed”. On retrouvera cette même ferveur durant le set des Wampas, avec un public venu encore plus nombreux ! Didier Wampas s’offre une série de bain de foule, multipliant les aller-retour entre la scène et la fosse. Il chante plus faux que jamais, la musique est plus bancale qu’à l’accoutumée. Mais tout le monde s’en fout ! Les Wampas c’est du Rock’N’Roll, les Wampas c’est toutafond. La fosse est particulièrement enragée : rester dans le pit est tout aussi épuisant que réjouissant. Un groupe toujours autant à l’aise dans les plus grands festivals que dans les petites salles, et qui ne laisse jamais indifférent avec son répertoire décalé. Didier Wampas est le roi, un point c’est tout !
Entre temps, Jesse Hughes accompagné d’un nouveau line up d’Eagles of Death Metal, expie ses démons sur la Main Stage. Les classiques du groupe ont le droit à une interprétation bien rodée sur la route depuis quelques mois, “I Only Want You”, “Cherry Cola”, “Wannabe in L.A.”. On se déhanche en coeur sous le soleil ! Les californiens s’offrent même une reprise de Bowie (“Moonage Daydream”). Le Hellfest a permis à une scène française vivace et coriace de s’exprimer pleinement durant le vendredi. Le lendemain, les 2 Main Stages offrent aux festivaliers un après-midi Erasmus avec 2 groupes d’outre-Rhin : Eisbrecher, dont le metal indus rappelle invariablement Rammstein (sans parler pour autant d’ersatz). Et Böhse Onkelz, visiblement très attendu et apprécié par le public germanophone présent en masse dans les premiers rangs, qui chante à tue-tête les classiques d’un hard rock mélodique exaltant. Un tout premier concert en France au parfum d’échange culturel enrichissant.
A partir de 21h, le public afflue massivement pour les têtes d’affiches du jour. On a tout juste le temps de jeter une tête sur le show cheesy de Def Leppard, au moment de “Poor Some Sugar On Me”, avant que ZZ Top entame son concert anniversaire de leurs cinquante ans de carrière. Les deux barbus ont encore de l’énergie à revendre, maîtrisant à la perfection l’art du spectacle. Tout y est : les guitares moumoutes, les pas de danse chaloupés, et les hits ! Difficile de fendre la foule pour rejoindre l’avant-scène si l’on a pas pris ses dispositions, le show de Kiss débute face à une marée humaine sur “Detroit Rock City, le groupe arrivant sur scène depuis les airs. Feu d’artifice, écrans géants, c’est du grand spectacle – que l’on aime ou pas le groupe, Kiss sait sortir l’artillerie lourde ! Le Hellfest 2019 était probablement l’une des dernières dates du groupes en France, actuellement en tournée d’adieu, sobrement intitulé (quand on pense à leur carrière !) “The End of the Road Tour”
Retrouvez notre compte rendu du 3e jour du Hellfest 2019.