Le Hardcore Slavery Tour, tournée organisée par Audiogenic, label majeur du Hardcore français ou Frenchcore, s’est arrêté pour la première date de l’année au Cargö de Caen. C’est à l’occasion de la sortie de la compilation Hardcore Slavery – The Survivors, que les DJs Hardcore de renom tels Radium ou Maissouille, mais aussi des représentants de la scène Techno, sillonnent la France durant quatre mois, transformant salles de concerts de province en dance floors hauts en couleurs. L’étape caennaise était une fois de plus sold out, preuve de l’attachement fort du public français à ce pan extrème de la musique électronique.
Le Cargö, à l’image des nouvelles salles de musiques actuelles, se prête tout particulièrement à la tenue de ce type d’évènement grâce à ses deux salles distinctes, donnant la possibilité aux organisateurs de créer deux ambiances et réunir deux publics différents mais pas incompatibles, les clubbers et teuffeurs de tous horizons. Sorte de post-rave, prolongement des free-parties des années 90 et 2000, où bien des artistes et protagonistes ne trouvent plus leur compte aujourd’hui, le Hardcore Slavery Tour se veut éclectique, preuve s’il en faut de l’ouverture du Hardcore vers les autres styles.
La scène Hardcore proposée est de haut vol: principalement articulée autour du duo Micropoint, composé des DJs Radium et Al Core, fondateurs du Frenchcore (terme qu’utilisèrent les Hollandais férus de hardcore industriel pour décrire ce genre à la française), la soirée propose de découvrir quelques artistes valant le détour: DJ Double, avec un style plus calme que le reste de la meute, mais parfait pour débuter les hostilités, et surtout Maissouille, excellent DJ Freecore, faisant évoluer son style entre Tribe et Frenchcore, efficace et original, qui loin d’être dans l’ombre des géants de Micropoint, a fait passer un excellent moment à la foule, avant l’arrivée de Radium pour son set solo. Moins expériemental qu’autrefois, Radium se consacre aujourd’hui à un retour aux fondamentaux du Hardcore et de la Hardtechno, distillant ses samples cinématographiques sur des nappes saturées à souhait, des kicks acerbes aux relents industriels, et des synthés torturés au possible. Radium ne s’est pas calmé, loin de là, mais propose un style plus efficace et moins barré, avec une maturité énorme dû à son expérience hors du commun qui lui a permis d’imposer son style autant en Free-Party qu’en club.
Il se voit rejoint au bout d’une heure par son compère Alcore pour former le duo le plus excitant de la scène Hardcore française, j’ai nommé Micropoint. En 1999 et 2000, ils offraient aux adeptes des frees de l’époque deux des supports musicaux majeurs du mouvement avec Neurophonie et Anesthésie Internationale, deux albums effarants de brutalité et de groove, repris des centaines de fois tous les week-ends par les Djs français, sorte de BO de l’aventure des Free-Parties et Teknivals, et ce malgré le fait que c’est le monde de la free qui s’est approprié le son de Micropoint et nom l’inverse, les deux DJs ayant plutôt cherché à s’en émanciper. Micropoint est toujours aussi efficace en live, Al Core apportant ses basses lourdes et Radium son sens de la subversion, utilisant l’imaginaire du monde psychédélique pour illustrer ce son sombre mais plus festif qu’auparavant, laissant au placard les errements vers le speedcore qu’a connu le duo dans le passé. Cela fait presque trois ans que Micropoint s’est reformé, et la nécessité de continuer à profiter de ce duo unique dans le paysage electronique français s’impose toujours aujourd’hui.
Côté Techno, on vogue dans un monde diamétralement différent: l’anglais Chris Liberator, et les français Lowkey, Kristofo et Leven proposent une musique hyper orientée dance-floor, avec des BPMs beaucoup plus lents, ravissant les adeptes des clubs et permettant aux demoiselles de se trémousser sur scène aux côtés de leurs DJs promulgués héros d’un soir. Mention spéciale à Chris Liberator, qui avec ses productions pumpy à souhait, propose un son techno puissant avec de larges nappes envoutantes pour un set attractif et agréable. Le set du bourguignon Lowkey a aussi marqué les esprits, entre breakbeat et electro, digne héritier de Laurent Garnier, qui connait la recette pour faire monter un public de club déjà au septième ciel.
Au final, une excellente soirée dans un endroit qui s’y prète vraiment bien: cette étape du Hardcore Slavery Tour a été un franc succès, en majeure partie dûe au savoir-faire des organisateurs d’Audiogenic, rôdés à l’exercice depuis de nombreuses années et de la qualité de la scène tecno/hardtechno/hardcore française, qui est toujours singulière de ses voisins européens, mais qui trace sa route de manière originale, continuant d’ériger haut le drapeau Hardcore, n’en déplaise à ses détracteurs, qui s’ils limitent ce style au monde de la free-party démontrent qu’ils ne l’ont au final jamais compris. Le Frenchcore se porte bien, et c’est tant mieux.