Le mois dernier se tenait à Laval en Mayenne, le festival des 3 Éléphants. Un festival généraliste ? Non. Éclectique est le terme le plus adéquat pour cette programmation de qualité, ouverte et sans préjugés. On a fait une petite sélection, on vous raconte ?
Vendredi 25 mai
Départ embouteillé en sortant de Nantes, direction le festival, on loupe forcément les débuts des festivités. On arrive quand même à voir les dernières minutes de HMLTD, qui nous ont parues complètement WTF, sans ligne directrice à part rendre ou être fou. Du punk, du glam, du rock, du breakcore/dubstep, on a réussi à voir tout cela en l’espace de quelques clignements d’yeux. La prochaine fois, on essaiera de les voir plus longtemps histoire de vous dire quelque chose de plus consistant…
C’est pas grave, le temps d’aller attraper une bonne bière du Bouffay (ce qui nous a vraiment dépaysé de Nantes…), on va voir les Birds In Row, en pensant être tranquillou devant. Eh bien non, la formation lavaloise a fait mouche devant un grand nombre d’avertis, d’amateurs, de curieux et de fans, tous mélangés les un aux autres pour s’adonner à de joyeux mouvements de têtes, de bras, de jambes et autres parties improbables du corps (rien d’anti-chrétien, on vous rassure). Les Birds In Row, avec leur post-hardcore tranché à vif et mélancolique, ont piquer la curiosité d’un bon nombre de jeunes et de moins jeunes, partis découvrir sans aprioris et avec beaucoup de sincérité un style musical pointilleux, malgré les défauts de sonos sur le moment. Avec un show au poil et toujours aussi énergique, les Birds In Row ont permis de montrer que le public était tout aussi ouvert que la programmation du festival : prêt à tout.
Restons dans la saturation et le haut volume et partons voir tout de suite les Chicagoans de Russian Circles. Là aussi, un placement que je pensais difficile sur la programmation. Mêler metal et en quelques sortes, « musiques plus populaires » présente toujours une petite part de risque. Alors programmer des gars comme ça, qui n’ont pas de chanteur et font dans l’atmosphérique, ce n’est pas forcément ce qu’il y aurait de plus spontané. Mais encore une fois, rien à foutre. Il y avait du monde, oh ça oui, et il y en avait des grosses guitares, lourdes, sèches ou grasses (selon les pistes !). Avec un lightshow brumeux et très travaillé, les Russian Circles hypnotisent grâce à une setlist diablement efficace, mélangeant les plus grands albums dans un enchainement parfaitement maitrisé pour capter les regards aux premiers instants, jusqu’à en ne plus pouvoir en sortir avant la fin du concert.
Après, on s’est dit qu’il était peut-être temps de lâcher les univers sombres pour s’intéresser de plus près à Hyphen Hyphen. Nous ne le cacherons pas plus que cela, si le dernier album en date, HH, bénéficie d’une excellente popularité et d’une production très agréable, ce n’était pas avant de venir notre tasse de thé. Néanmoins, on teste. Quelques minutes, ou un peu plus, mais ça ne prend pas. Si on reconnaît sans retenue le très bon jeu de scène de Samanta et l’énergie globale du groupe, on ne retiendra malheureusement que la platitude et l’absence de proposition réelle pour entrer dans l’histoire de la musique, si ce n’est celle du divertissement.
Alors, on est pas resté et on est allé voir France. Pardon, « voir » n’est pas le terme le plus adapté. Comprenez : France fait du drone, sur la base d’un trio incorporant notamment une basse et une batterie. Jusque-là, pas de problème. Le troisième musicien lui, a troqué l’usuelle guitare contre une vielle à roue. Là, on se questionne. Au début, on observe, on analyse, on est sceptique. Et puis non, on se laisse prendre au jeu, à cet incessant vampirisme, à ce spectacle introspectif, à cette énigme dans l’espace-temps qui font de cette prestation musicale, un moment de connexion et de déconnexion spirituelle. Bravo.
La semaine lourde et la fatigue des embouteillages nous empêchera de continuer l’expérience plus longtemps ce soir-là. Sur le chemin, on peine à digérer notre départ en sachant que Maestro et Vitalic ne nous attendront pas pour faire danser les survivants.
Samedi 26 mai
Bien reposés et après une grosse attente mais surtout quelques frayeurs dues aux terribles orages qui ont abattu la Mayenne ce jour-là, on retrouve le site à temps pour Clap Your Hands Say Yeah. Un groupe que nous appréhendions, n’ayant pas ou peu suivi leur actualité depuis leur petite explosion de popularité il y a de cela une dizaine d’années. Finalement, nos doutes se sont plutôt envolés, mais nous n’avions pas pu tout regarder, voulant se placer pour Roméo Elvis, pour la science. Amateur, à mes heures perdues) de hip hop et de rap plutôt US 90’s à base de son cuivrés ou de rap alternatif, je viens chercher un peu de fraîcheur et de nouveauté. Roméo pioche parfois dans ce dernier, avec son phrasé coulant et pré-chanté à base de second degré (c’était pour ça le circle pit raté ?) et garantit sur scène une super ambiance. En revanche, la richesse et la finesse musicale proposée sur album s’envole malheureusement sur les planches au profit d’une instru plus neutre, un peu tape-à-l’œil, donc moins personnelle. Une expérience, pour les néophytes avertis, un peu décevante mais qui invite à aller un peu plus loin avec le bonhomme une fois de retour chez soi.
En parallèle se produisait Cabaret Contemporain sur la petite scène du Club Grand Géant. Un quintet de musiciens passionnés qui composent et font visiter diverses influences electro avec leurs instruments traditionnels, aidés par quelques machines (analogiques) ici et là. Un rendu épatant, tant il arrive à nous faire revisiter les lieux communs du monde électro tout en nous faisant voyager dans un univers complet, réfléchi et poétique sans oublier de savoir faire danser. C’est un peu la croisée de projets comme Wintergarten et de Rone (dont on parlera évidemment ici). Des musiciens impeccables, en somme.
Ensuite, c’est par une découverte totalement surprenante que nous allons voir Tshegue. Il y a bien longtemps que nous n’avions pas été littéralement transcendé par une musique tribale aussi endiablé, malgré notre appétence première pour les musiques à base de distorsions et de guitares (au moins légèrement) saturées. Le duo se lance dans un délire afropunk ensorcelé, fruit d’un métissage d’impulsions rock et electro sans oublier les sonorités et le chants tribales de Faty Sy Savanet. Une explosion de rythmiques entêtantes au service d’une incroyable ambiance entièrement en joue à remuer pieds, mains, bras, têtes et toutes autres parties du corps. Un véritable exutoire à la limite du passionnel.
Impossible pour continuer sur cette lancée de ne pas aller voir ce qui se trame çà l’Arène avec Rone. Toujours éclatant de bonne humeur et d’inventivité, Erwan pose un décor urbain directement repris sur la pochette de son album Mirapolis (elle-même réalisée par Michel Gondry), animé de jeux de lumières, logiquement en parfaite adéquation avec les mille et unes ambiances qu’il nous fera traverser, aussi bien sur les récents ou moins récents titres. Rone nous a toujours plu à la rédaction, cette prestation n’aura été qu’une re-re-re-re-re-re confirmation qu’il a bel et bien sa place parmi les plus grands artistes electro, dont ceux qui ne se reposeront jamais sur leurs lauriers.
Enfin, on terminera notre voyage avec The Legendary Tigerman. Tout de blanc vêtu et ses airs d’Elvis des temps modernes, Paulo Furtado et sa bande se retrouvent quelque part coincés dans une énorme bulle rock entre deux sets electro (Rone et Molécule) et amèneront, malgré eux, à diviser le public. Celui qui a encore assez d’énergie pour s’immiscer dans les toiles vivantes de leur rock vivement teinté de blues, et ceux qui se remettent encore de leurs émotions passées avec Rone. Il faut dire que malgré les qualités scéniques du groupe – bien qu’un poil plus de cohésion, autre que musicale, aurait été visuellement agréable – la profondeur et la chaleur des compositions conceptuelles du groupe a dû, à cette heure-là, effrayé plus d’un. Mais ça n’empêche pas le public de suivre avec intérêt et amour le set du multi-instrumentiste portugais et sa bande finira par trouver, à raison, le succès mérité.
Crédits photos : Rod Maurice – Maxime Jouin – Alexis Janicot – Gaëlle Évellin