Evénement phare de la culture en Bretagne, le festival Art Rock, qui s’est déroulé dans le centre-ville de Saint-Brieuc du 9 au 12 juin 2011, a offert une belle affiche pour cette 28ème édition. Fort d’une programmation éclectique (mais à majorité rock néanmoins) et d’une bonne représentation de tous les arts existants, Art Rock nous a ouvert ses portes.
Vendredi 10 juin
La soirée sur la scène principale, inaugurée par la talentueuse Hindi Zahra, a donc commencé avec Staff Benda Bilili pour Vacarm. Ce groupe congolais crée un sacré effet de surprise pendant les premières secondes de leur set. En effet, les dix musiciens sont soit en fauteuil roulant, soit maintenus par des béquilles. Tout cela faute à la poliomyélite qui sévit toujours durement au Congo. Et c’est une déferlante d’énergie et d’enthousiasme qui émane de ces personnages. En l’espace de quelques minutes, le public est complètement conquis et le sourire rayonnant sur le visage des musiciens ne trompe pas : l’accueil briochin aura répondu à toutes leurs attentes.
The Jon Spencer Blues Explosion a ensuite pris la relève. Le trio new-yorkais, fort de ses vingt années de carrière affiche son ambition dès le début : offrir un pur moment de rock’n’roll à Saint-Brieuc.
Malheureusement, lors du premier tiers du set, la mayonnaise a du mal à prendre, le public ne suit pas. Le groupe sort alors les grands moyens à renfort de hurlements sauvages et de guitares saturées. Tellement saturées d’ailleurs que leur concert frôlera la limite du supportable pour les oreilles des spectateurs, même des plus aguerris, gâchant ainsi le potentiel du groupe.
A la fin du set de The Jon Spencer Blues Explosion, la foule se masse alors vers la scène. Pas la peine d’être devin pour se rendre compte que la plupart des spectateurs est là pour eux, The Hives. Le public s’impatiente, fait la fête à la moindre personne du staff, tout de noir vêtue et habillée en ninja, qui traverse la scène. L’atmosphère électrique laisse présager un concert détonnant, d’autant plus que c’est la première date de la nouvelle tournée des Suédois et le test ultime pour leur nouveau show. Un honneur accordé à Art Rock dont le public rendra la pareille à merveille par la suite.
A l’apparition des musiciens affublés d’une veste en queue-de-pie, d’une chemise blanche et d’un chapeau haut-de-forme, la folie semble s’emparer des spectateurs. The Hives commence alors son set en hurlant leurs poumons ce qui excitera les quelques milliers de festivaliers. Le groupe, connu pour ses performances scéniques, est toujours fidèle à lui-même, frôlant la prétention indécente à chaque provocation du chanteur Howlin’ Pelle Almqvist qui scande à qui veut l’entendre « I’m the best » et qui se fait une joie de s’encenser lui-même. Une preuve de génie puisque, devant la perfection et le sans-faute de leur prestation, on en vient presque à se dire que cette prétention dangereuse serait justifiée même si elle était réelle et non pas une partie de leur spectacle. Durant son set, The Hives offrira ses titres les plus connus comme « Try It Again », « Walk Idiot Walk » et « Main Offender ». L’apothéose aura lieu à la fin de leur concert avec « Tick Tick Boom » qui déchaînera purement et simplement le public. Autre cadeau : une chanson inédite de leur prochain album et décrite par Howlin’ Pelle Almqvist comme nouvelle « but it’s fucking good ! » (et il a raison).
Le lendemain, c’est à Lilly Wood And The Prick qu’on laisse la dure tâche d’ouvrir la soirée sur la scène principale. Le groupe surprendra alors par les progrès qu’il a fait depuis la sortie de son premier album il y a plus d’un an. Oubliée la Nili Hadida toute en réserve et en douceur et étonnée par l’engouement du public, c’est une jeune femme sure d’elle et pleine d’énergie communicative qui est sur scène. Après un an de tournée et une Victoire de la Musique, Lilly Wood And The Prick réussira à enchanter le public dès « Hey it’s OK » qui entame leur set. C’est donc des spectateurs conquis qui mettront l’ambiance au son de « No no (Kids) », « Water Ran », « This Is A Love Song » ou encore d’un titre inédit qui promet un prochain album bourré de talent. Pari réussi pour les musiciens, c’est une sacrée ouverture de soirée qu’ils nous ont offert.
Après le show envoûtant de Yann Tiersen (photo ci-dessus), c’est Aloe Blacc qui enchaîne en mettant d’emblée l’ambiance avec son tube « I Need A Dollar ». Le chanteur passera ensuite au crible tous les titres de son dernier album solo Good Things en se trémoussant sur scène, de quoi affoler les plus ferventes admiratrices de son public.
Pendant que Cali et AaRON concluent le show sur la scène principale, c’est du côté des Raveonettes, dans l’espace de La Passerelle, que Vacarm est allé fourrer son nez.
Et c’est une salle comble qui attendait avec impatience le groupe danois, qui compte, entre autres, Jean-Michel Boinet, directeur du festival, et Lilly Wood & The Prick parmi ses admirateurs. Pari également réussi pour les Raveonettes qui ont simplement triomphés ce soir-là.
Dimanche 12 juin
Le dimanche verra son ouverture faîte par Julian Marley, fils de Bob. C’est un public curieux qui s’est massé devant la scène pour découvrir l’artiste. Après ce concert impeccable, ponctué par moult reprises de son père, c’est Anna Calvi qui prend place. Avec des chansons live très proches de son premier album éponyme, la discrète chanteuse à belle voix aura satisfait ses fans.
Enfin, pour clôturer le festival de la manière la plus rock qu’il soit, Art Rock ne pouvait rêver mieux que Bryan Ferry, icône de Roxy Music, et les anglais des Klaxons qui laisseront un bon souvenir.
Si les artistes ont séduit les oreilles des spectateurs, l’exposition d’arts numériques fut, une fois de plus, une réussite. Les spectateurs auront pu y découvrir les dernières innovations technologiques artistiques au niveau mondial. Le tout avec une mention spéciale pour « Enigmatica III » de l’autrichien Kit Webster dont les jeux de lumière sur sculptures en auront hypnotisés plus d’un.
Autre animation qui vaut le détour : les rock’n’toques qui permettent aux restaurateurs de Saint-Brieuc et de ses alentours de proposer aux festivaliers des menus plus rock’n’roll les uns que les autres à un prix modique.
Enfin, impossible de ne pas parler des concerts des musiciens du métro de Paris qui se sont tous relayés pour offrir des concerts aux spectateurs sous un chapiteau au cœur de la ville. Ce petit clin d’œil au costarmoricain Fulgence Bienvenüe, fondateur du métro parisien, aura permis de découvrir des musiciens pleins de talent.
Cette 28ème édition d’Art Rock peut donc se targuer d’avoir proposé une belle programmation rock cette année. L’événement fort du week-end restera la performance scénique et musicale époustouflante et complètement déjantée de The Hives. Cette nouvelle édition de l’événement briochin a également réservé de bonnes surprises avec des groupes comme Staff Benda Bilili ou Filewile.
Une réussite néanmoins nuancée par une diminution de la fréquentation du festival cette année. Pour son directeur, Jean-Michel Boinet, « la pluie a été très dommageable », et le fait que « les adolescents passent leur bac dès jeudi et que les étudiants soient déjà tous partis de la ville pour la plupart » expliquent ces quelques 3000 spectateurs de moins que l’édition précédente, sans compter que le festival normand Papillons de Nuit tombait le même week-end. Un festival à nuancer également par un réglage son complètement démesuré qui a dû laisser des séquelles à bien plus d’un tympan et gâcher le plaisir d’écoute de certains.
Cette 28ème page étant tournée, les spéculations pour l’édition de 2012 commencent déjà à aller bon train. Mais il faut faire preuve de patience avant de pouvoir inviter les artistes que tout le monde attend: Jean-Michel Boinet nous a indiqué qu’il rêvait de programmer Bryan Ferry depuis 1982…
Un grand merci à Mégane Chêne pour les photos et sa collaboration.