Pour ceux qui lisent ces lignes et qui ont déjà eu leurs 20 ans, vous vous rappelez forcément des paroles de mamie Josiane, qui vous a bien expliqué que c'était le bel âge, mais aussi l'âge de raison, et que bon, maintenant, finie la déconne. Au Pont du Rock, bizarrement, on a pas forcément envie de s'assagir, mais plutôt de se dire que 20 ans, c'est surtout l'occase d'une bonne fiesta. Au fil des éditions, le festival morbihannais a su proposer des programmations d'exception, et fédérer un public fidèle, qui lui taillera une réputation solide et méritée. A l'affiche ce coup-ci, du punk old-school, du reggae, du trip-hop, bref, un anniversaire qui ose les mélanges qui, à première vue, peuvent sembler risqués. Allons jeter un oeil dans la fosse pour voir ce qu'il en est.
Vendredi 24 Juillet, premier soir. Quand on jette un oeil au lineup de la soirée, on se retrouve aussi enthousiaste qu'interloqué. Deux énormes pointures en matière de vieille garde punk, un joyeux bordel rock alternatif français, il ne fait pas bon être hippie pour cette première journée de festivités. On remarque aisément que le public arbore un poil plus de crêtes, de blousons de cuir, de piercings et de cheveux blanc potentiels, les punks authentiques sont bien là, pour attraper au vol la chance de voir les légendes que sont les Toy Dolls et les Buzzcocks sur scène en 2009. Mais d'abord, on attaque la soirée avec Mukti, collectif rennais oscillant entre electro dub et hip-hop. La difficile tâche d'ouvrir les festivités, surtout si on prend en compte la différence de teneur entre leurs sonorités et celles qui attendent le public plus tard dans la soirée, est relevée avec efficacité, bien que le public soit encore très clairsemé. Ca se remplit un peu pour Beat Assaillant, remplaçants de marque d'Assassin qui s'est vu contraint d'annuler. Pas facile non plus me direz-vous. Le groupe distille son mélange musical empreint de tout ce que la musique noire peut faire de mieux (hip-hop, soul ou funk), prépare nos esgourdes à la venue du nouvel album à la rentrée, et réussit a faire partiellement passer la déception de l'annulation des vétérans du rap français avec leur enthousiasme habituel. Bien sympathique.
On plonge dans le coeur de la soirée, résolument tourné vers le rock à grosses grattes donc, avec les nantais de Ultra Vomit, qui mobiliseront la jeune partie du public. Objectif Thunes nous avait fait marrer, c'est la même en live. Les débilités sont débitées à la vitesse de leurs morceaux death metal parodiques, tout le monde connait les paroles par coeur, ça ressemble à une grande blague complètement jouissive. Mais attention : chez Ultra Vomit, on raconte des conneries, mais en plus, on fait ça bien, et on sait très bien se débrouiller en matière de jeu de scène comme d'interprétation. Mention spéciale à une magnifique reprise de Calogero façon Gojira (si si, « Calogira », ils ont osé). Place ensuite aux Toy Dolls, qui fêtent cette année les 30 ans de leur formation, rien que ça. Olga, leader charismatique et seul rescapé de la formation d'origine, fera prendre leur pied aux keupons de l'assistance, qui le lui rendent bien en montrant un enthousiasme débordant. Bon, forcément, les tubes sont égrénés à la pelle, que ce soit « Nellie The Elephant » ou encore « My Wife's a psychopath ». Impressionnants de ouache, le groupe donne une bonne leçon de rock aux jeunes festivaliers qui n'ont pas forcément été bercés par le trio durant leur jeunesse. Juste après, peu de temps pour se remettre, on attaque ensuite avec les Buzzcocks. Un tel mythe de la scène punk sur la petite scène du festival, presque un affront, mais les papys n'en ont cure, et le public non plus. Le jeu de scène se fait plus statique, mais le timbre de voix et le jeu incisif, simple et efficace des guitares rappellent combien ce groupe à sa place dans le panthéon du punk. Les titres de leur première période créent forcément plus d'électricité dans le public, mais leur seconde période, la plus longue, est loin d'être boudée, ce qui semble faire plaisir au quatuor, peu avare en dépense d'énergie. Les djeuns, quand à eux, sont un poil moins réceptifs, question d'époque, mais le groupe quitte la scène heureux.
On revient de ce coté ci de la Manche avec Tagada Jones, présentés sur le programme avec le Bal des Enragés. Kézaco ? En gros, le combo rennais se paie le luxe d'inviter la crème de la scène punk et alterno française (entre autres, Lofofora, Punish Yourself, Banane Metalik, pour ne citer qu'eux) pour une grande fiesta punk, accompagné d'un collectif de peintres. En bref, une expérience totale et extrême que nous aurons le plaisir d'apprécier après un set « classique » des Tagada, qui, comme d'hab, jouent à blinde et sans temps mort. Bon, après, c'est toujours un peu pareil, les lignes de chant ont tendance à se ressembler, et on peut presque commencer à s'ennuyer à certains moments. Mais ces derniers ne seront évidemment que de courte durée, parce que bon, ça joue quand même vite et fort. Simple, mais efficace, comme une baffe dans ta gueule, ce set des Tagada, qui présentera plusieurs morceaux de leur nouvel album, marche tout de même relativement bien. Entracte d'un petit quart d'heure le temps de rajouter des instruments sur scène (une deuxième batterie ? Eh ben, ça promet d'être super jazzy…), et on s'y remet aussi sec avec le Bal Des Enragés. Le ton touche autant au vindicatif qu'à la grande manifestation festivo-bordélico-enthousiaste, soutenue par des reprises de grands standards alternatifs français. On retrouve le toujours efficace solo de ponceuse (déjà croisé dans certains sets de Punish Yourself par exemple), produisant d'impressionnantes gerbes d'étincelles, du plus bel effet. Les musiciens se relaient dans la bonne humeur générale, on peut constater le nombre impressionnant de protagonistes participant à ce spectacle inédit. Allez, on vous laisse deviner la reprise finale pour clôturer tout ça… Bérurier Noir ? Dans le mille, et évidemment, le public suit à 100%. Un hommage à la scène alternative française réussi, et charpenté par Tagada Jones, on à qu'un seul mot à dire : respect.
En bref, première journée réussie du point de vue performances, rien à dire. On peut se poser des questions sur les choix artistiques, qui touchaient vraiment uniquement à un style en particulier, avec des têtes d'affiches ancrées dans une époque qui n'est pas forcément celle des habitués du festival, ce qui a pu leur coûter quelques entrées. Mais ceux qui éraient présents, au vu des commentaires et des visages à la fin des concerts, en sont repartis plus que satisfaits. Bon, il est temps d'aller boire quelques bières, mais pas trop, le Pont du Rock, c'est sur deux jours, et le programme du lendemain est aussi chargé qu'intéressant.