Bon, faut bien avouer, Brest, c'est pas la ville la plus motivante pour partir en festival. C'est loin, c'est pas super beau, et il pleut tout le temps. Ça, c'est toujours ce qu'on se dit avant d'avoir mis les pieds, au moins une fois, à Astropolis. Le temps de constater que les allégations météorologiques et architecturales sont partiellement fausses, et, tout simplement, que ce festival est la meilleure grand-messe concernant les tendances électroniques en France. 15 ans au compteur, cela méritait une fête digne de ce nom, sous des auspices les plus cosmiques qui soient. Voyons voir.
Bon, déjà, le truc à la fois génial et frustrant, c'est de pas pouvoir tout voir, tant l'affiche est fournie, que ce soit lors des soirées dans le cœur de la ville ou de la grande soirée finale au manoir de Keroual. En nous excusant pour la non-exhaustivité de nos propos, commençons, avant de plonger dans le coeur de cette soirée mémorable, par évoquer une des soirées de vendredi, que l'auteur de ces lignes aura décidé de passer au Cabaret Vauban, voir jouer un certain Gui Boratto. Liveset im-pec-cable en tous points, le brésilien maîtrisera son sujet, et la foule par la même occasion, à grands coups d'envolées planantes et de digressions deep et minimales. A noter, d'autres grosses soirées, Laurent Garnier et Mondkopf à la salle de la Carène ce même soir, Puppetmastaz aux Jeudis du Port, Riche Hawtin et Troy Pierce… plein d'autres progs vraiment canon auxquelles on n'aura pas assisté, faute de temps et de moyens, mais qui s'avéraient fort gouelyantes.
Place à la soirée finale donc, les hostilités seront entamées avec, tout d'abord, Sexy Sushi, puis DJ Food & DK. Si les premiers savent faire dans le glam-comico-sympatoche, faut avouer que ça casse pas trois pattes à un canard. Par contre la prestation des seconds sera plus que convaincante. Un mix au laptop, mais qui ne perd pas de sensibilité, une setlist très bien sentie, ni trop démonstrative et partant dans tous les sens, ni trop enclavée dans un seul style, on a le droit à un bon gros passage drum n'bass, du dubstep, « Song 2 » de Blur… Le public adhère à 100% et le montre. Le temps de s'éclipser et d'apprécier furtivement la visiblement bonne prestation de The Proxy, et on atterrit devant l'américain Delta 9, qui martyrise les enceintes. Un type comme ça, on sent qu'il sort du conservatoire. Un speedcore/darkcore mixé au micropoil, un régal d'ultra-violence jouissive, même si les oreilles protestent qu'on puisse les mettre à mal de cette façon. Peut être un poil tôt pour ce genre de son ceci dit… Roni Size, que nous avions déjà eu l'occase de voir à Roc'han Feu de cette année, rejoue le même set, toujours aussi efficace en diable, avec un MC Dynamite visiblement plus motivé par une foule plus dense et concernée.
Erol Alkan, suivi de Surkin, le pack « Pour les djeuns qui kiffent le nouveau son electro » du festival. Alkan, même si ça peut pas forcément nous parler de prime abord au niveau style, sert quelque chose de vraiment correct. Les nouveaux morceaux avec Boys Noize seront évidemment joués aussi. Par contre, Pour Surkin, bon… On ne peut pas dire que techniquement, ce n'est pas propre, pour ça y'a rien à dire. Mais le style du set, mi « french touch 2.0 » mi ghetto tech, est mixé à la volée, changement de morceau toutes les deux minutes, coupures pour annoncer ses propres morceaux, et cache assez mal le côté un peu vide et mollasson de la prestation. Dj Drokz, par contre, le premier qui dit que c'est mou, j'aimerais voir sa collec de disques. Parce que niveau bûcheron, le bonhomme en connait un rayon, son mix dark gabber envoie le bois comme il faut.
On passe aux gros noms sur l'affiche. Manu Le Malin, on connaît, suffit juste d'être venu au même endroit en 2008, 2007, 2006… Le DJ qui, vous l'aurez compris, est à 100% résident maintenant, donne dans un hardcore à la fois industriel et sombrissime, le set à un peu du mal à décoller, comme à chaque fois, le gaillard oubliant que plusieurs mélomanes ont déjà craché leur venin avant lui. Mais le cœur du set dégage une puissance atmosphérique d'une telle noirceur qu'il est impossible de rester insensible aux mix, pourtant très violent. Du côté dancefloor, il est temps d'aller constater la véracité d'une légende : Sven Väth est-il encore capable de nous mettre une volée à son âge ? Et bien oui, et visiblement, sans problème. Une leçon de techno avec un grand T, voilà ce à quoi il nous est donné d'assister. Difficile, même si on gratte au plus profond, de retrouver dans sa mémoire le souvenir d'un set aussi bien mixé. On oscille entre deep techno, minimale, empreint d'une élégance sobre à l'allemande, sans chichis ni coups d'éclat, mais juste avec classe. Réflexion faite après coup : placer ce type après Surkin, c'est dur pour le jeune français, qui n'a pas non plus profondément démérité. Mais l'expérience aura fait la différence pour le coup. Un regret : Trop de Sven Väth, trop peu de Kid 606, voire pas du tout. Absorbés par le DJ set du premier, nous ne décollerons que trop tard pour assister aux dislocations soniques en tout genre que pouvait nous promettre le second, même si les échos semblaient très enthousiasmants, cela nous apprendra. Pour changer, Astropolis, édition 2009, ça se résume, un peu comme d'hab, à une superbe affiche éclectique (bien que toujours surtout axée sur les musiques dites « à danser »), une ambiance du tonnerre, une déco digne de l'atmosphère si typique du site, et de la bonne musique, d'abord et surtout. Et ce public, toujours aussi admirable de tolérance et d'ouverture d'esprit, quoi qu'on puisse en dire. Le rendez-vous est donné en 2010.
Photos : Pencilkz.