Trails est le nouvel album du groupe de heavy-gaze/doom/desert rock psychédélique (bref, vous avez pigé le délire) Spirit Mother. Le groupe vient à l’origine de Long Beach, CA, mais il a pas mal bourlingué et, aux dernières nouvelles, il semble établi dans les vastes étendues du Haut désert de l’Oregon. L’album fait suite à Cadets, sorti en 2020, et à un album live, bien accueilli, Live In The Mojave Desert Volume 3, publié en 2021. Il faut croire que le moral n’est en tous cas pas au top : Trails est beaucoup plus sombre que ses prédécesseurs. Mais il est meilleur, selon moi.
Le groupe propose en effet une musique « à l’os ». Tout est bon à prendre pour être efficace et Spirit Mother s’inspire autant du hard rock des années 70, de la folk-rock californienne, du sludge, du space rock que du post-stoner. L’ajout du violon, parcimonieux, de SJ permet de donner parfois une dimension plus folk, mais aussi plus hallucinée à l’ensemble, tandis que la voix gothique et les paroles d’Armand Lance portent l’ensemble avec un vrai sens de la mélodie, et l’efficacité du grunge. Bref, une belle réussite sur le plan artistique, la production de ce chouette opus étant d’ailleurs assurée par Eddie Brnbaic (guitariste de Hippie Death Cult) et Jonny Bell. Eddie s’occupe également de l’enregistrement et Jonny du mastering. Par ailleurs, l’album a été mixé par John McBain (Monster Magnet, Wellwater Conspiracy) et est produit par HEAVY PSYCH SOUNDS.
Après une intro hallucinée (Passage), le groupe tape très fort sur le deuxième morceau du disque. Le titre éponyme, Trails, marque véritablement le début du voyage. Il déploie une énergie envoûtante, mêlant des guitares aux textures granuleuses et une rythmique hypnotique qui nous entraîne inexorablement dans une spirale émotionnelle. Toute personne qui a grandit dans un petit bled, dans une petite ville, une banlieue, se sentira touché… Un très, très bon morceau, qui nous emporte avec son riff entêtant, ses paroles noires et une atmosphère désespérée, que l’on retrouvera tout au long de l’album.
La texture musicale de l’album mute en sludge rock avec les titres particulièrement efficaces que sont Veins et Emerald. La structure de Veins se distingue d’ailleurs par une tension progressive, où les riffs prennent le temps de s’étendre, de croître, jusqu’à atteindre une intensité dramatique. C’est un morceau qui laisse l’auditeur en suspens, captif de ce crescendo habilement orchestré. « Emerald », en revanche, ralentit le rythme et apporte un moment de répit, avec une mélodie qui résonne comme une pause, plus introspective.
Au fil de l’album, Spirit Mother démontre une capacité à manier subtilement les contrastes. « Below » est un exemple frappant, où les moments de douceur se fondent dans des explosions sonores puissantes, avec le violon de SJ,, distordu et lointain, qui emporte. « Tonic » et « Vessel » poursuivent cette exploration avec des arrangements plus cradingues, presque rituels, mais toujours envoûtants. Des petits craquements d’ampli, une reverb aérienne, un riff bien posé : il y a toujours quelque chose d’intéressant à entendre.
L’une des grandes forces de Trails est sa capacité à équilibrer des influences variées tout en conservant une cohérence narrative. « Voyeur » et « Given » sont empreints d’un certain lyrisme, où la voix semble flotter sur des nappes instrumentales, tout en nous guidant vers des territoires plus abstraits. Ce sont des morceaux qui, malgré leur apparente simplicité, cachent une profondeur émotionnelle palpable.
Enfin, l’album se clôt sur « Wolves », une conclusion magistrale. Ce dernier morceau se déploie comme une véritable apothéose, où Spirit Mother pousse l’intensité à son paroxysme. Il résume à lui seul l’esprit de Trails : une œuvre aussi introspective que cathartique, où chaque note, chaque silence, semble pesé avec une précision chirurgicale. La dernière partie de l’album reprend vraiment beaucoup de l’attitude de la scène rock des années 90 avec une esthétique Grunge.
Trails un album qui se vit comme un voyage initiatique dans un ouest aride et gothique. Il a le mérite, aussi, de proposer quelque chose de plus riche, parce que plus ouvert, que beaucoup du tout-venant stoner du moment. Bref : une belle découverte.
Tracklist :
01. Passage
02. Trails
03. Veins
04. Emerald
05. Below
06. Tonic
07. Vessel
08. Voyeur
09. Given
10. Wolves