Chronique d’une mort annoncée. AqME aura longtemps tenu bon, malgré les changements de line-up ou les inévitables événements de la vie. La page se tourne, mais non sans panache. Actuellement engagé dans sa tournée d’adieu, le groupe balance à la surprise générale un neuvième album sous le nom de Requiem. L’ensemble a été composé et enregistré dans un bouillonnement créatif quasi spontané, motivé par le souhait de laisser une ultime trace discographique qui a de la gueule. Avec neuf titres pour une quarantaine de minutes, le disque sonne comme un instantané de cette fin de parcours : un concentré de rock sombre et entêtant, traversé de récurrents et beaux rayons de soleil.
A l’origine pensé sous la forme d’un EP renfermant les ultimes morceaux écrits avant l’annonce du split, Requiem aura finalement évolué vers un full-length dans l’urgence la plus totale. Un choix couillu qui contraint le groupe à bosser sans véritable recul ni avis extérieur – Étienne Sarthou assure une nouvelle fois la production –, mais qui offre à l’ensemble une authenticité inédite. AqME livre ici son testament avec cœur, et inscrit son ultime disque dans la directe continuité de son album éponyme. Les musiciens ont résolument changé d’approche avec l’arrivée de Vincent Peignart-Mancini, muant du metal désespéré de Épithète, Dominion, Épitaphe – dernier disque enregistré que Thomas, leur ex-chanteur – à un rock plus contrasté, écorché mais plus emprunt à lorgner vers la luminosité. Si Requiem n’est en ce sens pas le disque le plus complexe du groupe, il est peut-être l’un de ses mieux équilibrés. AqME y affiche presque une certaine sérénité, naviguant sans jamais se forcer entre tirades lourdes et passages apaisés – « Paradis », « Requiem » -. Le disque offre un large panel d’ambiances et de rythmiques, mariant avec classe les mélodies ultra-travaillées aux bourrades soutenues, plus rares que par le passé mais toujours efficaces. Le tout avec un sens assez redoutables du refrain qui tape méchamment – « Enfer », le gros hit de la galette -.
Vincent Peignart-Mancini habite les compos avec une maîtrise qu’il aurait été difficile d’envisager lors de son intégration. Hurleur talentueux initialement moins à l’aise sur le chant clair – l’EP Les Sentiers de l’Aube, son premier enregistrement, restait très avare en la matière -, le frontman a su en l’espace de trois disques développer son spectre vocal. Ce dernier s’éclate ici en signant un chapelet d’envolées redoutables posées sur des instrus qui lui laissent souvent la part belle – « Un adieu », « Paradis » -. Contraint de préparer ses textes en quelques semaines, le chanteur en profite pour signer un quasi-concept album tourné autour de la notion de mort et d’après. Le tout avec une belle aisance d’écriture, et surtout une sincérité débordante. Chapeau bas.
Requiem n’a rien d’une grosse surprise – du moins en ce qui concerne le fond – tant il se profile en petit frère légitime de l’album éponyme. AqME fait ici preuve de son savoir-faire habituel et gonfle à bloc l’aspect crève-cœur de ses compos. Le travail des musiciens, désireux de livrer un cadeau de départ maousse-costaud à ceux qui sont encore là après vingt années bien chargées, force le respect. Loin de se présenter en compilation de chutes de l’éponyme ou de compos torchées à la va-vite, Requiem est un pur disque d’AqME, puissant et forcément bourré d’émotions. Bonne route à eux.
Tracklist :
- Entre les mains
- Enfer
- Un adieu
- Illusion
- Paradis
- Sous d’autres cieux
- Requiem
- Un autre signe
- Sans oublier