West Coast, LA : c'est de là que nous vient Rhum For Pauline. Miami, c'est la ville rêvée à l'autre bout des Etats-Unis, ce bout de paradis qui est sensiblement pareil, mis à part qu'il se trouve ailleurs. La grande différence est que pour y accéder, il faut voyager, parcourir 2731 miles : par train, par avion, voire mieux encore par la route. Sur la Route, comme l'a écrit Jack Kerouac, donnant corps alors à la mythologie du « road-trip » et à la Beat Generation, dès 1957. Voilà tout que ce qu'évoque également le simple titre de ce premier EP de Rhum For Pauline, soit un programme alléchant et haletant. En route.
Le départ de ce voyage, personne ne saura jamais comment il a lieu. Comment la décision a-t-elle été prise ? Pourquoi ? Peu importe. Car cela démarre à tout berzingue avec « Walker's Lament », sur l'autoroute déjà, dans une direction presque aléatoire. La seule certitude donnée est le point d'arrivée : Miami. Quelle exaltation de voir le paysage défiler, de dépasser les voitures, de croiser éphémèrement quelques visages au gré de sa motivation. Par chance, ils sont quatre à voyager chez Rhum For Pauline. Certains peuvent profiter de la meilleure position pour observer, calmement, le paysage qui défile depuis la banquette arrière, tandis que d'autres discutent à l'avant et écoutent des chansons pour passer le temps, quand ils ne jouent pas à compter le nombre de voitures qui se trouvent devant.
Parfois, l'ambiance du voyage donne envie de composer quelques accords, d'y planter des paroles et de reconstruire ainsi le décor. Cependant, cet EP est, le plus souvent, non la rencontre avec les États-Unis, mais avec les Américains. Sur « Sex With Chicken » en particulier, l'impression est d'avoir fait une pause dans un vieux rade pour routiers, histoire de manger un bout avant de reprendre la route. C'est alors que pourrait avoir lieu la rencontre la plus bizarroïde du voyage, celle d'un auto-stoppeur qui raconte des histoires invraisemblables mais avec le plus grand sérieux du monde. Généralement, ce sont ainsi de courtes histoires qui semblent être la motivation du groupe (« Louise Brook's Lover », « Boyshake Lady »…)
Cela sème un peu le doute au niveau de la chronologie de ce qui est raconté par Rhum For Pauline. L'objet fait l'effet d'une sorte d'un assemblement dans le désordre d'anecdotes, qui rend confus l'enchaînement des morceaux. Rhum For Pauline reconstitue ainsi un mythe et met en perspective son EP. Autrement dit, il ne s'agit certainement pas d'un voyage en soi, linéaire, mais bien le récit du voyage. Les détails s'arrêtent quand ils veulent, et inversement. On est parfois du côté de la Louisiane (« On A Dead Horse ») et plus tard dans un désert de l'autre côté de la frontière (« Jane and the mariachis »). On se retrouve alors en pleine perte, à deux doigts de perdre ses esprits, au milieu d'une grande étendue mexicaine.
Dès lors, en arrivant à Miami (car on arrive, pas d'inquiétudes à avoir à ce propos), il n'y a pas plus de certitudes qu'avant le départ. Qu'est-ce qu'a apporté ce road-trip à travers plusieurs milliers de kilomètres ? Des rencontres, des souvenirs, des anecdotes, des sons. De la musique. Un enrichissement. Miami est un hommage, une ode à la griserie des mondes nouveaux, des grands espaces, de la découverte. Et si cet EP fonctionne aussi bien, c'est qu'il rafraîchit tout ce qu'il touche. Il pioche des éléments ici et là, en étant américain dans l'esprit et la musique, mais sans jamais délaisser ce que les jeunes membres du groupe doivent connaître : l'exaltation du voyage. En d'autres termes, Rhum For Pauline laisse béat.
.: Tracklist :.
01. Walker's Lament
02. On A Dead Horse
03. Good Player In A Wrong Game
04. Sex With Chicken
05. Louise Brook's Lover
06. Jane And The Mariachis
07. Boyshake Lady