Il n'y a pas si longtemps, quelqu'un me disait cette chose formidable : « Il y a un qualificatif que tu peux utiliser à tort et à travers, il fonctionnera toujours : espiègle ». Espiègle serait le mot passe-partout par excellence ? Le plus drôle est évidemment de vérifier ensuite. Bien entendu, n'importe quel interlocuteur confirme. « Oui, oui, on peut dire ça de Bel-Ami… ». Alors, pourquoi pas, je prends le pari que la musique d'Old Blind Mole Orchestra l'est tout autant.
Revenons aux sources avec une définition classique : espiègle, adj., vif et malicieux, sans mauvaises intentions. Cet adjectif fait également référence aux aventures de Till l'Espiègle, récit populaire allemand, dont le nom en langue original est composé des termes chouette et miroir… ou selon une autre variante étymologique qui apparaît chez Wikipedia pourrait signifier « je t'emmerde ». Bref, même dans l'histoire du mot il y a quelque chose d'un peu étrange fait pour nous perturber.
Pourquoi pourrait-on dire ça du Old Blind Mole Orkestra ? De ce sage groupe venu d'Angoulême, quise présente sur son site internet comme un groupe qu'il faut « écouter [pour] faire repousser les cheveux aux chauves et rendre la vue aux aveugles. Pour les sourds par contre, leur pouvoir est fort limité. » Déjà, ils ont de l'humour. Il y a même un soupçon de malice et d'audace dans une telle présentation. Surtout, on retrouve les deux parties essentielles de l'adjectif dans la musique, à savoir par l'attitude (vivacité) et les paroles (malice).
Au vue de la formation, on pourrait quand même croire à un énième groupe de nouvelle chanson française sympathique et sans acidité aucune. Que nenni. L'album a beau commencer par un « 1, 2, 3, 4 », l'anglais est de mise ensuite. Et tout l'audace est dans cette distorsion. Finalement, l'appui sur cette langue permet de diffuser en douceur le côté trash des paroles ; quitte à effacer un peu l'effet second degré. Exemple parmi tant d'autres : « mets-toi les doigts dans les yeux, tu n'es pas encore assez aveugle. » Si on frôle parfois l'enfance (le marchand de sable, halloween, les vampires), on est rapidement rappelé à l'ordre. Certains thèmes sont bien trop ceux des grandes personnes : musique d'enterrement (pour un des meilleurs morceaux), croyance en Dieu ou non…
Pour ce qui est du premier élément susnommé, l'orchestre se caractérise d'entrée avec une voix particulièrement grave mais entraînante. L'accompagnement mélange les instruments dans un barnum qui pourrait paraître insensé mais qui se révèle habile. Ils n'hésitent pas à utiliser dans le même morceau (« Blood Sucker ») un ukulélé, qui ouvre même le morceau, puis un piano et une scie musicale proprement lugubres.. puis exactement la même chose pour un effet inverse sur « Aloha Halloween ».
En fait, on traverse au fil de l'album plein d'univers très différents les uns des autres. Il s'agit presque d'un conte en 13 chapitres fait par et pour de grands enfants un peu désabusés face à leur monde. Mais étant aveugles, ne pouvant alors écrire, ils chantent… Ils font de la poésie, créent de la littérature orale. Et par conséquent, les voilà en pleine utilisation de l'espièglerie. Preuve encore que le terme fonctionne. Preuve surtout qu'une belle oeuvre doit mélanger la distance et l'attachement, l'humour et le sérieux. Et qu'Old Blind Mole Orchestra fait partie de cette catégorie, tant son équilibre est judicieusement maintenu.
.: Tracklist :.
01. Moles
02. Monkey
03. Lalala
04. Atheist
05. Pink Elephant
06. Sandman
07. Blood Sucker
08. Aloha Halloween
09. Djangolélé
10. Save The World
11. Donkey
12. Your Funeral
13. Mermaid