Quand on découvre l'album d'Emily B. Green, on ne sait pas encore dans quelle aventure on s'engage réellement. Le titre est très prometteur, faisant songer à un univers à mi-chemin entre un monde poétique, comme le laisse croire également les enluminures de la pochette, et un retour dans les douces heures psychédéliques de décennies un peu lointaines aujourd'hui. D'ailleurs, Emily présente son projet comme une « revisite [d'une] légende de noël anglo-saxonne ». On penche clairement vers le premier point et le résultat est fidèle à cette attente.
Emily s'amuse à donner un cadre très baroque à sa légende, ou plus exactement à son conte. Les angles sont multiples, quelques effets d'exagération ou de mise en scène parsèment les mélodies. Elle se montre ici comme une adepte de la rondeur musicale, des effets de miroir, refusant la ligne droite du couplet-refrain. En un mot, Sugar Plum Visions… And Other Hallucinations est un refus du classicisme.
Dès lors, aucune chanson ne peut ressembler tout à fait à l'autre. L'œuvre est radicale de ce point de vue. Les ambiances doivent évoluer avec le temps. On entre par un grand moment de pop, où le piano peut laisser libre cours à sa virtuosité, et on ressort sur une impression plus rock avec « There's A Place ». Entre temps, Emily part dans des milieux jazzy (« Snow ») ou circule au milieu de la nuit en nous faisant partager ses rencontres inattendues (« A Place Of Mine »).
Mais que voit donc Emily B. Green dans ses « hallucinations vertigineuses » ? Que raconte-t-elle ? Elle tente sans cesse de le dire à son auditeur, avec des intonations plus fragiles les unes que les autres, au sens où elles sont perçantes, où elles font sentir leur sens profond. Elle l'entraîne dans un cadre totalement onirique. Finalement, celui-ci ne sait plus vraiment où il est. C'est étrange, intriguant, confus. Cela l'est presque plus encore lorsque le chant est en français. Le morceau devient plus attachant, compréhensible, mais pas non plus explicite. Onirique, c'est tout à fait cela : sans rien de précis, mais avec des images et un sens de l'émotion évidents.
Emily B. Green se présente ici sous un jour qui la fait ressembler un peu à la grande Joanna Newsom. La voix nasillarde en moins, ce qui ne sera pas pour déplaire à certains, mais avec la même propension à utiliser la musique comme un roman/une nouvelle dans le cas de cet EP. On peut ainsi puiser dans ses hallucinations le chapitre qui nous attire le plus, selon l'envie du moment, papillonner à droite et à gauche. Les jolis chapitres valent souvent plus que les longs discours.
.: Tracklist :.
01. Sweet Addictions
02. Un rien, ma muse, vraiment.
03. A Place Of Mine
04. Gingerbread Lady
05. Snow
06. There's a Place