Soyons francs : la barre était haute. Pour surpasser leur 4ème album, The Sufferer and the Witness, sorti en juillet 2006, les chicagoans de Rise Against allaient avoir du pain sur la planche. Depuis The Unravelling (2001) et surtout le brûlot punk-rock Revolutions Per Minute (2003), la bande à Tim McIlrath n'a eu cesse de forger un son accrocheur, empreint d'influences californiennes, mais aussi parfois teinté de hardcore, et de textes engagés, notamment en ce qui concerne la défense du droit des animaux (précisons que le groupe est Straight Edge et suit un mode de vie végétalien et écolo). Les deux albums suivants entameront un virage plus mainstream, qui les amènera à une reconnaissance bien plus grande, mais qui les éloignera de la base de fans qui leur était dévouée. Mauvaise chose ? Pas si sûr, Rise Against se tempère, mais écrit par la même occasion les meilleures chansons de sa carrière, (ré)écoutez « Injection » ou encore « Worth Dying For » et vous comprendrez. Bref, un nouveau Rise Against nous laisse augurer le meilleur, en admettant qu'il ne soit pas déjà derrière eux. Nouvelle galette remplie de tubes faux-punk-rock mélodique et efficace en diable ou retour aux sources pour un son plus brut ?
Le disque, nommé Appeal To Reason, hélas pas disponible en France, n'est en rien un retour en arrière, il entérine la direction prise avec les deux albums précdents, et enfonce le clou. A la première écoute, le constat est clair : mélodies catchy, hymnes « punk-rock de campus », la recette qui a fait mouche sur The Sufferer and the Witness est toujours bien présente. Le titre d'ouverture, « Collapse (Post-Amerika) », a quelque chose, dans le riff comme dans les lignes de chant, de presque « Bad Religionesque », pour notre plus grand plaisir. A noter que les légendes de Los Angeles ont écrit leurs meilleurs albums dans leur période la plus commerciale, et connaissant Rise Against et leur potentiel d'écriture, on ne peut que faire le rapprochement. La tuerie « Long Forgotten Sons » déboule, avec son refrain qui semble crier que le groupe tient ici sa meilleure compo à ce jour, très pop, sans tempo à 200 à l'heure ni grosses guitares, mais d'une efficacité indéniable. Le riff presque metal du single « Re-Education (Through Labor) » surprend, les parties de Mc Ilrath qu'on croirait presque empruntées à Metallica également. C'est pourtant du pur Rise Against qui nous est proposé ici, avec un morceau mid-tempo dans la lignée de « Ready To Fall » sur leur album précédent, le refrain est impeccable, c'est du solide, rien à dire.
Trois morceaux et on se dit que le groupe est bien parti pour avoir lâché leur meilleure production à ce jour. Mais il réside un problème dans cet album, qui se révèle au fur et à mesure de son déroulement : son inconstance. Loin de la notre idée que de penser que la majeure partie de cet album est composée de morceaux moyens, loin de la, mais cerains passages tiennent moins la route que d'autres. Si « Kotov Syndrome » dégage une puissance punk-rock jubilatoire, les morceaux qui suivent sont clairement en demi-teinte. « From Heads Unworthy » comprend des bonnes idées, la guitare et le chant du couplet tiennent la route, mais le refrain peine à convaincre. «The Dirt Whispered » ? Sympathique, mais rien de plus, on a une impression de « j'ai déjà entendu ça quelque part ». « The Strength to Go On » rattrape le coup, notamment avec un pont bien ficelé, mais ne fera pas revenir l'enthousiasme du début d'album. « Entertainment » insuffle un regain d'énergie, les riffs sont dignes, la basse, comme à son habitude, assure, les refrains aussi, rien à dire… sauf un pont en ternaire style polka, qui, à défaut de provoquer la surprise, génère chez l'auditeur une moue dubitative. Après le passage obligé de la ballade (« Hero Of War », chanson évoquant la guerre en Irak, qui convainct au début, mais dérape peut être un poil avec des paroles un peu « too much » et une fin un peu pompeuse), « Savior » sauve la mise, et de fort belle façon. Le combo de Chicago laisse de côté l'engagement politique pour une chanson plus personnelle, inspirée, et lancée comme un train à toute allure. Les gang shouts sur le refrain rappellent le meilleur de The Offspring, en mieux, c'est jouissif. Le dernier morceau, « Whereabouts Unknown », rappelle Mc Ilrath à ses cris, très peu utilisés au long du disque, pour une fin assez triste, épique et efficace, après un « Hairline Fracture » qui tombe à plat.
Bon, on se le remet, on tempère ses avis, on compare, et puis allez, comme ça, on réécoute l'album précédent. Tout ce qu'on peut de dire après ça, c'est qu'une chose est sûre : Appeal to Reason est en deçà de The Sufferer and the Witness. Malgré tout, n'enterrez pas le disque trop vite, car il en vaut la peine, vraiment. On poussera le vice jusqu'à clamer que les meilleurs chansons du groupe sont gravées sur ce dernier. Mais Brandon Barnes, Joe Principe, Zac Blair et Tim McIlrath n'ont pas la constance qu'ils ont pu avoir auparavant, et, il est vrai, il y a une bonne poignée de chansons qui, à défaut d'être mauvaises, ont l'air d'être présentes pour remplir plus que pour prouver au monde qu'ils sont les meilleurs de leur catégorie. Bonne copie donc, composée de perles du genre, et de « fillers » qui font manquer à Rise Against l'occasion de se surpasser.
.: Tracklist :.
1. Collapse (Post-Amerika)
2. Long Forgotten Sons
3. Re-Education (Through Labor)
4. The Dirt Whispered
5. Kotov Syndrome
6. From Heads Unworthy
7. The Strength to Go On
8. Audience of One
9. Entertainment
10. Hero of War
11. Savior
12. Hairline Fracture
13. Whereabouts Unknown