Stolen Babies est l’archétype même du produit totalement extraterrestre et délicieusement extravaguant. A l’écoute de There Be Squabbles Ahead, on comprend aisément ce qui a séduit les américains déjantés de Dillinger Escape Plan, qui embarqueront cette bande de clowns en tournée européenne début 2008. Une formation avec qui ils partagent accessoirement leur nouveau batteur Gil Sharone. Et surtout sur laquelle il faudra désormais compter, tant ce premier essai se montre brillant de bout en bout.
Avant-garde dark cabaret, voilà étiquette dont l’indispensable Wikipedia affuble le groupe. Un style qui pourrait définir en quelques mots la mixture délirante des Stolen Babies, mais qui s’avère presque trop réducteur au vu de la richesse dont témoigne cet incroyable There Be Squabbles Ahead. Les quatre musiciens couchent sur bandes treize morceaux de haute volée, dans lesquels on pourrait déceler quelques bonnes influences proches d’un The Dresden Dolls dopé aux amphétamines voire d’un Mike Patton période Mr. Bungle. Le quintet fourmille d’idées créatrices, ne craint ni l’expérimentation ni l’association de composantes prétendues antagonistes, et livre en moins d’une heure un somptueux concentré d’influences empruntées aux soixante-dix dernières années. Un rêve éveillé totalement personnel qui explose les barrières des genres, étonnante œuvre d’art intemporelle aux interprétations multiples (« Gathering Fingers », superbe). Stolen Babies transcende par son esprit tortueux burtonesque, ne fait preuve d’aucun déchet ou baisse d’intérêt, témoignant dans sa musique d’une véritable et impressionnante science des structures. Les ossatures alambiquées foisonnent d’éléments inhabituels, sans que le groupe ne laisse planer une quelconque impression de manque de cohésion. Mieux encore, There Be Squabbles Ahead est même étonnement simple à appréhender. La musique du sextet est polymorphe, cavale sur une rythmique rebondissant (l’entraînant « A Year Of Judges » mené par une basse groovy et ponctué de refrains électriques détonants) avant de se muer vers un électro-circus aux sonorités noires et décadentes (« Tablescrap », « Push Button », plongée dans l’ambiance d’un théâtre décrépi des sixties) ou des empilements de samples gothiques glacés et robotiques (le dansant « So Close »).
Les habillages de guitare ne s’imposent que lorsque Stolen Babies lorgne vers le survolté (le gallopant « Mind Your Eyes »), laissant la plupart du temps la section rythmique servir de fil rouge aux morceaux (« Awful Fall ») ou l’accompagnant seulement de quelques discrets accords. L’instrument cède très volontiers son trône, laissant s’exprimer des intervenants comme le piano, un tuba pachydermique le temps d’une fanfaronnade digne de la bande originale de Roger Rabbit (« The Button Has Been Pushed », étonnante conclusion) ou contre toute attente un accordéon typé années tente sur une ballade synthétique aux émotions perceptibles (« Lifeless »), somptueuse incartade qui ne verse à aucun moment dans le mielleux dégoulinant. Les parties vocales de Dominique Lenore Persi sont tout aussi surprenantes, la chanteuse témoignant d’un timbre sachant se faire aussi rageur que Tairrie B. (My Ruin) et par ailleurs inévitablement proche d’Amanda Palmer (The Dresden Dolls) pour les échappées d’obédiences cabaret moins énervées. La demoiselle maîtrise son chant dans les deux registres, éructant de hurlements étrangement hargneux pour quelque un qui s’épanouissait quelques secondes plus tôt entre chant clair frétillant et lignes malicieusement chuchotées (« A Year Of Judges »).
There Be Squabbles Ahead est un pur concentré d’originalité, premier manifeste d’un groupe novateur à découvrir absolument. Frôler l’excellence en un unique essai laisse planer la question quand au niveau des prochains travaux du groupe…
.: Tracklist :.
01. Spill
02. Awful Fall
03. Filistata
04. A Year Of Judges
05. So Close
06. Tablescrap
07. Swint? Or Slude?
08. Mind Your Eyes
09. Lifeless
10. Tall Tales
11. Push Button
12. Gathering Fingers
13. The Button Has Been Pushed