Il y a deux ans, le label américain The End Records commencait à s’imposer de façon amplement méritée, étendant petit à petit ses ramifications à l’étranger. Parallèlement, les électrons libres de Made Out Of Babies gagnaient en popularité avec un album bien trempé du nom de Coward. Séparé de l’excellent Neurot Recordings, Made Out Of Babies trouve donc là une structure à la hauteur de sa musique débridée et résolument hors-normes. Les dirigeants de The End n’ont jamais craint de signer les projets les plus audacieux, et avec The Ruiner la formation compte bien étendre son territoire en misant sur ses deux maîtres mots : originalité et efficacité.
Si l’impact se voudra presque immédiate tant ces neuf compositions s’avèrent accrocheuses, les écoutes répétées de The Ruiner ne permettront pourtant en rien de le cataloguer dans un style bien précis. Les ossatures ne présentent pourtant pas de prolongations alambiquées et psychédéliques, mais Made Out Of Babies habille ses compositions d’un son qui lui est bien propre, créant un univers bien rock’n’roll aux encornures noises extrêmement rugueuses. Le spectre des respectés Unsane n’est certes jamais loin, pourtant le quartet s’affranchit de sa besogne avec un sens de la mélodie nettement plus affûté. On retrouvera un son de basse quasi-similaire, très lourd, gras et appuyé, parfois responsable de l’instauration d’une ambiance pesante et imbibée d’une certaine crasse malsaine (« Bunny Boots », « Grimace »), l'instrument se voyant de plus supporté par un jeu de batterie tout en sobriété. La rythmique ne s’affole à aucun moment, préférant les terreaux mid-tempos afin d’instaurer un univers visqueux et élastique aux rebords striés de la guitare stridente de Brendan Tobin. Le gaillard parvient pourtant à extraire de son instrument une certaine dimension mélodique, bien que celle-ci ne se détache jamais de l’aspect cradingue et distordu à l’extrême de l’ensemble. Pas d’incartades mièvres à l’horizon, le son clair adopté à l’occasion par Tobin reste donc extrêmement dissonant (les très bons refrains du fantastique « Cooker »). Pourtant, tout ce chaos sonore, peuplé de riffs qui explosent dans les recoins, parvient à trouver une véritable cohérence.
The Ruiner développe une redoutable continuité, un son puissant à qui l’on aurait greffé toutes les spécifiés et contraintes d’une performance live habitée (à l’instar du projet Shellac de Steve Albini). Une variation du rock indie furieusement dopée à l’électricité, anti-conformisme auquel le timbre radical de Julie Christmas répond avec le même grincement de dents. Si elles peuvent aisément se montrer impeccablement posées (« Invisible Ink »), ses tirades vocales évoluant plus volontiers sur des chemins plus irritants. La demoiselle se joue de la justesse sans sombrer dans l’anti-mélodique, posant sur bandes des incartades aux accents déjantés et lorgnant sur les tonalités extrêmes (« Peew », « Cooker »). Entre chant râpeux complètement barré et pures détonations allumées de rage, ses intonations se rapprochent en bien des points de la voix si particulière de Aimee Echo (Human Waste Project / theSTART), à la différence du fait que Julie Christmas y adjoint une hargne bien plus prononcée.
Pas de mélodies sans véritable justesse, et pourtant The Ruiner transcende. Unique et habité par son art au plus haut point, Made Out Of Babies fleure l’expérimental d’une Noise souvent rebutante sans y sacrifier totalement la notion même de musicalité. Un sacré tour de force.
.: Tracklist :.
01. Cooker
02. Grimace
03. Invisible Ink
04. The Major
05. Buffalo
06. Bunny Boots
07. Stranger
08. Peew
09. How To get Bigger