Formé au Pays de Galles, Losing Sun s’est rapidement attiré la faveur des médias britanniques, les influents MTV et Kerrang en première ligne. Avec pourtant un seul album au compteur, mais quelques années de galère et de changements de line-up inévitables, le groupe ne trouvera sa forme définitive qu’en 2005, quelques mois avant la sortie de ce fameux opus du nom d’Inertia. Ignoré par les critiques et probablement handicapé par des « supermarchés de la culture » qui ne jurent désormais plus que par des valeurs sûres, le disque passera malheureusement totalement inaperçu en France. S’il est très peu probable que Perspective ne puisse bénéficier d’une véritable mise en avant, l’album mérite néanmoins l’attention d’une oreille curieuse.
Le néo pouvait-il se montrer capable d’une quelconque évolution ? L’opinion publique aura tôt fait de répondre par la négative et d’enterrer le mouvement, à peine quelques années après un fabuleux essor qui aura permis à une audience plus conséquente d’approcher les horizons saturés du metal. Pourtant, Losing Sun pourrait en représenter une forme de mutation avancée, bien qu’il demeure éloigné des représentants les plus populaires du style de par sa très grande richesse. Un rock à la fois dur et mélodique, technique mais néanmoins jamais inutilement compliqué. Perspective est tout simplement diablement ingénieux et efficace. Approchant par certains aspects Flaw ou le Mudvayne de The End Of All Things To Come, se revendiquant de l’influence de Tool par ses ambiances ultra-travaillées et une propension à avancer un visage parfois schizophrénique, Losing Sun construit des ossatures fourmillantes d’éléments mais demeure néanmoins très facile à appréhender (« Jigsaw », véritable tube en puissance, « Anologous »). Le quatuor ne se base à aucun moment sur une structure « mono-riffique », formule éculée visant à appliquer sans originalité la formule gagnante du couplet / refrain / couplet avec pré-disposition des mélodies pour les chorus. Bien que les constructions ne s’en éloignent pas radicalement, Losing Sun parvient à marquer son originalité en alternant avec brio les atmosphères, alliant les déferlantes électriques de riffs plombées à des embardées moins pesantes, les compositions prenant bien souvent des tournures inattendues (« 1994 », qui témoigne de nombreuses cassures rythmiques, « Interrrogation »).
Perspective est un album imprévisible, capable de s’orienter le temps de quelques secondes vers une interlude de guitare grinçante, des étendues de samples ou encore une démonstration de groove de la part de la basse de Matt Morgan, avant de lorgner brutalement sur le gimmick ou le refrain du morceau (l’excellent « Classic Art Betrayal », sommet de l’album). La maîtrise technique de chaque musicien est à dénoter, car bien que ceux-ci n’en fassent pas un déballage par les moyens habituels, ils parviennent à lier des parties aux ambiances polymorphes et alambiquées. Au dessus de ses tissus sonores aux nombreuses ramifications plane le chant de Ben Honebone, qui livre une excellente performance dans un registre qui ne dévie à aucun moment de la clarté. Un timbre envolé qui s’adapte parfaitement aux variations des alliages instrumentaux et qui parvient à insuffler aux refrains les accroches nécessaires (« Trigger Finger », « Jigsaw », « Perspective »). Le travail de production opéré par le tandem gagnant Colin Richardson / Skindred s’avère remarquable et confère à la musique de Losing Sun toute la puissance nécessaire.
Perspective s’avère être une belle découverte, Losing Sun parvenant à évoluer de racines basiques vers une musique assez originale mais néanmoins abordable. Gageons que ces quatre britanniques sauront trouver une place, aussi minime soit-elle, dans les rayons des disquaires Français.
.: Tracklist :.
01. Memory Run
02. Jigsaw
03. Trigger Finger
04. Battering Ram
05. Perspective
06. Analogous
07. 1994
08. Tantrum
09. Too Many Pieces
10. Classic Art Betrayal
11. Interrogation
12. Roll Credits