1993. Le metal en France n’en est encore qu’à ses premiers balbutiements. Pourtant, les initiatives commencent timidement à se concrétiser dans l’ombre. La structure de management Sriracha Sauce, qui jouera quelques années plus tard un rôle déterminant pour la scène Française, se forme et prend sous son aile un groupe inconnu du nom de Lofofora. Grâce à la participation financière du FAIR (le Fonds d'Action et d'Initiative Rock), la formation menée par Reuno Wangermez pose sur bandes un premier EP cinq titres. 2800 exemplaires pour un disque historique.
Le début des années 90 voit exploser au niveau national des groupes de la trempe de No One Is Innoncent ou Silmaris. Si ces représentants d’un rock à la Française encore timide parviennent rapidement à s’imposer, Lofofora va amener sur le devant de la scène des sonorités plus dures et cradasses, cet EP faisant de plus preuve d’un éclectisme musical assez rare dans les productions estampillées metal. Le quartet joue avec les influences, marquant ses cinq compositions d’un son pesant et saturé mais n’hésite à aucun moment à s’orienter vers des horizons fusion marqué au fer rouge d’encornures funkisantes. La colonne vertébrale de chaque morceau penche du côté saturé du rock’n’roll, la guitare de Pascal Lalaurie donnant naissance à des riffs en acier trempé ultra-basiques mais néanmoins efficaces (le désormais classique « L’œuf »). Avec cet EP, Lofofora ne tend pas à faire preuve d’une technicité exacerbée, mais plutôt à imposer un style qui deviendra sa marque de fabrique : lourdeur et revendication. La rythmique menée par Edgar Mireux se veut par conséquent très appuyée et mesurée, malheureusement peu flattée par une production qui manque encore de consistance bien que le tout demeure plus qu’acceptable pour un disque daté. Malgré sa volonté d’assener sa musique avec une certaine simplicité, Lofofora s’adjoint les services d’une basse particulièrement démonstrative et mise en avant. Le travail de Phil Curty, groovy à souhait, vient occuper le premier plan et impose à ce premier EP toute sa couleur funky (« No Facho », « Baise Ta Vie »). Une orientation par la suite minimisée, l'instrument se faisant sur les productions plus discret.
La fusion des éléments rock et funk se montre pour l’époque novatrice, certes déjà plus ou moins expérimentée par les voisins américains que son Infectious Grooves ou Suicidal Tendencies, mais encore inédite en France. La force de Lofofora est d’allier le sérieux de son propos à du pur délire rafraîchissant, d’accoucher d’un style hybride et pourtant pleinement cohérent et déjà maîtrisé, en témoigne l’excellente reprise des Négresses Vertes (« Zobi la Mouche »). Car malgré des étendues instrumentales plutôt entraînantes, les textes de Reuno Wangermez témoignent déjà d’une aisance dans le maniement de la langue française et d’une volonté à présenter un message lucide et intelligent. Une véritable facilité d’écriture que le frontman met en toute logique à disposition d’une critique acerbe de problèmes de sociétés qui prendront des propensions démesurées quelques années plus tard (le racisme sur « L’œuf » et « No Facho »). Le timbre de voix, très rauque et majoritairement tourné du côté hip-hop, se veut tout comme les instrumentations assez simpliste mais permet une assimilation aisée des paroles.
Ce premier EP impose les bases d’une formule que Lofofora appliquera par la suite avec une certaine continuité. Car si le groupe sera amené à évoluer avec les années, la ligne conductrice restera à peu de choses près identique aux premières heures. Le potentiel restait à développer, mais Lofofora témoignait dès cet EP d’une grande maîtrise, aussi bien verbale qu’instrumentale.
.: Tracklist :.
01. L'oeuf
02. No Facho
03. Zobi la mouche
04. Baise ta vie
05. Le trou du con