« Coal », traduisible littéralement par « charbon ». Est-ce nécessaire d’essayer d’y trouver du sens ? Auras-tu assez de force pour découvrir la vérité ? Probablement pas.
En 2011, Leprous avait encore marqué son assise plus que réussie dans le monde de la scène extrême avec l’oppressant Billateral, qui avait alors secoué la plèbe grâce à ses recettes inédites aussi audacieuses qu’efficace d’ « horror metal » (un travail d’environnement de la musique sur une imagerie sombre, à l’instar de Danzig ou évidemment The Horrors) presque groovy ! Une musique difficilement classifiable car arborant des codes de rock progressif, de djent, et voire pop, sur une propreté de son sans faille qui contraste avec le petit morbide, au culte du bizarre et à la schizophrénie qui règnent en fond de toile de l’album. Bref, les fantasques Leprous étaient alors l’effervescence qui manquait, la folie oubliée, un « rafraichissement » nécessaire dans le monde du progressif (comme on l’entend au sens classique) qui commençait sérieusement à se mordre la queue.
Je n’irai pas faire un track by track, ce n’est pas un exercice qui me plait forcément et l’album est à écouter dans son entier et certaines de ses pistes se font volontairement échos, il serait donc quelque part insensé de chroniquer piste par piste. C’est depuis le 20 Mai dernier, soit 2 ans après la sortie du poreux Billateral que Leprous nous offre son troisième album, Coal. Fort attendu par les fans, en tout cas par moi, on se demandait comment ces jeunes prodiges allaient encore nous surprendre. D’emblée nous devons nous mettre d’accord, Coal semble se distancier par son esthétisme et ses ambiances (ou plutôt son ambiance…) avec les deux albums précédents. Alors que ces derniers offraient des compositions à tiroir dérangées à faire pâlir The Number Twelve Looks Like You ou encore Faith No More, nous avons-là un album peut-être un peu moins speed et moins glauque. Aussi plus homogène, les fans de la première heure (le groupe existe depuis 12 ans, à ce moment-là le chanteur, Einar Solberg n’avait que 17 ans !), se verront peut-être déroutés. Pour ma part, ne connaissant que l’inquiétant Billateral et ce depuis quelques mois seulement (un grand merci à l’affiche du Hellfest pour dénicher facilement une centaine de noms inconnus chaque année), j’ai le luxe en quelque sorte d’avoir encore un regard un peu neuf sur cet album, et c’est sous cet angle que je l’aborde volontiers.
Si les guitares se sont un poil reculées, la technique n’en diminue pas (« The Valley » et « Contaminate Me »), les mêmes codes cités plus haut sont largement percevables et laissent un peu plus de place au chant d’Einar Solberg qui se dépasse et gagne en profondeur, en lyrisme, en variété pour peindre une atmosphère plus sérieuse autour d’un pathétisme hypnotique voire parfois romantique (« The Cloak »). Refrains aussi entêtants que lumineux, a contrario de la noirceur générale qui règne dans ce disque, perdent de leur bizarre et de leur morbide au profit d’une sensibilité moderne peu égalée si ce n’est peut-être chez Radiohead (à la bonne époque) ou encore, et oui je l’assume, chez Marianne Faithfull.
Pour conclure, Coal est fatalement le genre d’album plus sage que ses grands frères qui permettra à Leprous de s’imposer comme des gargouilles autour de la scène prog, si tant il y est possible de les « classer ». En n’ayant écouté que deux d’entre eux que je savoure encore jour après jour, plusieurs noms me sont venus pour essayer de les qualifier au vu de leur discographie, disons grossièrement qu’il pourrait s’agir de la noirceur d’Opeth mélangé parfois au lyrisme de Radiohead, à la versatilité de Faith No More, à la douceur de Pineapple Thief, au lugubre et à l’énergie de At The Drive-In avec la jeunesse prometteuse de Periphery, je pense surtout à « The Valley », LA grosse tuerie de cet album, qui semble arriver à rassembler un peu de tout ça. Mais vous le voyez bien, avec le recul, ça ne rime à rien, Leprous, c’est Leprous.
A vous qui ne connaissez peut-être pas encore ce groupe, Coal est fait pour vous. Aux aventureux qui aiment l’audace du précédent album, vous seriez peut-être plus tenté de jeter votre dévolu sur un Billateral peut-être plus surprenant, mais il serait vraiment dommage de passer à coté de Coal qui, encore une fois, me fait hurler au génie.
Ah au fait, vous retrouverez quelques apparitions de leur chouette ami Ihsahn ci et là…
Note : 4/5
Le clip de « The Cloak » est disponible ici :
et « Chronic » est écoutable là :
. :Tracklist :.
01. Foe (05:17)
02. Chronic (07:19)
03. Coal (06:50)
04. The Cloak (04:09)
05. The Valley (08:59)
06. Salt (04:30)
07. Echo (09:41)
08. Contaminate Me (09:04)
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