Enfourchez votre cheval, armez votre épée et préparez-vous à rejoindre votre tribu: j’en entends déjà rire dans leur tanière, mais quand on parle d’Eluveitie, c’est un vrai plongeon dans l’histoire celte et gauloise qui vous attend. Et les suisses ne rigolent pas: ici on chante en Gaulois Hélvète, on utilise flûtes et cornemuses d’un autre temps, et on arrose tout ça d’un métal bien lourd histoire de vous rappeler qu’on est bien au 21ème siècle…
A l’heure où le métal européen s’est fortement garni de groupes nordiques aux consonnances vikings abreuvés du sang de Thor et consorts, Eluveitie décline son Folk-Metal à travers la mythologie des clans celtes d’Hélvètie (l’ancien nom de la Suisse). Fondé en 2002 par Chrigel Glanzmann, c’est après trois albums, dont un totalement acoustique, que Eluveitie nous offre ce Everything Remains As It Never Was. S’ils se démarquent des autres groupes de Métal en provenance d’Europe du nord, ils ont néanmoins signé en 2008 chez Nuclear Blast Records, un label rompu aux joutes du Métal extrème (In Flames, Behemoth, Cathedral, Dimmu Borgir, Chimaira, notamment) qui leur a permis de sortir la même année le somptueux Slania, bijou de puissance et de mélodie, qui a fait connaître au plus grand nombre leur monde si particulier, où se mêlent une très large palette d’instruments traditionnels avec un Death Métal acéré à la double pédale. Entre Slania et ce Everything Remains As It Never Was s’était intercalé Evocation 1: The Arcade Dominion, album folk accoustique, une vraie réussite à la fois technique et culturelle, tant le sérieux des références musicales et historiques de l’ère des Celtes Gaulois y est avéré.
Everything Remains As It Never Was est donc la suite logique de Slania, et il lui ressemble en de nombreux points, l’effet de surprise en moins. Il faut dire que Slania s’imposait tellement par son originalité et sa variété d’ambiances que la barre était placée haute pour faire mieux. Avec Everything Remains…, la recette est la même, le niveau technique a encore augmenté, les divers instruments traditionnels (vielle à roue, cornemuses, flûtes irlandaises, bodhran et violons, pour ne citer que les plus connus) sont toujours présents, et le mixage est impeccable en tout point. Alors vous allez me dire, que manque-t il à cet opus pour supplanter son prédecesseur? Peut-être un soupçon de folie et des refrains plus accrocheurs, car la voix masculine, notamment, a tendance à être trop monotone et rester souvent sur la même gamme. Si cet album est moins entrecoupé d’intermédèdes traditionnels et possède une cohérence plus grande entre les morceaux, c’est au détriment de notre plaisir qui décroit au fur et à mesure, à force de répétitions de plans de basse-batterie et de riffs, qui donnent une impression de déjà-entendu. Cependant, et heureusement, Everything Remains… est soutenu par des morceaux de très bonne facture, pierres angulaires de l’album: le single « Thousanfold » avec son efficacité, « Sempiternal Embers » avec une alternance de guitares folks et saturées qui créé une ambiance unique, le glauque « Quoth The Raven » ou encore la magnifique ballade celtique « Isara » ou les chants masculins tribaux de « Lugdunon ».
Tout cela, ajouté à l’apport essentiel mais peut-être trop rare des voix féminines fait que cet album reste terriblement agréable à écouter, tant que l’on est prêt à suivre la démarche des suisses, à savoir une immersion totale dans le passé. Si vous découvrez Eluveitie, je vous conseillerais d’écouter Slania en priorité, car c’est de loin leur effort le plus abouti, et Everything Remains As It Never Was marche dans ses pas. Au délà des clichés et des effets de mode gothiques et médiévaux sur lesquels s’appuient certains groupes comme Nightwish ou Within Temptation, Eluveitie incarne une recherche sincère et poussée pour nous faire découvrir une époque révolue, et si on se laisse prendre, le voyage est magnifique. Les suisses seront d’ailleurs présents en juin prochain pour la première fois au Hellfest, et colleront sûrement très bien au décor festif et un peu sauvage de celui-ci!