Rares sont les protagonistes du néo-metal ayant opérés une reconversion crédible dans des sphères plus extrêmes. Dez Fafara est de ceux-là. En trois albums trempés dans le béton armé, l’ancien chanteur de Coal Chamber à su se tailler une solide réputation de hurleur au sein de DevilDriver, combo américain se fendant d’une fusion des styles rattachés au « metal qui tache » tout en conservant une facilité d’accessibilité peu commune. Fièrement porté par le quintet il y a deux ans, The Last Kind Words se plaçait en pierre monolithique grâce à un alliage des envies exposées par le groupe sur ses deux premiers opus. A la brutalité de l’album éponyme répondaient les mélodies exacerbées de The Fury Of Our Maker’s Hand, une formule que DevilDriver retravaille légèrement aujourd’hui pour Pray For Villains.
Réglé comme une horloge suisse, le quintet s’acquitte de sa tache auprès du public avec un disque toutes les années impaires. Une régularité et une facilité d’écriture qui n’influe en rien sur la qualité des albums, tant le groupe s’applique à s’engager dans la voie de l’évolution, aussi minime soit-elle, à chaque nouvelle offrande. Avec The Last Kind Words, les américains semblent pourtant avoir trouvé une formule qui leur sied, Pray For Villains s’inscrivant dans la directe lignée de son prédécesseur. Des similitudes qui ne confèrent pourtant pas ce quatrième effort dans la caste des copies conformes, le groupe s’étant appliqué à améliorer ses schémas, notamment à travers un resserrement des timings. Légèrement moins longs, les compositions se déchargent de quelques breaks inutiles et apportent à ce Pray For Villains une réelle intensité (l’explosif et excellent « Teach Me To Whisper »). DevilDriver se fend d’une bouillonnante émulsion de death mélodique et de power metal, aussi extrêmes dans les riffs que mélodiques dans les échappées solo d’un Mike Spreitzer qui aura définitivement su apporter une valeur ajoutée au son du groupe. Lourdes et acérées, les guitares mitraillent du riff marteau-pilon dans tous les recoins, le binôme Spreitzer / Kendrick trouvant un soutien de tous les instants dans la frappe dévastatrice d’un John Boecklin une nouvelle fois impressionnant de maitrise. Adepte d’un emploi quasi-contenu d’une double-pédale assommante, le musicien témoigne d’une technicité et d’une présence qui amène DevilDriver à transcender de brutalité ses partitions (le morceau titre « Pray For Villains », « Fate Stepped In »).
Une violence qui se voit décuplée par la présence d’un Dez Fafara expressif au possible en matière de lignes vocales habitées. A grand renforts de hurlements rauques et puissants, le frontman témoigne d’une sincérité sombre et brute à travers un chant aliénant, inhumain, presque douloureux tant son géniteur semble y confiner ses dernières parcelles de vie (« Pure Sincerity », « Forgiveness Is A Six-Gun »). Si l’émotion est palpable, celle-ci ne prend naissance que dans un noir d’encre cher à Fafara depuis de nombreuses années. Face à cette déferlante d’éléments négatifs, DevilDriver ne laisse cependant pas la violence s’imposer en maitre absolu et lorgne vers un équilibre maintenu. Les mélodies enrobent les structures sans rupture d’intensité, le groupe posant sur bandes quelques incartades moins burinées, voire même des morceaux aux tempos plus retenus mais tout aussi électriquement chargés (« It’s In The Card », « Back With A Vengeance »). Les guitares muent vers des accords plus poisseux, l’épileptisme ambiant laissant place à un brulant charnier sur lequel Fafara éructe des vocaux marqués au fer rouge, ou proposent des ponts épiques sur lesquels Spreitzer témoigne de tout son talent de soliste. Bien que le musicien ne témoigne pas d’un savoir-faire particulièrement impressionnant, ces interventions en lead évitent soigneusement les pompeuses sphères de l’inutilement démonstratif au profit d’un véritable respect de la cohérence des ambiances pronées par DevilDriver (« Waiting For November », « Bitter Pill »).
Sans révolution, DevilDriver affine son écriture pour livrer un album d’une redoutable efficacité. A l’instar de ses prédécesseurs, Pray For Villains est un excellent disque, virulent témoignage d’un groupe sincère et intègre qui mène sa carrière sans faux pas.
.: Tracklist :.
01. Pray for Villains
02. Pure Sincerity
03. Fate Stepped in
04. Back with a Vengeance
05. I've Been Sober
06. Resurrection Blvd.
07. Forgiveness Is a Six Gun
08. Waiting for November
09. It's in the Cards
10. Another Night in London
11. Bitter Pill
12. Teach Me to Whisper
13. I See Belief