Avec en moyenne trois longues années entre chaque album, les californiens de Deftones n'ont jamais vraiment brillés de par leur surproductivité. Il en est fort heureusement autrement quant à la qualité de chacune de leurs productions. Presque une année de retard au compteur, désagréable habitude chez le clan américain, des directions musicales assez évasives voire totalement contradictoires avancées par les différents musiciens, cet opus éponyme laissera jusqu'au jour de sa sortie planer le doute sur son réel contenu.
White Pony avait montré un tout nouveau visage de Deftones, désormais plus enclin aux expérimentations sonores qu'à l'unique usage du riff acéré, jouant sans ménagement sur les ambiances cotonneuses sans se soucier de la vague néo-metal qui déferlait pourtant sur le monde en ce début de nouveau millénaire. Une dimension vibrante, planante et surtout foisonnante d'émotions diverses que l'on ne retrouve malheureusement pas sur ce quatrième opus, qui semble manquer d'inspiration en tous points, qu'il s'agisse des compositions ou même plus simplement de l'artwork de l'objet. Accouché tout comme son prédécesseur dans la douleur, les tensions au sein du groupe quant à l'orientation musicale se voulant grandissantes avec les années, Deftones reste presque intégralement composé par le guitariste Stephen Carpenter. La conséquence de ce choix se veut plutôt handicapante pour les compositions tant celles-ci souffrent d'un réel et cruel manque de variété, le guitariste ayant décidé de d'avantage rediriger le son vers les origines de la formation plutôt que de continuer dans la voie ouverte trois année auparavant par White Pony. Le gros riff fracassant vient donc de nouveau occuper une place plus prédominante, laissant un espace moins important à la mélancolie, qui bien que présente (« Battle-Axe », l'un des seuls titres à concilier avec équilibre les influences passées et présentes) se veut nettement moins importante que sur son prédécesseur. Si l'on trouve malgré tout quelques véritables réussites pour ce qui est des composantes les plus agressives de ce quatrième album (en particulier les deux fantastiques morceaux d'ouverture que sont « Hexagram » et « Needles And Pins »), les intonations de voix adoptées par un Chino largement plus attiré par les ambiances hypnotiques collent affreusement mal aux instrumentations orchestrées par Stephen Carpenter, qui livre sur une bonne moitié de disque des terreaux riches en répétitions (l'insupportable « Bloody Cape »).
Cette inéquation de la voix et des instrumentations donnent bien souvent naissance à titres bancals, que même une production comme à son ordinaire impeccable ne viendra pas sauver (le premier single « Minerva » en est le manifeste le plus équivoque, tant celui-ci manque de relief et d'émotions). Chino semble définitivement passé à autre chose, et démontre d'ailleurs toute l'étendue de son talent lorsque la saturation se veut moins insistante. Le vocaliste poursuit sa quête vers la justesse absolue, et les efforts ont indiscutablement portés leurs fruits (en témoigne le poignant « Battle-Axe »). La magie opère bien toujours pour ce qui est des tirades vocales, de façon nettement plus marquée sur les toiles les plus atmosphériques, riches en ambiances samplées et en notes de guitares éparses, n'utilisant le riff de guitare que le temps d'asséner un refrain assommant de d'efficacité (« Deathblow »). Mais le plus surprenant reste de constater que l'une des plus grandes réussites de Deftones réside dans un titre totalement dénué d'éléments rock. Alors que le DJ Franck Delgado signait avec l'électronique « Teenager » l'unique point faible de White Pony, celui-ci se rattrape de la plus belle façon qui soit avec l'incroyablement prenant « Lucky You », ponctué de boucles et plombée d'une dimension dépressive et mélancolique sur laquelle la voix de Chino fait des merveilles.
Certes, difficile d'imaginer qu'un album de Deftones puisse être un jour un fiasco complet, et il serait très nettement exagéré de parler de catastrophe en ce qui concerne ces onze morceaux. On sent néanmoins le quintet capable de beaucoup plus que cet opus en demi-teinte, reste quelques pépites qui à elles seules valent amplement le détour.
.: Tracklist :.
01. Hexagram
02. Needles And Pins
03. Minerva
04. Good Morning Beautiful
05. Deathblow
06. When Girls Telephone Boys
07. Battle-Axe
08. Lucky You
09. Bloody Cape
10. Anniversary Of An Uninteresting Event
11. Moana