De l’ombre nait la lumière. Insaisissable, énigmatique, Blut Aus Nord semble multiplier les allers-retours entre les univers. A l'origine géniteur d’un black-metal labyrinthique et poisseux, le groupe aura élargi sa palette colorimétrique avec le temps. Sans pour autant lorgner vers une trop grande clarté. Du terrifiant et expérimental MoRT à l’aérien Memoria Vetusta II : Dialogue with the Stars, Blut Aus Nord opère à de récurrents volte-face. Une capacité à perpétuellement redéfinir les contours de son art qui éloigne définitivement ce groupe à géométrie variable d'un quelconque registre musical. Blut Aus Nord est une exception. Engagée sur des sonorités d’une abyssale noirceur, la trilogie 777 – Sect(s), The Desanctification et Cosmosophy – matérialise avec panache la démarche générale du groupe. L’ultime volet en représente logiquement la phase la plus lumineuse et accessible.
Si The Desanctification installait ses fondations sur une ambiance clair-obscur, Cosmosophy laisse la formation achever sa mutation. Articulé comme l’aboutissement d’un rite initiatique, ce dernier opus reste malgré tout empreint de mysticisme païen, mais vient installer au cœur de la musique du groupe une certaine touche de spiritualité. Blut Aus Nord livre à travers ses cinq ultimes versets – les fameux « Epitome », qui constituent une œuvre en dix-huit chapitres – une conclusion épique et halluciné. Cosmosophy s’impose de ce fait comme un opus aux horizons atmosphériques, profilé en parfait antithèse de ce que Blut Aus Nord avait pu imposer via le douloureux Sect(s). Blut Aus Nord conserve cependant un fil conducteur particulièrement tenu : si l’espoir semble imprimer le tout avec une plus grande insistance, la noirceur des inspirations originelles reste sous-jacente. En résulte des étendues musicales achalandées autour de sentiments troubles, entre désespoir douloureux et mélodies réconfortantes. Bien qu’éloigné des échappées rampantes et assommantes de Sect(s), le groupe manipule une nouvelle fois les contrastes et témoigne d’un anticonformisme assumé, laissant son œuvre se dérouler comme un troublant voyage inter-dimensionnel.
Constitué de musiciens aux identités inconnues, Blut Aus Nord se profile aujourd’hui comme l’un des chefs de file d’un « avant-gardisme de l’extrême ». Cosmosophy se présente à ce titre comme une certaine forme de réinvention, malgré le recyclage d’éléments propres au groupe – les riffs lancinants et répétitifs –. Blut Aus Nord s’oriente occasionnellement vers des voix claires incantatoires, voire greffe de ci et là d’étonnants phrasés proches du spoken words. De prime abord déroutant, le travail effectué sur le chant à l’occasion de ce Cosmosophy répond rigoureusement aux besoins des instrumentations. Si les hurlements morbides et autres râles arrachés répondent en écho, la formation fluidifie majestueusement son travail par l’ajout de vocaux stratosphériques. Et livre probablement l’album le plus riche, varié et subtil de son impressionnante trilogie.
Parcourue dans son ensemble, l’expérience 777 est en voyage unique en son genre. Les néophytes pourront néanmoins aborder Cosmosophy comme une porte d’entrée vers l’esprit de l’entité Blut Aus Nord. Ce dernier opus synthétise en cinq morceaux complexes et passionnants les orientations musicales empruntées par la formations sur ses précédents travaux. De l’art brut et habité.
.: Tracklist :.
01. Epitome XIV
02. Epitome XV
03. Epitome XVI
04. Epitome XVII
05. Epitome XVIII