On pensait Scott Hull engagé sur la voie de la rédemption suite à la parution d’un album solo onirique et apaisé. C’était sans compter sur la violence intérieure de cette personnalité aux multiples visages, qui ré-active Agoraphobic Nosebleed en parallèle des virulents Pig Destroyer. Fervent défenseur d’une brutalité inouïe, ce groupe à géographie variable avait poussé les limites du grindcore en 2003 avec un Altered totalisant quatre-vingt dix neuf morceaux pour seulement vingt minutes de musique. Epaulé depuis 2007 par une troisième (!!) voix en la personne de Katherine Katz, les américains livrent pourtant avec Agorapocalypse un disque (légèrement) moins barré que ses précédents témoignages.
Bien que responsable d’une ribambelle de splits depuis la sortie de Altered, Agorapocalypse est le premier full-length publié par le désormais quatuor depuis de nombreuses années. Et si les musiciens ont levés le pied en oubliant quelque peu les compositions limitées aux dix secondes de rigueur, ce nouvel opus n’en reste pas moins inscrit dans la logique de ses prédécesseurs. Etiqueté à juste titre « gonzo grindcore » en rapport à un registre porno gonzo qui ne propose rien d’autre que des scènes de sexe bestiales, Agoraphobic Nosebleed livre un témoignage de pure violence aussi décérébrée que technique. Menés par une boite à rythme permettant aux musiciens d’évoluer sur un canevas de blasts mitraillette aussi ravageur qu’inhumain (« Timelord Zero », « Ex-Cop »), les quatre fous furieux déversent un flot de rage ininterrompue, à peine strié de solos tout aussi démentiellement speed et viscéraux. De la musique pour auditeurs dézingués du bulbe, qui tatane les tympans à grands renfort d’assauts ininterrompues et peu empreints à évoluer dans des sphères autres que celles de la saturation extrême et épileptique. Un rétamage en règle qui, fait étrange chez Agoraphobic Nosebleed, s’oriente malgré tout et à quelques épisodiques occasions vers des semblants de breaks venant « aérer » une écriture logiquement très compacte (« Timelord Two », « Question Of Integrity »). A peine contenue plus de quelques micro-secondes par la relative absence des guitares, la violence resurgit malgré tout rapidement dans sa forme la plus primaire. Ces quelques incartades menées par une basse très groovy confèrent cependant une certaine (et toute relative) accessibilité aux horizons haineux du quatuor le plus dérangé de la scène américaine.
Entre sonorités distordues à l’extrême et bombardements de riffs d’une sauvagerie non dissimulée, Agorapocalypse témoigne de ce fait d’une variété plus marquée que son ultra-virulent prédécesseur, qui ne laissait guère de place à d’autres horizons qu’une bastonnade ininterrompue. Dans la discographie du quatuor, Agorapocalypse ferait même presque preuve d’une certaine « finesse » de composition, ainsi que d’une agréable aisance à alterner les flows hurlés les plus déglingués. Avec trois hurleurs sur quatre musiciens, Agoraphobic Nosebleed s’octroie une puissance de feu terrassante, d’autant plus que la dernière venue n’est pas en reste lorsqu’il s’agit de déverser ses tripes sur les délicates instrumentations de ses congénères. Sur-excitée, la miss Katherine Katz dégueule ses hurlements avec une volonté d’en découdre presque plus affutée que ses compatriotes masculins, et apporte au groupe un timbre bien différent et plus criard que ceux de de Jay Rendall et Richard Johnson. Un indiscutable atout pour Agoraphobic Nosebleed, qui apporte avec ce nouvel opus une plus grande diversité au niveau des chants entremêlés.
En treize compositions, Agoraphobic Nosebleed livre un savoureux bourre-pif. Pas délicat pour un sou, la Agorapocalypse témoigne d’une puissance exacerbée et tonitruante résolument jubilatoire. Dans son sillon, Agoraphobic Nosebleed ne laisse que des ruines fumantes. A réserver à un public averti.
.: Tracklist :.
01. Agorapocalypse Now
02. Timelord One (Loneliness Of The Long Distance Drug Runner)
03. Dick To Mouth Resuscitation
04. Moral Distortion
05. Hung From The Rising Sun
06. First National Stem Cell And Clone
07. Question Of Integrity
08. Timelord Two (Paradoxical Reaction)
09. Trauma Queen
10. White On White Crime
11. Druggernaught Jug Fuck
12. Ex-Cop
13. Flamingo Snuff