Tous les ans en période fin de vacances d’été sur le calendrier scolaire la ville de Poitiers organise un concert gratuit sur la place Leclerc, qui devient en l’espace d’une soirée un carrefour culturel. Souvent critiquée pour avoir pioché dans le stock de champions de l’audimat de la radio NRJ plutôt qu’à l’issu de votes et de débats sur des questionnements artistiques, cette année la programmation de l’artiste Black M semble être la goutte d’eau qui fait ou fera déborder le vase sur le ras-le-bol qui tend à se généraliser quant à la direction artistique pas très netto de cette soirée.
À mon sens l’un des rôles des pouvoirs publics serait tout de même d’envisager la culture comme un moyen d’émancipation citoyenne et individuelle qu’il faut soutenir sous toutes ses pratiques et savoir aussi exposer les formes d’art qui souffrent d’une visibilité fragile.
Alors nous ici forcément, on aime le rock, le metal, soit deux grandes familles qui aiment et chérissent tout autant que nous un tas de sous-genres encore bien souterrains, on aime détester tout ce qui est pop et mainstream parce que c’est rock’n’roll, c’est traditionnel (mais on s’offusquera jamais d’écouter Hybrid Theory en s’cred ou avec un cercle de potes bien choisi). Mais au-delà de ça, chacun ses goûts, et tout le monde a aussi le devoir citoyen de s’en accommoder. Dans la continuité de ce que je disais, le rôle de la mairie de Poitiers n’échappe pas à la règle. Si l’année dernière l’agaçant Kendji Girac était l’heureux élu qui trônait fièrement sur la place Leclerc n’était pas au gout de chacun, on ne peut quand même qu’admettre que ses chansons, aussi insupportables soient-elles ne sont en rien offensives textuellement parlant.
Cette année, c’est le chanteur Black M, fier et valeureux soldat du mérite et de l’art issu du feu bataillon Sexion d’Assaut, connu et reconnu pour leurs talents de poètes et leur philosophie qui en inspirent plus d’un. Blague à part, sa précédente formation était aussi connue pour avoir évoqué des propos très explicitement homophobes, on se demande alors en quoi ce genre de déclaration puisse convenir à un cadre festif et familial comme l’est « Poitiers l’été ».
Vous me direz qu’un tout autre sujet vient de faire son apparition, tel un Pokemon, c’est vrai, et je ne chercherai pas à susciter un autre débat. On revient donc sur le sujet qui nous anime ici qui est la médiocrité redondante de la programmation artistique de cet événement, plus abrutissante et plus vulgaire qu’elle n’offre de réelle possibilité d’y trouver, le temps de cette soirée, un support d’apprentissage et un moyen de s’émanciper. En ce sens, un certain Guillaume Bernard a lancé une pétition contre la programmation de Black M cet été, demandant à la mairie de veiller à l’éclectisme et à la valeur artistique au sein de sa direction artistique. C’est la première fois qu’on prend part à un débat, on n’avait pas dit grand-chose sur l’affaire Anselmo et le Hellfest. Mais je tenais à donner, à travers cet article, la parole à Guillaume que nous connaissons tous. Fondateur du label Klonosphère qui abrite de nombreux artistes de talent et membre du groupe Klone, Guillaume et sa team abattent un travail énorme pour faire vivre la musique qui les passionne dans un pays où les traitements individuels des genres culturels souffrent d’un écart bien trop considérables, ce que le pouvoir public ne cherche pas à réduire, voire le contraire pour le cas qui nous réunit ici.
Non, il n’est pas question de faire du « people » ou un article « pute-à-clics », mais d’affirmer mon soutien à Guillaume et au-delà des grandes affinités musicales et des relations professionnelles qui nous lient, par respect et par admiration pour son engagement pour la vie culturelle française. Guillaume est d’ailleurs invité au conseil municipal pour discuter du fond de cette pétition avec les élus.
Débattre sur les questions de la place de l’art dans les mécanismes de vie citoyenne serait tout aussi long que passionnant, mais maintenant à ce stade, continuer ma déclaration ne se résumerait plus qu’à une grosse paraphrase du contenu de cette fameuse pétition, je vous invite donc tous directement à prendre connaissance de son contenu, et d’en faire ce que vous voulez.
