Le 27 janvier 2017, La Féline sort son nouvel album Triomphe. Exit la new wave intimiste d’Adieu l’enfance, place à un son plus chaud et plus ample, mais toujours aussi puissant et émouvant. Avec la batterie chamanique de Franck Garcia, le saxophone de Yoann Durant, la flûte et l’octobasse de Michael Schmid, et bien sûr la voix et les textes d’Agnès, ses riffs de guitare, on se sent étrangement initié, comme si chaque chanson enveloppait un secret.
C’est que la création de ce nouvel album est intimement liée à la rencontre avec un lieu étrange : le Performing Art Forum de Saint Erme, immense bâtisse hantée et vibrante. Dans cet ancien refuge pour soldats en déroute, autrefois école de jeunes filles, devenu repaire d’artistes cosmopolites, Agnès a puisé son étrange inspiration. Réalisé avec le talentueux Xavier Thiry, l’album Triomphe y a été enregistré par Guillaume de La Villéon qui s’est chargé d’y installer un studio de fortune.
Un après-midi de décembre, Boris Barthes et Stéphanie Rouget (réalisateurs du court métrage « Band de Filles ») sont venus capter quelques images de ces moments de création. L’occasion d’écouter Le Royaume, nouvel extrait de l’album de La Féline !
Quand elle conçoit Triomphe, son deuxième album, sous le signe d’un dieu d’ivresse et de pulsions, Dionysos — alors qu’Adieu l’enfance, si pop et minimal avait quelque chose d’apollinien — La Féline commence par se rêver guerrière impitoyable ou sauvageonne à la Miyazaki. «Senga», premier single placé en ouverture, signe un passage de relais : dans le miroir des eaux, Agnès la féline devient Senga qui parle aux loups, Senga qui grimpe aux arbres et connaît les secrets de la forêt. Et l’on sourit en découvrant la clé cachée dans l’envers de ce titre, subtil jeu de double et de reflets : qui n’a jamais rêvé de cet autre soi capable d’accomplir tout ce qui nous échappe ?
Triomphe devient alors un ambitieux terrain de jeu où La Féline transforme la forêt en refuge, la mer en bain primordial où renaître, se projette dans un Tokyo où la nature aurait repris ses droits. On y croise des dieux grecs et des animaux totems («Senga»), on y parle de renaissances («Samsara», «Le Plongeur» — attirés dans les profondeurs du son d’une flûte octobasse), on y questionne la place de l’homme dans la communauté («Le Royaume», «Comité rouge»). Autrefois tournées vers l’intime, ses chansons s’ouvrent désormais sur les autres et le monde, suggèrent tout un monde inexploré derrière le voile des apparences, en arrière plan, qu’on oserait à peine soulever, de peur d’en devenir fou, comme dans la nouvelle d’Arthur Machen, le Grand Dieu Pan. N’est-ce pas ce qui se joue dans l’inquiétant final de «Gianni» aux allures de descente aux enfers, ou encore dans le crescendo libérateur du «Royaume» où flûtes et saxophones mêlent leurs voix stridentes dans leur célébration extatique ?
Derrière ce titre ambigu et cette pochette où le regard nous défie, les ambiances sont profondes et sensuelles, les couleurs chaudes et les grooves sinueux. Entre les lignes perce un imaginaire nourri de cinéma comme de mangas, de mythes anciens comme d’archétypes populaires. Dans les yeux de La Féline, le monde se peint de clair-obscur et de couleurs fantasmatiques, les contraires se cherchent et s’équilibrent. Ici, la candeur est intense. Ici, la sauvagerie est douce.
En concert :
16/03/2017 – PARIS @ La Maroquinerie – Release Party