Après le succès de Kurt Cobain : Montage Of Heck, certains cinémas ont diffusé hier soir, en avant première, le documentaire Amy. Loin de la masturbation intellectuelle du réalisateur de Montage Of Heck, le film sur la diva anglaise se veut être une fidèle retranscription de sa carrière. Réalisé par Asif Kapadia, reconnu pour son travail sur Senna, le documentaire regroupe des interviews des proches d’Amy Winehouse mais aussi de nombreuses vidéos personnelles. Face à ce travail méticuleux qui montre le gâchis d’un talent immense, il est impossible de rester impassible. Vacarm vous en dit plus.
La première partie d‘Amy montre, via des vidéos, l’adolescence de la chanteuse avec ses deux meilleures amies. On y découvre également une Amy Winehouse, âgée de 18 ans, pimpante et avec des rondeurs. La jeune femme explique qu’elle compose et écrit elle-même ses chansons car la musique actuelle est fade et ne lui correspond pas. S’en suit la sortie de son premier album jazzy Franck dont les séances de promo lui donneront la réputation de « grande gueule » quand elle se moque des journalistes aux questions stupides ou quand elle descend en flèche la personne qui a mixé son album en osant insérer des violons alors qu’elle déteste ça. Des passages qui font rire tellement Amy Winehouse pétille et est pleine d’humour.
Franck connaît un petit succès, notamment avec le titre « Stronger Than Me », primé par un Ivor Novello Award en 2004. Puis, en 2005, la chanteuse décide de déménager à Londres, dans le quartier rock’n’roll de Camden. C’est au cours d’une soirée qu’elle fait la connaissance de celui qui scellera son destin : Blake Fielder-Civil. Les images sont frappantes. On passe d’une Amy pleine de vie à, six mois plus tard, une femme squelettique et complètement défoncée pendant les interviews. Cette relation passionnelle et destructrice sera ponctuée par des ruptures puis des réconciliations qui rendront la jeune femme dépressive, alcoolique et toxicomane. Nick Shymansky, son ami et manager à cette époque, explique qu’il souhaitait l’emmener de force en cure de désintoxication mais les parents Winehouse l’en ont empêché, prétextant que cela n’était pas nécessaire. Inutile d’en dire plus sur les raisons de la colère de Mitch Winehouse face à la sortie du documentaire… Quoiqu’il en soit, c’est comme ça que le tube « Rehab » est né.
En parallèle, c’est une période de vache maigre pour Amy Winehouse. Obnubilée par son boyfriend et à cours d’inspiration, sa maison de disque menace de la virer. Sauvée in extremis par son producteur Salaam Remi, elle s’envole à Miami en 2006 pour travailler sur son nouveau disque, en compagnie de Mark Ronson. Les démons de la chanteuse (alcool et boulimie) ne s’arrangent pas, Blake Fielder-Civil la quitte et elle remercie Nick Shymansky pour le remplacer par Raye Cosbert, son tourneur, dont le principal intérêt sera de la faire tourner pour engranger un maximum de bénéfices.
Back To Black voit le jour fin 2006 et « Rehab » devient un succès planétaire. Amy montre alors Blake Fielder-Civil, avide de notoriété et d’argent, refaire son apparition dans la vie de la londonienne et les tabloïds britanniques se mettent à la traquer. Les images du documentaire donnent la nausée. On y voit la jeune femme pourchassée, éblouie par les flashs des appareils photos dès qu’elle sort de chez elle et tous les médias riant de ses déboires dans leurs gros titres. La tragédie semble inévitable.
Le couple infernal se marie et Blake Fielder-Civil ne cache pas son comportement abjecte et intéressé dans les vidéos faites par leurs amis. Accro au crack et à l’héroïne, la chanteuse devient incapable de monter sur scène pour chanter. Le matraquage médiatique devient encore pire et l’entourage d’Amy Winehouse se décide alors à agir et à l’envoyer en cure de désintox. C’était sans compter sur le compagnon de la jeune femme qui, au bout de quelques jours, réussit à s’introduire dans l’hôpital pour fournir sa dulcinée en crack. Finalement, ce dernier sera arrêté et incarcéré.
D’abord hagarde, Amy reprend petit à petit du poil de la bête. Ainsi, Amy montre une superbe séquence. Il s’agit des Grammy Awards. La jeune femme est sobre et a repris du poids. On la voit, les yeux écarquillés en découvrant que celui qui va remettre le prix au gagnant de la catégorie où elle est nommée n’est autre que son idole Tony Bennett. L’émotion atteint son paroxysme quand elle remporte le prix. Sa revanche est si belle que l’on a qu’une seule envie, c’est de se lever de son siège pour l’applaudir également.
Malgré cela, elle connaît quelques rechutes et est sifflée par le public lors de concerts où elle ne tient pas debout. La chanteuse tient bon et trouve refuge sur l’île de Sainte Lucie. Elle y reste six mois pour se requinquer. C’était sans compter sur son père qui, ne voyant pas d’un bon œil la sortie de sa fille des médias, ramène carrément une équipe de tournage sur l’île pour livrer sa fille à ceux qui la traquent. Dans la foulée, Blake Fielder-Civil demande le divorce.
Peu de temps après son retour, en 2011, Tony Bennett et la chanteuse enregistrent un duo (paru sur l’album posthume Lioness : Hidden Treasures) dont on peut découvrir avec plaisir quelques images des coulisses dans le documentaire. La diva de Camden reprend du poil de la bête et commence à contacter tous ses amis des débuts. Sur des enregistrements audio, on peut l’entendre affirmer qu’elle a de nouveaux projets en tête et des chansons en cours d’écriture. Mais, surtout, elle ne veut plus chanter les paroles des titres de Back To Black qui appartiennent au passé.
Contrats à l’appui, Mitch Winehouse pousse cependant sa fille à assurer les quatre derniers concerts pour lesquels elle a signé. Préférant se saboter plutôt que d’obéir, Amy Winehouse se rend à Belgrade le 18 juin 2011 et, une fois sur scène, complètement ivre, elle refuse de chanter. Tout le monde pense la jeune femme perdue mais son entourage témoigne : en dehors de ce contexte de sabotage, elle est redevenue clean.
Malheureusement, le 23 juillet 2011, elle sera retrouvée morte chez elle. Son corps n’aura pas supporté l’excès de trop.
Documentaire très émouvant, Amy permet de découvrir la carrière et la personnalité de la chanteuse vues par ses proches. On découvre alors qui se cache derrière le nom d’Amy Winehouse : une jeune femme modeste, drôle et pleine de mordant. Mais, surtout, un talent gâché par des mauvaises rencontres, l’appât du gain et le fonctionnement actuel de l’industrie musicale.
Un film à ne pas rater, dès le 8 juillet 2015 dans tous les cinémas.
