« Il faut puiser la force des événements tragiques qui nous arrivent plutôt que de les prendre comme une faiblesse et se laisser tomber ».
Rencontre avec Pierre, chanteur et bassiste du groupe de metalcore Insolvency, le 12 janvier 2018 au Hard Rock Café (Paris).
Peux-tu présenter brièvement le groupe ?
Valentin et Jules, un ancien guitariste, ont créé le groupe en 2012, au début juste pour faire des reprises (Metallica, Nirvana …). On a commencé à faire quelques concerts de reprises dans les bars avec une ou deux compos mais ce n’était pas énormément travaillé et c’est vraiment en 2014, avec l’arrivée de Bruno dans le groupe, qu’on a cherché à avoir une touche professionnelle, son arrivée nous a donné le petit punch en plus pour faire vraiment de la musique. A partir de là, on a commencé à composer, à jouer des compos en live et on a créé un premier Ep home studio sorti en 100 exemplaires, c’était surtout pour apprendre à travailler ensemble, trouver notre style et savoir comment on allait avancer par la suite. L’Ep est sorti en 2015 avec 5 titres dont 3 sont repris sur l’album. Ensuite Bruno a joué avec Alexi Laiho (Children of Bodom) au Hundred Guitars from Hell festival et ça nous a apporté encore une motivation supplémentaire. Sur la même période, on a eu une proposition de tournée en Russie pour faire la promo de notre Ep, on en a discuté avec des professionnels, notamment avec Pierre le Pape de Melted Space qui nous a conseillé plutôt de sortir un album et ensuite de faire une tournée. C’est à ce moment là, en mars 2016, qu’on a décidé de faire un album, on a commencé à chercher des partenaires, on voulait un album qui nous représente donc on a cherché un studio qui travaillait avec les influences qui nous intéressaient notamment Bullet For My Valentine ou While She Sleeps. C’est là qu’on a découvert le Treehouse studio avec Jim Pinder et Carl Bown. Pendant ce temps on continuait à composer l’album et après notre premier single, « Black Moon », on a retravaillé toutes les compos qui étaient déjà sur l’album pour avoir un son un peu plus metalcore. On a mis deux ans pour composer cet album.
Peux-tu m’en dire un peu plus sur le processus de composition ?
J’écris les textes après avoir composé la musique avec les autres. J’écoute 50, 100 fois la musique, j’ai un cahier de croquis où j’écris des mots, des phrases, auxquels la musique me fait penser. Les textes sont ensuite relus par Bruno, Valentin et Mickaël qui ajoutent des petites touches, me demandent de réécrire une phrase qui ne leur convient pas.
C’est collégial donc.
Oui. Certains apportent une base mais tout est retravaillé par tout le monde. Chacun apporte sa patte à la composition du début à la fin.
Vous avez évolué comment humainement depuis le premier Ep ?
On a vraiment appris à travailler ensemble, à s’écouter les uns les autres parce que ce qui est compliqué mais en même temps une richesse dans le groupe c’est qu’on vient d’horizons musicaux assez différents, Mickael adore le black metal ou deathcore, Bruno et Valentin aiment beaucoup le death mélodique ou le heavy metal, moi je suis vraiment metalcore mais en même temps on peut écouter de la pop et on a appris à accepter les idées de chacun, à composer ensemble, et ça nous a aidés. Là on arrive enfin à travailler ensemble et c’est super. Je pense que c’est à partir de là qu’un groupe peut vraiment progresser.
Les thèmes abordés sont très sombres. C’est un style ou un reflet de ta personnalité ?
J’aime bien pointer des choses dont il peut être difficile de parler, par exemple, « Violation » parle de ce qui se passe en ce moment dans les écoles, des enfants qui sont des têtes de turc et persécutés. J’aime bien pointer ces choses là. Moi je les vois et je veux que tout le monde les voit. Après je ne suis pas un donneur de leçons, je ne suis pas là pour dire j’ai la solution, je veux juste en parler. Dans tous nos morceaux on essaie de faire passer le message qu’on rencontre tous des situations difficiles dans la vie mais qu’il faut essayer de s’en sortir, de puiser la force des événements tragiques qui nous arrivent plutôt que de les prendre comme une faiblesse et se laisser tomber.
L’inspiration tu la trouves où ?
Dans des livres, des faits divers, au travail, un peu partout.
Vous aviez composé beaucoup plus de titres que ceux que vous avez enregistrés ? Vous en avez laissés de côté ?
On a repris 3 titres qui étaient sur l’Ep « This war is not for you », « Your lost soul » et « Violation » sur lesquels on a retravaillé des détails au niveau de la voix, beaucoup au niveau de la batterie et un peu au niveau des samples. On les reconnaît quand même mais il y a des petites subtilités qui ont été retravaillées, la prod est beaucoup mieux, vraiment meilleure. Il y a 3 morceaux qu’on a mis de côté, qu’on ne joue plus, dont un qui n’est jamais sorti au grand public et qui ne nous correspond plus.
L’enregistrement a duré combien de temps ?
On a enregistré chez nous les guitares, les voix screamées et le chant clair, on a ensuite envoyé les pistes au studio où on est partis deux semaines et on a enregistré la batterie, la guitare acoustique et les chants groupés (les back voices). Par exemple, sur le refrain de « Black Moon », il y a des gros chants, des moments où on chante tous ensemble. On a commencé à enregistrer vers avril et ça s’est terminé en août. On a modifié les partitions au fur et à mesure qu’on enregistrait parce que ça nous convenait plus.
Qu’est ce Jim Pinder et Carl Bown du Treehouse studio vous ont apporté ?
Avec Jim et Carl ça s’est super bien passé. Ils ont apporté un regard neuf, moderne sur nos morceaux. Au niveau de la batterie, ils ont donné des conseils à Mickael, on allait d’ailleurs surtout là-bas parce qu’on avait entendu la batterie sur l’album « This is the six » de While She Sleeps et c’était ça qu’on voulait. On a d’ailleurs eu l’occasion d’enregistrer sur leur batterie parce qu’ils étaient en studio sur la même période. On a été reçus comme des rois, c’était notre première expérience, on a communiqué avec eux en amont par mail, ensuite le premier soir on est allé au resto, on a parlé du studio mais aussi d’autres choses, de nous, de nos vies et ils nous ont apporté des conseils sur le mixage, le mastering, toutes les nuances qu’on pouvait apporter auxquelles on n’aurait jamais pensé et ils ont vraiment été attentifs aussi à ce qu’on voulait. Ça a été hyper intéressant et ultra enrichissant.
Sur « Black moon », la guitare et la batterie semblent se répondre, dialoguer. Comment avez vous travaillé cette technique ?
Ce morceau est assez particulier, puisque c’est le dernier qu’on a composé et c’était pendant l’enregistrement de l’album. On a voulu apporter une richesse moderne à cet album et ce morceau correspond tout à fait à ce qu’on veut faire maintenant. Ce qui est intéressant dans le metalcore, c’est justement la guitare et la batterie qui sont composées ensemble. On a également évolué au niveau de la technicité, on a pris du niveau en studio.
Les titres sont assez longs, 5, 6 minutes en moyenne et laissent la part belle aux instruments qui ont largement le temps de s’exprimer.
C’est un peu volontaire, principalement déjà par rapport aux influences de chacun, Valentin et Bruno sont des guitaristes techniques, mais aussi parce que notre style de chant ne plait pas forcément à tout le monde donc on a envie d’apporter autre chose que du scream. Même chose pour le chant clair. La voix fait beaucoup dans un groupe mais si elle ne plait pas, on essaie d’apporter d’autres choses qui pourront plaire. Et on a eu des retours par rapport à ça, par exemple sur « Death Wish », où des personnes disaient « ce que je n’aime pas dans le metalcore c’est le scream par contre l’instrument déchire, j’adore ». On l’a fait volontairement. On est deux chanteurs dans le groupe, ça permet d’apporter deux voix différentes, deux chants clairs et deux screams différents donc ça apporte vraiment des grandes nuances et je pense que c’est ce qui fait aussi un peu la richesse du groupe.
Comment vous répartissez-vous les parties chantées avec Valentin ?
Plusieurs critères : le premier ça va être si Valentin va réussir à chanter et jouer de la guitare en même temps, sur des couplets par exemple c’est assez technique donc pour que ce soit plus propre c’est moi qui vais prendre les parties, ensuite par rapport à la voix de chacun, Valentin a une voix un peu plus aigue que la mienne, donc en fonction de la tonalité du morceau ça va être un peu comme une évidence et parfois c’est tout simplement en fonction de nos envies de chanter le refrain ou le couplet sur tel ou tel titre.
L’album commence par une courte intro instrumentale calme et mélodique. Pourquoi le choix de cette intro ?
On a cherché à montrer que l’album peut être rapide mais également calme et on a pensé au live en se disant qu’une ouverture comme ça peut vraiment être intéressante et mettre dans une certaine ambiance. On essaie de penser au live quand on compose. On aime bien commencer par un moment calme pour que ça pète juste après, ça a plus d’impact.
L’interlude de 50 secondes, « Hope », c’est une respiration au milieu de l’album ?
Un album, on peut l’écouter en voiture donc concentré sur autre chose et on ne se rend pas toujours compte, quand on fait une première ou seconde écoute, que le morceau a changé parce que les voix et les tonalités peuvent être les mêmes. Apporter des petits interludes comme ça au milieu de l’album permet d’apporter une chose nouvelle. En même temps, c’est un album metal donc c’est vrai qu’on aime bien les choses rapides, qui bourrinent un petit peu donc ça fait un moment d’apaisement au milieu de l’album pour souffler un petit peu, c’est calme, on a mis du piano et ensuite on repart sur du lourd. A la base, cet interlude a été composé pour un live, on trouvait intéressant d’avoir une pause et finalement on l’a incorporé à l’album parce qu’on trouvait ça bien.
Un mot sur le clavier.
C’est des samples informatique, on compose ça sur des logiciels. Notre batteur a un pc à côté de lui et envoie le sample qui est programmé du début à la fin avec tel passage.
Vous n’envisagez pas de prendre un claviériste ?
Ce serait intéressant de le faire mais on n’a pas les moyens physiques de le faire.
La guitare dans « Violation » est plus heavy que metalcore.
C’est justement les influences de chacun qu’on essaie d’apporter dans chaque morceau.
Vous n’avez pas peur de brouiller les pistes ?
Non justement on aime ça.
Quelles sont tes influences ?
Le premier groupe de metalcore qui m’a vraiment influencé c’est Bullet For My Valentine avec l’album « The Poison », ensuite j’ai découvert des groupes comme While She Sleeps et ça a été une révélation pour moi surtout au niveau du live parce qu’ils ont un lien incroyable avec le public et c’est ce lien qui m’intéresse vraiment. C’est bête mais j’admire énormément le groupe Indochine qui représente tout à fait pour moi ce qu’un musicien doit donner à son public parce que sans le public on n’est pas là. Ce sont ces trois groupes qui m’ont influencé pour faire de la musique. Les While She Sleeps disent qu’ils sont cinq sur scène mais six dans leur cœur en parlant du public
Un mot sur l’artwork, magnifique, de Daniel Mc Bride Design ?
Quand on a décidé de travailler avec Daniel Mac Bride pour la pochette de l’album, on avait déjà une petite idée en tête dont on lui a fait part, on a trouvé intéressant d’apporter une vraie personne sur la pochette, que ce soit un peu plus réaliste qu’un dessin. Bruno a un ami qui a parlé de notre projet à Mytika des Suicide Girls et le projet lui a tout de suite plu.
Cet album, il va falloir le défendre sur scène, vous avez déjà des ouvertures ?
On a déjà la release party au Klub à Paris le 16 février et on est en train d’organiser une tournée pour laquelle on a déjà quelques dates, à Reims et Nancy notamment, à Troyes aussi en première partie de Melted Space le 23 mars
L’avenir du groupe, vos projets ?
Sur le court terme, jouer le plus possible pour défendre notre album et sur le long terme continuer à faire de la musique. On commence déjà à avoir des pistes de composition pour un prochain album dans le but de tourner au maximum.
INSOLVENCY : Drum playthrough du titre » Death Wish »