On s'imagine toujours rencontrer Marilyn Manson dans un château perdu dans la campagne hongroise, habituellement habité par des chauves souris et autres animaux nocturnes. C'est pourtant par un ciel radieux et une chaleur printanière, que nous effectuerons cette première rencontre. Un moment à la fois inoubliable et impressionnant. Nous sommes à Paris, hôtel Black Calvados, dans le 8 e arrondissement. Les murs sont peints en noir, la pièce sombre est éclairée par une frise de grosses ampoules de faible intensité et une fresque décore le plafond tandis que les stores sont fermés à la demande express du Révérend. Dans la pièce exiguë, une trentaine de journalistes sont présents et vont poser à tour de rôle leurs questions. En attendant l'arrivée de l'Antéchrist, la tension monte dans la salle, tout le monde étouffe par cette chaleur en se regardant dans les yeux. Les derniers réglages de caméras sont effectués. Marilyn Manson entre, s'installe à la table, nous salue et lance une plaisanterie en regardant la multitude de dictaphones présents face à lui. L'homme, à moitié humain, impose le respect par un charisme hors du commun. Probablement impressionné lui aussi, il se détendra au fur et à mesure que les questions fuseront.
Ton nouvel album est inspiré du conte Alice au Pays des Merveilles, plus particulièrement le titre. Pourquoi avoir choisi ce titre ? Pourquoi Lewis Carroll et son conte te passionnent tant ?
Seulement une partie de l'album parle d'Alice au pays des merveilles. J'aime le concept d'être consommé par quelqu'un autre. Cela peut être rapporté au Christ qui est devenu un symbole, et ce symbole devenu une religion est désormais consommé par les gens qui croient en cette religion. Cet album est un symbole pour moi. C'est la première fois que je redeviens humain, quelqu'un peut me consommer avec un degré de soumission, de sacrifice et de romance. C'est un disque très romantique.
Peux-tu nous parler de Phantasmagoria ?
Phantasmagoria est repoussé brièvement jusqu'en octobre à mon avis. Je préfère me concentrer sur l'album et la tournée. L'an dernier je suis devenu si obsédé par les personnages de Lewis Carroll et de Charles Dodgson que je lisais, que j'avais besoin de prendre un peu de distance par rapport à moi-même avant de finir le film. Cet album n'existerait pas si Phantasmagoria n'existait pas. J'étais dans un état où je ne pouvais plus rien faire d'autre, j'étais perdu. J'avais perdu tout espoir et j'étais en opposition avec la vie dans un sens. Je ne veux plus être comme ça à nouveau. Sur cet album, vous pouvez m'entendre renaître, entendre une romance mourir et une romance en train de naître. Cet album n'a rien de personnel mais il représente qui je suis et ce que je ressens. Si vous écoutez, vous verrez que j'ai écrit les paroles spontanément. Le premier morceau de l'album dit “Christmas Morning, 6 am, and it's now that I wrote it”. J'ai fini d'enregistrer cet album très récemment. Je n'ai pas encore eu assez de temps pour prendre du recul et parler de tout ça de manière objective.
Comment expliques-tu ce changement musical pour le nouvel album ?
La musique m'a bien évidemment occupé une bonne partie du temps cette année, mais avec ma relation j'étais dans une position où je devais changer ma manière d'être et faire comme n'importe qui d'autre. Je devais être simple. Aller au lit et me réveiller avec des sons. C'était marrant. Je devais changer de vie à cause du mariage, je pensais que cette manière me permettrait de faire plus de musique et de vivre mieux. C'est l'album de l'antéchrist qui devient humain et qui commence à ressentir des sentiments, notamment l'amour. La musique que j'écoutais au moment de l'enregistrement, c'était plutôt Diamond Dogs (David Bowie), OK Computer (Radiohead) ou Purple Rain (Prince). J'ai essayé d'écrire un album que je n'avais jamais fait auparavant. Celui-ci est plus mélodique, plus « guitar hero » et comble mes attentes en ce qui concerne le chant. C'est une combinaison chanceuse. Je chante ce que je devais chanter. C'est aussi un album où je chante plus qu'à l'habitude.
Il y a de nombreux solos sur cet album. Tu pourrais peut-être nous dévoiler le guitariste qui te suivra en tournée ?
Oui, parfaitement. Tim Skold a produit cet album avec moi en jouant les parties de guitares et de basse. C'est lui qui assurera la guitare en tournée. Nous avons un nouveau bassiste, Rob Holiday, anciennement dans Prodigy. {multithumb thumb_width=500 thumb_height=350}
Si tu devais résumer en quelques mots ton album, quels seraient-ils ?
Quatre mots ? Eat Me, Drink Me ! (rires) Mais non, je pense que ce serait plutôt lié aux livres et aux films que je regarde. Un peu comme Bonnie & Clyde, entre colère et romantisme. C'est à la fois tout et rien.
Est-ce que ce sont des sonorités que tu n'as pas pu mettre sur les autres albums à cause de leurs concepts respectifs ?
Avant j'étais supposé écrire directement les paroles sur ce qui affectait les gens autour de moi. A ce jour, c'est l'album sur lequel je me suis senti le plus libre. J'ai essayé d'écrire cet album comme pour séduire quelqu'un, comme une manière de voir la vie. C'était comme une performance, je voulais que les gens ressentent quelque chose. Parfois il y avait du monde dans la salle où j'enregistrais les morceaux. A la première prise, je chantais en couchant mes mots sur le papier.
Tu as changé dans ton style musical, qu'en est-il de ton apparat visuel ?
Tu veux parler de la taille de mon pénis ? (rires)
Je pense que cette tournée va être plus théâtrale que la précédente. Ce sera plus concentré sur moi comme un chanteur ou peut-être comme un performer. Le premier titre sera « If I Was a Vampire » comme sur l'album. Ca restera un show très mansonien, à ma manière.
Face à cette évolution musicale, comment penses-tu que vont réagir tes fans ?
Je penses qu'il est difficile de déterminer une définition de ce qui est un fan. Je ne veux pas m'abaisser à des gens qui ne m'ont jamais écouté, jamais vu ni entendu et encore moins qui n'ont aucune perception de qui je suis. Mon attention se porte sur les gens convaincus par ma sincérité et mes nouveaux fans pour leur droiture. Sans eux, cet album n'existerait pas et moi non plus. C'est aussi simple que ça.
Et à propos de Ginger ?
Ginger est dans le groupe aussi mais cet album est une collaboration exclusive entre moi et Tim Skold même s'il était très important pour moi de porter attention au fait que nous soyons un groupe, comme un groupe de live qui enregistre un album. On a fait beaucoup d'efforts pour que cela se passe de cette manière. La partie simple pour moi était de chanter. J'ai eu du mal à écrire les paroles, puis une fois que j'ai écrit le premier morceau, tout est venu très vite. C'est venu plus rapidement que je ne m'y attendais.
Peux-tu nous parler en détails du premier single, « Heart-Shaped Glasses » ?
Cette chanson a été écrite parce que je lisais le livre Lolita et j'étais très proche de Evan Rachel Wood, qui est maintenant ma petite amie. J'ai été inspiré par l'affiche du film de Stanley Kubrick où on voit Lolita avec ses lunettes en forme de coeur. Elle m'a beaucoup inspiré pour la composition de l'album.
En ce qui concerne le clip, il sera en 3D et filmé par James Cameron. Je ne sais pas encore à quoi ressemblera le film, j'ai tourné un cours métrage. Ce sera probablement controversé avec des scènes pornographiques. Je ne sais pas ce qu'il va se passer. On m'interroge souvent parce qu'Evan Rachel Wood est actrice, on me demande si elle sera dans le clip. Oui. Elle sera aussi payée comme il se doit. Je voulais que ce soit elle particulièrement qui joue dans ce clip. Il y a une scène sexuelle. Je la respecte en tant qu'actrice et quelqu'un aura la chance de forniquer avec elle. (rires)
Tu as dit que l'Antéchrist était et sera toujours un travail en constante progression. Penses-tu que ce nouvel album montre un Antéchrist qui a grandi, qui vit dans le monde des humains, qui est devenu humain et qui ressent le sentiment le plus destructeur qu'il soit : l'amour ?
L'amour est quelque chose qui me détruit. C'est un peu comme le mythe du vampire qu'on tue en plein cœur. Cet album montre un point de ma vie où je suis attendu comme étant plus mâture, plus responsable, plus adulte, étant marié, etc… C'est le résultat d'expériences affreuses. Je ne veux pas revivre d'expériences pareilles. C'est toujours un travail en progrès et cet album en fait partie.
Et à propos de la tournée qui arrive ?
Tim Skold jouera de la guitare, Rob Holiday de la basse. Il y aura bien évidemment le reste du groupe avec peut-être quelques surprises pour le show. Ca sera plus théâtral à la manière de la tournée pour Mechanical Animals. On jouera probablement avec Slayer, c'est assez inattendu aux USA. Ca sera une tournée comme un retour aux enfers où je mettrais en avant l'aspect de « romance noire ».
Merci à Brian « Marilyn Manson » Warner. Merci à Delphine et Noemy.