1998, les formations estampillées néo-metal éclosent de toute part, la tournée Family Values montée par Korn fait salle comble tous les soirs, et Ross Robinson est le producteur du moment. Découvert, signé et avancé sur le devant de la scène par Fred Durst (leader de Limp Bizkit), mis en boite par le grand gourou du son que tout le monde s'arrache et mixé par Terry Date (Deftones), le premier opus de Cold aurait tôt fait d'être rattaché la vague. Sauf que la formation n'applique pas tout à fait les codes du néo, ce qui pourrait en partie expliquer que celle-ci ne trouvera jamais vraiment le succès.
Contrairement aux groupes qui pullulent sur la scène Américaine au moment de la sortie de cet album éponyme, Cold préfère jouer la carte de la sobriété. Artwork dépouillé à l'extrême ou sessions photos sans mises en scènes particulières, le quatuor (qui deviendra quintet avec l'arrivée de Terry Balsamo) souhaite avant tout faire passer son message grâce à sa musique plutôt qu'à travers son image. Cette volonté de ne pas user d'artifices se retrouve au sein même des onze compositions composant le disque, le groupe ne présentant à aucun moment les principales caractéristiques définissant clairement leurs camarades de scène. Pas de couplets rappés et une utilisation de hurlements rarissime, mais un chant mélodique et baigné d'une noirceur absolue. Encore approximatif sur ses interventions et même parfois difficilement compréhensible à cause d'un phrasé yaourt (en particulier sur les compositions les plus énergiques telles que « Give » ou « Everyone Dies »), le leader Scooter Ward est encore loin de la perfection et semble presque gêné de dévoiler ses paroles pourtant empreinte d'une réelle profondeur. Totalement personnelles et habitées de l'âme de leur concepteur, les tirades mélancoliques de Ward semblent évoluer plus aisément lorsque la saturation décent d'un cran, voir lorsque celle-ci atteint presque le niveau zéro, même si le frontman semble bien souvent se dissimuler derrière un véritable mur de brouillard (« Ugly », « Serial Killer », « Superstar »).
Accompagnés d'une voix au timbre presque maladif, les musiciens déroulent une série d'accompagnements résolument tristes mais néanmoins relativement variés, ou les effets de guitares se veulent plus que discrets. Si l'ambiance générale reste identique tout au long de l'album, le groupe alterne avec brio instrumentations bien punchy et saturées, empreintes d'un esprit lourd et plombé parfaitement accordé aux dires de Scooter Ward (l'excellent « Give », « The Switch » ou encore « Goodbye Cruel World », l'un des rares titres ou la guitare s'envole dans les aiguës au cours du refrain) et ballades romanticos-dépressives (« Ugly », « Strip Her Down »). Représentés au même niveau (six plages sur onze), ces mid-tempos intimistes laissant intervenir les guitares acoustiques restent moins grand public et encore plus personnels que les morceaux énergiques mais présentent néanmoins avec une plus grande authenticité le groupe en lui même ainsi que sa vision relativement obscurcie des sociétés actuelles.
Cold n'est donc pas un album parfait, en particulier au niveau du chant qui va connaître par la suite une nette évolution, mais présente un groupe qui ne semble pas décidé à se plier aux exigences du public. S'il n'est clairement pas le meilleur opus pour se lancer dans la discographie de la formation américaine, il n'en reste pas moins leur témoignage le plus intime.
.: Tracklist :.
01. Go Away
02. Give
03. Ugly
04. Everyone Dies
05. Strip Her Down
06. Insane
07. Goodbye Cruel World
08. Serial Killer
09. Superstar
10. The Switch
11. Makes Her Sick