Homophobes en tout genre, passez votre chemin, Limp Wrist (=”poignet flasque” au sens premier, mais surtout “tapette, tarlouze” au sens figuré) est l’un des plus éminents représentants du Queercore, la scène punk hardcore “Homo”. En général, quand on pense culture gay, on a plutôt en tête des lieux communs, quelque chose entre une galerie d’art contemporain et un char bariolé de Gay Pride. Loin de tout ça, les Pennsylvaniens jouent un punk hardcore brutal, musclé, qui pourrait même donner des complexes aux plus virils des groupes de musique violente.
10 secondes en guise d’intro, un fondu de batterie, un inconnu arrive en courant et vous saute à la gorge. Ce côté agressif, bestial, ce sentiment d’urgence occupent toute la face A du LP. Le dernier album du groupe remonte à 9 ans, et le moins qu’on puisse dire, c’est que Limp Wrist ne s’est pas assagi, à une nuance près: la rage est beaucoup plus maîtrisée ici. Le groupe ne se contente plus de donner des moulinets au hasard pour toucher sa cible. Il prépare son coup, fait souffler le froid et le chaud, jusqu’à envoyer l’uppercut parfait. Plus que le chaos, c’est le KO, la mise au tapis. Il n’y a qu’à entendre le break de Wrap Yourself In Me pour s’en convaincre. Facades est ainsi mis en valeur par une dynamique exceptionnelle, riche de moments forts. Pour les pratiquants de l’église du pogo, les intro de guitare de Square One et Como Vos sont d’irrésistibles appels à la prière. Les guitares sont tranchantes et grinçantes à souhait, la section rythmique bouillante entretient un climat de tension constante. Le tout couronné par la voix éraillée et enragée de Martin Sorrondeguy, figure légendaire du Queercore, directeur de label, réalisateur, et surtout musicien connu pour sa participation au sein des groupes Los Crudos, Needles, N.N.
Mais Facades n’est pas un album uniforme. Limp Wrist nous réserve ainsi un contre-pied total pour la face B du LP. Exit la punk music: bonjour la boîte à rythme, tendance house music plutôt aérienne (ambiance “boîte gay” diront certains petits malins). Les titres sont bien plus longs, forcément moins variés au niveau rythmique, loin de ce qu’a publié Limp Wrist jusqu’alors. Le tout reste néanmoins très bruyant, exaltant et sur le dernier titre, Systems In Place, le groupe s’oriente même vers du post punk électronique.
Sans surprise, les thèmes abordés par Limp Wrist sont centrés autour du sexe, des luttes gays à la fois au niveau institutionnel, mais aussi personnel. L’humour n’est pas absent dans les textes. Martin Sorrondeguy ironise à plusieurs reprises sur son statut de queer punk quarantenaire vieillissant = “What could old Queens possibly know?”, “I’m not finished yet”. Quant à la pochette en noir et blanc, elle justifie à elle seule l’achat du LP. On y voit le groupe, mi-nu, en “costumes de scène” dans une posture délibérément provocatrice et assumée. En somme, Facades est un disque hors norme : court, sans concession et jouissif dans sa face A. Puis plus surprenant, déroutant mais toujours intéressant pour sa face B. Limp Wrist est un groupe qui n’a rien à prouver, et qui cherche à partager sa culture avec son public. D’ailleurs, avec l’achat des MP3, un magazine PDF de 40 pages est fourni, comprenant des photos, les paroles de Facades ainsi que des illustrations et articles d’artistes gays. Espérons juste qu’il ne nous faudra pas attendre 9 ans de plus pour un autre album de cette trempe.
Album Facades disponible via La Vida Es Un Mus / Bandcamp / Facebook
Tracklist :
A1 Facades
A2 Thick Skin
A3 Wrap Yourselves in Me
A4 They Tell Me
A5 Square One
A6 Como Vos
A7 A Little Nervous
A8 Don’t Want You
B1 In My Mind
B2 Dead Artist
B3 Systems in Place