Metal et guitares acoustiques ne font pas toujours bon ménage. L’approche simple et dépouillé d’une musique par essence lourde en décibels est l’exercice casse-gueule par excellence – Korn et son Unplugged mi-figue mi-raisin en 2007 –. Lofofora, pionner de la fusion made in France, ne s’est pour sa part jamais vraiment préoccupé des modes, attentes ou impératifs commerciaux. Une grosse quinzaine d’années après Double, qui voyait le groupe se risquer à des reprises inattendues – en vrac, Bashung, Gainsbourg et Arno –, le quartet s’embarque dans une virée à base de guitares sèches. L’album aura de quoi décontenancer les adeptes du Lofo vénèr, mais témoigne une nouvelle fois des qualités de songwriting des parrains du rock hexagonal.
Lofofora reste-t-il Lofofora une fois dépouillé de saturation ? Difficile à dire à la première écoute. Contrairement à bon nombre de groupes qui se risquent à adapter leurs classiques en version acoustique, le quartet prend ici le risque de ne proposer que des compositions originales. Les adeptes du son Lofo n’auront donc aucun point de comparaison, aucun lien à établir avec le passé glorieux des franciliens. Simple Appareil présente un visage neuf et des envies différentes. Exit le rock frontal et buriné, Lofo livre un disque sans fard ni artifices. Un pur moment de musique intimiste, une invitation à prendre part à une soirée chaleureuse au plus proche des zicos. Mais si le son se trouve logiquement moins noir et pesant que d’ordinaire, le groupe en profite pour jouer plus franchement sur les émotions, soigner les contrastes et appuyer avec brio sur les échappées mélancoliques – « L’histoire ancienne », superbe » -. La production est ample et aérée. La basse ronde à souhait. Et Reuno adapte son chant à la perfection aux nouveaux horizons dépeints par ses camarades d’aventure.
Reuno est une figure de la scène française. Ce dernier a construit sa réputation sur son timbre ultra-grave et son écriture agile, intelligente et vindicative. Simple Appareil est l’occasion pour ce dernier de se mettre en danger sur le fond comme sur la forme. Adaptant sa voix aux atmosphères, le bonhomme opte pour un chant plus posé mais jamais lisse. Ses lignes vocales conservent leur aspect rocailleux et authentique et s’articulent autour de textes parfois plus personnels. Reuno n’abandonne pas totalement ses thématiques de chevet – la peinture au vitriole de notre société malade ouvre le disque via le très bon « Les boites » –, mais ose pour l’occasion évoquer amour, camaraderie et souvenirs. Le tout avec tripes et générosité.
Simple Appareil est un pari osé pour Lofofora. L’album nécessitera plusieurs passages sur la platine avant de libérer son essence, et rebutera peut-être une partie de la fan-base du groupe. Ce dernier mise cependant sur une proposition différente et s’offre en onze morceaux une parenthèse vraiment intéressante. On saluera cette belle initiative, qui devrait par ailleurs permettre au quartet de renouveler sa set-list de belle manière sur la tournée à venir.
Album disponible à compter du 6 avril via le label At(h)ome.
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