Survivre au départ de son frontman n’est jamais chose aisée. Pour AqME, la séparation aura été prononcée à la sortie d’un disque que beaucoup considèrent encore comme la quintessence de leur carrière – Epithete, Dominion, Epitaphe, 2012 –, laissant la section instrumentale le cul entre deux chaises, partagée entre l’envie de partir sur de nouvelles bases et l’obligation de défendre un album lié à la personnalité de leur ex-comparse Thomas Thirrion. Composé rapidement suite à l’arrivée de Vincent Peignart-Mancini, l’EP Les Sentiers de l’Aube présentait pour sa part un AqME 2.0 hésitant sur la marche à suivre, direction artistique sur laquelle le groupe s’accordera avec plus grand succès sur le format long suivant, Dévisager Dieu. Le huitième album studio du groupe, sobrement intitulé AqME, enfonce aujourd’hui le clou sans pour autant répliquer stricto-sensu la formule de son prédécesseur.
Vincent Peignart-Mancini a parcouru un sacré bout de chemin depuis son intégration au sein du groupe francilien. Peu enclin à lorgner vers le chant mélodique lors de son arrivée, ce dernier a su ouvrir son spectre vocal avec brio, délivrant sur Dévisager Dieu quelques refrains ultra-catchy sans jamais sombrer dans les facilités relatives au genre. Etienne Sarthou, batteur et chef d’orchestre, a ici eu l’intelligence de prendre en compte l’évolution de son comparse pour l’emmener encore plus loin en dehors de sa zone de confort. Avec ce huitième disque, le groupe parvient en effet à se renouveler sans jamais trahir ses racines originelles, à livrer un album plus centré sur les mélodies et les variations vocales. Moins frontal que Dévisager Dieu, cet éponyme joue franchement la carte des contrastes et des ambiances. L’ensemble s’avère certes un poil moins percutant que son prédécesseur. Difficile en effet de jauger véritablement ce AqME à première écoute, les morceaux s’avérant étonnamment moins immédiats que par le passé – si ce n’est les deux hits-singles « Tant d’années » et « Refuser le silence » –. L’album n’en est cependant pas moins bon, et demandera quelques écoutes attentionnés avant de révéler l’ensemble de ses qualités d’écriture.
Étonnamment, le disque évoque Sombres Efforts, premier « long » du groupe. L’équilibre entre hargne et spleen mélodique s’en rapproche de manière troublante, à la différence près que cet éponyme profite aujourd’hui de l’expérience du quatuor ainsi que de la qualité d’écriture de Vincent Peignart-Mancini, qui couche ici une petite ribambelle de textes habiles et extrêmement personnels. L’homme ose pleinement, profitant de son chant clair désormais parfaitement maîtrisé pour se mettre franchement à nu – « Si Loin », « Meurs ! » – et évoluer avec une aisance remarquable sur des tempos plus retenus sans jamais sacrifier à la puissance du son. C’est notamment ces compos, bardées d’émotions et de contrastes vertigineux, qui finissent après quelques écoutes par prendre le pas sur les morceaux plus classiques. Le disque reste cependant parfaitement cohérent, et ce malgré une très nette rallonge en matière de timing par rapport à leur prod’ précédente – 9 titres sur Dévisager Dieu contre 12 pour cet éponyme –.
AqME poursuit son histoire sans s’essouffler. Classe et ultra-travaillé, ce huitième album témoigne d’un très gros travail de fond. Le disque pourra déstabiliser, et quelques grincheux ne manqueront sans nul doute de souligner le trop plein de chant clair. AqME ne s’est pourtant jamais caché d’être plus rock que véritablement metal. Et dans le registre alternatif, le groupe s’impose plus que jamais comme une belle référence.